ATHLE.ch VINTAGE | BIOGRAPHIE PIERRE DÉLÈZE / EPISODE 5 | Au milieu des années '70, un jeune et prometteur coureur de demi-fond nommé Pierre Délèze intègre les cadres nationaux dirigés par Jean-François Pahud. C'est le début d'une fantastique histoire qui va conduire le Valaisan jusqu'au top niveau du demi-fond mondial. ATHLE.ch VINTAGE propose de revivre la carrière exceptionnelle du plus magnifique miler de l'Histoire de l'athlétisme suisse. Le cinquième des dix-huit épisodes de cette biographie est consacré à la saison 1980 qui voit Pierre Délèze rêver de Jeux Olympiques.

Le rêve de participer aux Jeux Olympiques est sur le point de devenir une réalité pour Pierre Délèze. Outre une augmentation drastique de son kilométrage hivernal, Pierre va aborder une nouveauté avec pour la première fois une participation à la saison en salle au lieu de celle de cross-country. Cela n’a pas empêché une nouvelle participation à la Course de Noël à Sion le 15 décembre 1979. Comme d’habitude la performance de Pierre a été grande, mais cette année il a trouvé plus fort que lui en la personne de l’Anglais Tony Simmons qui s’est imposé sans bavure à l’issue des sept kilomètres du parcours. Après un nouveau camp d’entraînement au Portugal, deux compétitions en salle ont permis à Pierre Délèze de se familiariser avec les conditions spécifiques de l’indoor. Sa première tentative le 26 janvier à Vittel (France) s’est soldée par une belle réussite sur 3000 m. En courant en 7’58″3, il a amélioré son record de quatre secondes et il a ainsi pu emmagasiner un maximum de confiance pour la suite des opérations. Une semaine plus tard, c’est à Macolin que Pierre teste sa vitesse avec un très joli 800 m bouclé dans la foulée de Peter Wirz (ST Bern) en 1’51″03. Là aussi il s’agit d’un nouveau record personnel battu de quatre dixièmes. Pierre Délèze est fin prêt pour les championnats d’Europe en salle de Sindelfingen.

Les onzièmes championnats d’Europe en salle se disputent sur deux jours les 1er et 2 mars 1980 a Sindelfingen (Allemagne de l’Ouest). Le climat du Glaspalast aurait pu être à la fête, mais il est dans un premier temps assez froid et tendu, la faute à un boycott de la part de l’équipe d’Allemagne de l’Est. En faisant abstraction de cela, les Suisses présents n’ont pas fait bonne figure lors de la première journée. Tous ? Non ! Un irréductible coureur valaisan nommé Pierre Délèze a égayé le camp helvétique grâce à une magistrale qualification pour la finale du 1500 m en 3’42″0. La deuxième journée, le Palais des Glaces de Sindelfingen devient un peu plus chaleureux. Il sera complètement bouillant au moment de la finale du 1500 m. Le rythme initial de cette course n’avait rien à voir avec celui des séries de samedi. Après un 400 mètres passé en 57″07, Pierre Délèze s’est laissé glisser à l’avant-dernière place. L’allure imprimée par l’Allemand Thomas Wessinghage s’est maintenue aux 800 mètres et même accentuée aux 1200 mètres. Pendant ce temps, Délèze est revenu, mais l’Irlandais Ray Flynn peut s’infiltrer à la deuxième place et les positions ne changent plus jusqu’à l’arrivée. Wessinghage triomphe devant un public acquis à sa cause en 3’37″6 (record d’Europe en salle), devant Flynn en 3’38″5 et Délèze qui décroche une magnifique médaille de bronze en 3’38″9 et qui bat une nouvelle fois le record suisse en salle. Voilà mine de rien la troisième médaille décrochée par Pierre Délèze sur 1500 m lors d’un championnat majeur après le bronze des championnats d’Europe juniors en 1977 à Donetsk et l’argent de l’Universiade d’été en 1979 à Mexico City. Elle vient récompenser un Pierre Délèze aussi volontaire qu’assidu et surtout fort lucide au moment des interviews : «À la cloche, le train était si soutenu, que je n’avais plus aucune chance d’améliorer mon rang. Je suis finalement satisfait de cette troisième place, et surtout du temps qui l’accompagne. Il me semble que 3’38″9 en salle correspondent assez bien à mon record en plein air (3’36″7). Et il faut savoir que, pensant aux Jeux Olympiques avant tout, je suis venu à ces championnats d’Europe de Sindelfingen pour y tester ma forme sans rien changer à mon entraînement, basé encore essentiellement sur l’endurance». Tout est dit : Pierre Délèze a réalisé un joli coup en Allemagne, mais l’essentiel est de garder la ligne de conduite établie pour la préparation en vue des Jeux Olympiques de Moscou. Le travail continue…

1. Thomas Wessinghage    FRG 3’37″6
2. Ray Flynn    IRL 3’38″5
3. Pierre Délèze    SUI 3’38″9
4. Uwe Becker    FRG 3’39″8
5. Carlos Cabral    POR 3’39″9
6. Malcolm Edwards    GBR 3’43″0
7. Vladimir Malosemlin    URS 3’44″5
8. Jose Manuel Abascal    ESP 3’45″3

Le printemps 1980 s’est bien déroulé pour Pierre Délèze. Son travail d’endurance a permis de créer une base encore jamais atteinte et c’est sur ces solides fondements qu’un autre travail plus spécifique sera initié lors d’un camp d’entrainement en Italie, plus précisément à Tirrenia. Nous voici donc enfin à ce moment où Pierre va nous montrer ce dont il est capable. Nous sommes le 15 juin et c’est le jour qu’a choisi Pierre Délèze pour effectuer sa rentrée à l’occasion de la Westathletic-Cup à Winterthour. Avec Moscou dans le viseur, Pierre sait qu’il doit réaliser la limite aujourd’hui, histoire de chasser tout doute ou stress inutile. Cette limite pour le 1500 m, la Fédération Suisse d’Athlétisme l’a fixée à 3’38″2. Ce chrono est amplement à la portée du Valaisan, ça chacun le sait, mais encore faut-il concrétiser l’occasion. Pour mettre tous les atouts de son côté, Pierre Délèze s’est arrangé avec le Hollandais Elvert Hoving et l’Autrichien Robert Nemeth pour imprimer une allure soutenue à la course, une tactique que l’Espagnol José Luis Gonzalez a refusée tout net ! L’entente entre les trois athlètes a été prépondérante pour l’issue de la course. Finalement c’est l’Espagnol qui s’imposé en 3’36″57 devant l’Irlandais Ray Flynn en 3’37″68 et Pierre Délèze en 3’37″98. C’est désormais une certitude : Pierre Délèze représentera la Suisse aux prochains Jeux Olympiques de Moscou et il convient d’associer à ce succès son entraîneur Jean-François Pahud, qui mérite un gros coup de projecteur par rapport à son travail de tous les instants avec son protégé.

Avant de séjourner à Saint-Moritz pour un camp d’entraînement aux saveurs olympiques, Pierre Délèze doit encore prendre part avec l’équipe suisse au match triangulaire France-Suisse-Suède les 21 et 22 juin à Thonon (France). À l’abri depuis dimanche dernier, Pierre a préparé cette course avec Bernhard Vifian (admis hors concours par les organisateurs), afin d’aider Rolf Gysin à atteindre à son tour la limite pour les Jeux Olympiques. Le Valaisan prend d’entrée la direction des opérations, passant en 57″06 au 400 mètres, avant d’être relayé par Vifian qui boucle les 800 mètres en 1’57″08. À ce moment-là, le Français Alex Gonzalez n’a plus assuré le train, ce qui a eu pour conséquence fâcheuse de casser le rythme et d’ôter tout espoir à l’ancien champion et recordman suisse de réussir dans son entreprise. Gonzalez l’a logiquement emporté en 3’40″8 devant le Français Philippe Dien et Pierre Délèze, crédités tous deux du même temps en 3’41″1, Rolf Gysin devant se contenter d’un 3’41″7 décevant pour lui. Il est temps pour Pierre Délèze de peaufiner sa préparation olympique durant les trois semaines prévues en Haute-Engadine. Pendant ce temps-là, les stars du demi-fond mondial Sebastian Coe et Steve Ovett montrent qu’ils sont en super forme. Le 1er juillet à Oslo, les deux Britanniques n’ont cependant pas voulu s’affronter au cours de la réunion au stade Bislett. Chacun de leur côté, ils ont toutefois battu un record du monde ! Sebastian Coe a gagné le 1000 m en 2’13″4, ce qui lui a permis d’améliorer de cinq dixièmes le record de l’Américain Rick Wohlhuter, un record qui datait du 30 juillet 1974 et qui avait été établi sur cette même piste. En l’espace de quelques minutes, Coe a ainsi détenu les records du monde du 800 m, du 1000 m, du 1500 m et du mile ! Ce titre honorifique mais inofficiel n’a toutefois pas duré bien longtemps puisqu’en fin de soirée, Steve Ovett s’est chargé avec brio mettre de son côté le record du monde du mile. En courant en 3’48″8, il est parvenu à retrancher deux dixièmes sur le record de son compatriote mais néanmoins adversaire Seb Coe. Steve Ovett n’en est d’ailleurs pas resté là. Deux semaines plus tard, le 15 juillet à Oslo à nouveau, le coureur de Brighton a remis ça, mais sur 1500 m. En bon gentleman, il n’a qu’égalé le record du monde de Coe avec pour lui aussi 3’32″1. Au niveau du chrono électronique, il faut remarquer que Coe avait réussi l’an dernier à Zurich 3’32″03, alors que Steve Ovett a réalisé à Oslo 3’32″09. Le match est bel et bien lancé, avec une apothéose sans doute grandiose a Moscou.
On retrouve Pierre Délèze pour un retour en plaine, le 17 juillet à Paris. On va constater à cette occasion que les bienfaits de l’altitude sont toujours aussi bénéfiques sur ses performances. C’est sur 1000 m que le test va être effectué et grâce à une locomotive de choix en la personne du Français Jose Marajo – il a battu son record national en 2’16″8 – Pierre a pulvérisé son record personnel de huit secondes en le portant à 2’17″9. Certes il manque de peu le record suisse de Rolf Gysin (les 2’17″7 établis le 28 aout 1975 à Stuttgart), mais il est surtout rassuré sur son bon état de forme. Un autre athlète était également aux anges ce soir-là : il s’agit du Français Philippe Houvion qui a battu dans ce stade de Charléty le record du monde du saut à la perche avec 5,77 m. Deux jours plus tard, le 19 juillet à Berne, Pierre Délèze a pulvérisé son record personnel du 800 m en 1’49″22, meilleure performance suisse de la saison. Tout cela est de très bon augure au moment où, à 2300 kilomètres de la capitale suisse, Leonid Brejnev était en train de déclarer les XXIIème Jeux Olympiques de Moscou ouverts. Pierre Délèze, qui s’apprête à rejoindre la délégation suisse déjà présente en Union Soviétique, peut mesurer tout le trajet réalisé depuis ses débuts en décembre 1973 lors de la Course de Noel à Sion. Si Pierre fait partie aujourd’hui de l’élite internationale, il le doit avant tout à son courage et à sa volonté, des qualités fondamentales sans lesquelles les dons et talents ne resteraient que de simples mots.

Les vingt-deuxièmes Jeux Olympiques ont été ouverts le samedi 19 juillet 1980 au stade Loujniki à Moscou par le président Soviétique Leonid Brejnev. Le climat est tendu, sur fond de Guerre Froide. Les Etats-Unis, par l’intermédiaire du Président Jimmy Carter, ont boycotté cet événement planétaire pour protester contre l’invasion de l’Afghanistan par l’Union Soviétique en décembre 1979. D’autres pays, et pas des moindres comme le Canada, le Japon, la Corée du Sud et l’Allemagne de l’Ouest se sont alignés sur les positions américaines. La plupart des pays de l’Europe de l’Ouest – dont la Suisse -, ainsi que l’Australie ont pour leur part défilé sous le drapeau olympique. Il en résulte des Jeux Olympiques bien sûr tronqués. Mais lorsque la flamme a été allumée, on a pu assister à des compétitions fantastiques. Pour les Valaisans tout d’abord avec le titre olympique de la poursuite pour le cycliste de vingt-deux ans Robert Dill-Bundi. Pour le monde de l’athlétisme ensuite avec quatre records du monde : les 2,36 m en hauteur de l’Allemand de l’Est Gerd Wessig, les 5,78 m à la perche du Polonais Wladyslaw Kozakiewicz, les 1’53″43 sur 800 m de la Soviétique Nadiya Olizarenko et les 41″60 sur 4 x 100 m des Allemandes de l’Est Romy Muller, Barbel Wockel, Ingrid Auerswald et Marlies Göhr. En demi-fond, le duel Coe-Ovett a bel et bien eu lieu. La première manche, sur 800 m, s’est disputée le 26 juillet. Et contre toute attente, c’est Steve Ovett qui a remporté le titre olympique en 1’45″40, en devançant Sebastian Coe de quarante-cinq centièmes. « Another day for another battle ». En clair, le 1500 m à venir doit permettre au triple recordman du monde de remettre les pendules à son heure londonienne. Si les séries du 30 juillet ont été faciles pour Coe et Ovett, elles étaient en revanche capitales pour Pierre Délèze. Pour la première fois un Valaisan prend le départ d’une épreuve olympique d’athlétisme. Placé dans la deuxième série, Pierre prend d’emblée les choses en main pour mener la course. Le rythme est lent avec un passage aux 400 mètres en 1’02″04 et aux 800 mètres en 2’05″17. Pierre continue de mener le peloton jusqu’à l’entrée du dernier virage. L’Allemand de l’Est Andreas Busse caracole en tête et va gagner cette série en 3’44″3, suivi du Soviétique Vitaly Tishchenko en 3’44″4 et du Tchécoslovaque Jozef Plachy en 3’44″4 également. Pierre Délèze est juste derrière et sa qualification semble en poche lorsque, s’écartant de la corde, il ouvre la porte au Français Alex Gonzalez qui vient le coiffer pour la quatrième place (3’44″6 contre 3’44″8). C’est la tuile avec une cruelle élimination due à une erreur tactique. Pierre était profondément abattu après sa série : «J’ai commis une erreur… je n’ai pas entendu le Français Gonzalez derrière moi. Persuadé de terminer au quatrième rang, j’ai levé le pied à dix mètres de la ligne. Et lorsque Gonzalez m’a bousculé à la corde pour passer, je n’ai pas pu réagir. J’ai dicté le train parce que je me sentais parfaitement bien. Le rythme me convenait puisque c’est moi qui menais la course. Au finish, je ne me suis pas affolé. J’étais persuadé d’être quatrième. C’est rageant d’être éliminé ainsi, mais c’est bel et bien de ma faute. C’est une faute de débutant que j’ai commise là». Pierre quitte le stade pour s’en aller vers le village olympique, où il n’a pas fini de refaire la course. En vain malheureusement. « The Games must go on »; cette phrase célèbre mais dans un contexte nettement plus glauque, s’applique de manière plus légère ici. Les demi-finales du 1500 m donnent un verdict sans surprise. Steve Ovett a remporté la première série en 3’43″1 et Sebastian Coe s’est adjugé la deuxième en 3’39″4 à égalité avec l’Allemand de l’Est Jürgen Straub. Le 1er août, l’heure de la revanche a sonné pour Sebastian Coe qui s’est imposé de manière impériale en 3’38″4. Derrière, c’est Jürgen Straub qui s’est emparé de la médaille d’argent en 3’38″8, alors que Steve Ovett a conquis la médaille de bronze en 3’39″0.

1. Sebastian Coe GBR 3’38″4
2. Jürgen Straub GDR 3’38″8
3. Steve Ovett GBR 3’39″0
4. Andreas Busse GDR 3’40″2
5. Vittorio Fontanella ITA 3’40″4
6. Jozef Plachy TCH 3’40″7
7. José Marajo FRAU 3’41″5
8. Steve Cram GBR 3’42″0
24. Pierre Délèze SUI 3’44″8

La flamme des Jeux Olympiques s’est éteinte dans le stade Loujniki. Pour Pierre Délèze, la déception est toujours bien présente. Il a cependant l’occasion de se racheter dans des compétitions qui seront faites pour lui, avec des trains d’enfer. Elles vont être au nombre de six avec en moins de vingt jours Londres, Zurich, Lausanne, les championnats suisses, le Golden Mile et Dublin. Pierre est en forme et il doit absolument chercher des chronos qui le feront oublier momentanément sa mésaventure de Moscou. Le 8 août, soit neuf jours après sa malheureuse élimination en séries des Jeux Olympiques, Pierre Délèze a réussi un exploit à Londres en terminant deuxième du mile derrière John Walker. Son chrono de 3’55″29 lui permet d’améliorer de cinquante-neuf centièmes le record suisse qui était détenu par Rolf Gysin depuis 1976. Cette première grande performance n’est que le début de l’œuvre que Pierre va nous concocter tout au long de ce mois. Le mercredi 13 août va être l’un des grands moments de la carrière de Pierre Délèze avec le 1500 m du meeting Weltklasse à Zurich. Il a maintenant l’habitude d’affronter les meilleurs mondiaux sur cette piste magique du Letzigrund. Il sait parfaitement qu’il est capable de suivre n’importe qui et il veut mettre à profit cette certitude pour réaliser quelque chose de grandiose. Il ne sera pas déçu. Une fois de plus à Zurich, le 1500 mètres a été d’un niveau absolument exceptionnel. Lancé par l’Irlandais Flynn, promu lièvre de service, on est passé en 54″28 aux 400 mètres et en 1’52″55 aux 800 mètres. À ce moment-là, Coe prend la tête devant Walker et Bayi, et passe ensuite en 2’51″56 aux 1200 mètres. L’Anglais peut sentir le souffle du Néo-Zélandais sur sa nuque, alors que Pierre Délèze est venu se placer dans leur foulée. À l’entrée de la ligne droite, Coe, terriblement volontaire et au bénéfice d’une pointe de vitesse terminale magnifique, fait entendre raison à la plupart de ses contestataires. Avec 3’32″19, il manque de seize centièmes son propre record du monde. Derrière c’est aussi de la folie car l’Américain Steve Scott bat son record et il lui sera très facile de s’en rappeler : 3’33″33 ! John Walker signe l’un de ses meilleurs chronos en 3’33″49, alors qu’au quatrième rang Pierre Délèze réalise une performance fantastique en pulvérisant son propre record national de près de trois secondes en 3’33″80, ce qui représente à ce jour la dixième performance mondiale de tous les temps ! Enfin en terminant cinquième avec pour lui aussi un record personnel à 3’34″74, le jeune et prometteur Anglais Steve Cram, vingt ans, montre qu’il a les dents longues et que le demi-fond britannique ne se résumera plus, dans un avenir proche, au seul duel Coe-Ovett. Deux jours plus tard, le vendredi 15 août, Pierre Délèze revient sur un autre de ses terrains de jeu préférés : le stade Pierre-de-Coubertin à Lausanne. Malheureusement ce soir-là, les trombes d’eau se sont abattues sur la ville et le meeting est presque noyé. Steve Ovett sauve la mise avec un courageux 1500 m en 3’35″40. Pierre de son côté réussit un nouveau coup de bravoure, cette fois-ci sur 3000 m. John Walker a annoncé une tentative contre le record du monde d’Henry Rono (7’32″1) et Pierre s’est dit qu’il pourrait en faire de même contre le record suisse de Markus Ryffel (7’41″1). En réalité, ce fut un bouquet détrempé et un peu lourd. Avec un passage en 2’33″28 aux 1000 mètres, il y a avait deux secondes de trop. Au deuxième kilomètre, l’Irlandais Eamonn Coghlan mène la danse en 5’10″0, c’est-à-dire avec maintenant six secondes de retard sur le temps de passage de Rono. Walker a tenté de se rapprocher de la tête, mais il s’est effondré un demi-tour plus tard. Le choix que le Valaisan avait fait en le suivant lui a assurément coûté le record suisse. Coghlan s’impose en 7’41″57 devant l’Autrichien Dietmar Millonig en 7’43″66, le Yougoslave Dragan Zadravnovic en 7’43″88 et Pierre Délèze qui pulvérise son record personnel de plus de dix-neuf secondes en 7’44″08, soit le deuxième chrono suisse de tous les temps. Le temps de souffler quelques jours chez lui, Pierre remet le cap comme tous les autres athlètes suisses sur Vidy où se déroulent les 23 et 24 août les championnats suisses. Inscrit sur 800 m et 1500 m, le Valaisan s’est limité à sa distance fétiche car il voulait se ménager en vue du Golden Mile de Londres prévu pour le lundi suivant déjà. Légèrement soucieux au souvenir de sa mésaventure des championnats suisses de l’an dernier à Zoug et sa défaite face à Rolf Gysin, Pierre n’a cette fois connu aucun problème et sa victoire en 3’43″84 ne souffre d’aucune discussion avec quatre secondes d’avance sur Bernhard Vifian. Voilà un titre suisse de plus pour Pierre Délèze, qui est déjà en partance pour Londres où Steve Ovett, John Walker, Steve Scott et Thomas Wessinghage l’attendent pour en découdre sur un mile en or. Le Golden Mile se déroule le 25 août à Crystal Palace, dans la banlieue sud de Londres. Dans ce stade rempli d’Histoire, Steve Ovett a une fois de plus triomphé en 3’52″84. À la deuxième place on retrouve Steve Scott en 3’52″92, puis John Walker en 3’53″19 et Thomas Wessinghage en 3’53″20. Pierre Délèze termine juste après ce duo au cinquième rang en 3’53″55 et s’adjuge un nouveau record suisse qui était déjà sa propriété en 3’55″29. Ce chrono, fabuleux, représente la vingtième performance mondiale de tous les temps ! Ainsi en l’espace de trois semaines, Pierre Délèze a pu signer trois records suisses, ce qui fait passer son total personnel au nombre de onze records nationaux, toutes catégories confondues. En profitant de son séjour britannique, Pierre Délèze a pris part à une dernière course le 27 août à Dublin. Il a terminé le mile au quatrième rang en 3’55″4 et il conclut une saison 1980 riche en événements, que ce soit à son niveau personnel ou au niveau mondial, où les bilans ont littéralement explosé. La preuve : ce même jour à Coblence, Steve Ovett a réussi le meilleur coup de sa vie en pulvérisant le record du monde du 1500 m de Sebastian Coe avec un incroyable 3’31″36. Il a emmené avec lui deux Allemands de l’Ouest : Thomas Wessinghage en 3’31″58 et Harald Hudak en 3’31″96, soit tout simplement les trois meilleurs chronos de tous les temps sur 1500 m !
Avec cette série d’exploits, l’échec des Jeux Olympiques de Moscou est oublié pour Pierre Délèze. Il peut désormais regarder les yeux dans les yeux la plupart des meilleurs coureurs de la planète et cette accession à la table des douze apôtres du 1500 m est quelque chose de faramineux. Pour le plaisir, voici le Top-20 de tous les temps du 1500 m tel qu’on pouvait le voir à l’issue de la saison 1980 :

1. Steve Ovett GBR 3’31″36 27.08.1980 Coblence
2. Thomas Wessinghage FRG 3’31″58 27.08.1980 Coblence
3. Harald Hudak FRG 3’31″96 27.08.1980 Coblence
4. Sebastian Coe GBR 3’32″03 15.08.1979 Zurich
5. Filbert Bayi TAN 3’32″16 02.02.1974 Christchurch
6. John Walker NZL 3’32″4 02.02.1974 Christchurch
7. Ben Jipcho KEN 3’33″16 02.02.1974 Christchurch
8. Jim Ryun USA 3’33″1 08.07.1967 Los Angeles
9. Steve Scott USA 3’33″33 13.08.1980 Zurich
10. Jürgen Straub GDR 3’33″68 31.08.1979 Potsdam
11. Willi Wulbeck FRG 3’33″74 27.08.1980 Coblence
12. Pierre Délèze SUI 3’33″80 13.08.1980 Zurich
13. John Robson USA 3’33″83 04.09.1979 Bruxelles
14. Rod Dixon NZL 3’33″89 02.02.1974 Christchurch
15. Steve Lacy USA 3’33″99 15.07.1980 Oslo
16. Omer Khalifa SOU 3’34″11 27.08.1980 Coblence
17. Jean Wadoux FRA 3’34″0 23.07.1970 Paris
18. Graham Crouch AUS 3’34″22 02.02.1974 Christchurch
19. Steve Cram GBR 3’34″74 13.08.1980 Zurich
20. Kipchoge Keino KEN 3’34″91 20.10.1968 Mexico City

PAB

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Pierre Délèze

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Episode 11974-1976Des débuts prometteurs
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