ATHLE.ch VINTAGE | BIOGRAPHIE PIERRE DÉLÈZE / EPISODE 12 | Au milieu des années '70, un jeune et prometteur coureur de demi-fond nommé Pierre Délèze intègre les cadres nationaux dirigés par Jean-François Pahud. C'est le début d'une fantastique histoire qui va conduire le Valaisan jusqu'au top niveau du demi-fond mondial. ATHLE.ch VINTAGE propose de revivre la carrière exceptionnelle du plus magnifique miler de l'Histoire de l'athlétisme suisse. Le douzième des dix-huit épisodes de cette biographie est consacré à la saison 1985, qui voit Pierre Délèze se percher au sommet de la hiérarchie mondiale lors du meeting Weltklasse à Zurich !

Le mercredi 21 août, le stade du Letzigrund à Zurich s’est paré de ses plus belles couleurs pour accueillir les meilleurs athlètes mondiaux, y compris les Allemands de l’Est qui effectuent là leur unique sortie avant la Coupe du Monde de Canberra (Australie). Oui, ce « meeting de tous les superlatifs » vaut bien son appellation cette année car le niveau général n’avait jamais atteint une telle densité. Et comme c’est souvent le cas à Zurich, les conditions atmosphériques sont excellentes : fraîcheur de l’air à partir de vingt heures, facilitant la respiration, chaleur au sol, maintenant les muscles des jambes parfaitement sous pression : tout ce qu’il faut, en somme, pour de grandes performances. Impressions confirmées par le record du monde de l’Américaine Mary Decker sur le mile en 4’16″71. À chaque course ou chaque mouvement dans une discipline technique, le « Letzi » gronde ! Et il y a de quoi en assistant aux 1’42″88 de l’Anglais Steve Cram sur 800 m, aux 7,39 m de l’Allemande de l’Est Heike Dreschler en longueur, aux 21″98 de l’Américaine Valerie Brisco-Hooks sur 200 m, aux 47″63 de son compatriote Danny Harris sur 400 m haies, mais aussi à la défaite de Carl Lewis sur 100 m ! Les stars du demi-fond ont soigneusement évité de s’affronter. On l’a dit Steve Cram couru et gagné le 800 m, Sebastian Coe a choisi quant à lui le 1500 m, tandis que Saïd Aouita résonne en termes de record sur le mile. Il a été une fois de plus seigneurial car il s’en est fallu de soixante malheureux centièmes pour arracher le record du monde de Cram : 3’46″92 contre 3’46″32. On en arrive enfin au 1500 m, qui met aux prises une belle brochette de coureurs. Sebastian Coe en est le favori logique, mais que vaut-il actuellement ? Il a déclaré forfait pour une sélection aux Goodwill Games à Moscou et il est depuis deux semaines en Suisse, à Macolin, pour s’entraîner et préparer ce meeting de Zurich. C’est vraiment la grande inconnue. Dès le départ, l’Américain Peter Cherney se dégage rapidement puisque c’est lui qui est chargé mener le train. Il passe aux 300 mètres en 40″2, puis en 54″36 pour le tour de piste. On est plus vite que Cram lors de son record du monde à Nice ! Le Soudanais Omar Khalifa est en deuxième position, Coe est dans sa foulée, mais un trou se creuse derrière car l’Espagnol José Manuel Abascal pointe au quatrième rang avec trois mètres de retard. Pierre Délèze suit en cinquième position juste derrière le Kenyan Mike Boit, 36 ans, qui effectue sa tournée d’adieu. Il ne faudrait pas que Pierre ne s’attarde trop car le faux-train imprimé en ce moment par le vétéran Boit fait que les hommes de tête sont de plus en plus loin. Aux 600 mètres, couverts en 1’20″7, le tempo est toujours endiablé. La ligne droite permet à Pierre de se replacer puisqu’il pointe désormais en quatrième position et surtout il a fait la jonction avec le trio de tête. Khalifa relance la course avec un superbe virage qui l’amène aux 800 mètres en 1’52″60, c’est-à-dire avec une seconde d’avance sur le temps de passage de Cram. Mais ce n’est pas fini car le Soudanais continue sa belle chevauchée dans la ligne opposée et ce lièvre inespéré met Coe, Délèze et Abascal sur orbite stratosphérique. On passe aux 900 mètres en 2’07″0 et c’est à ce moment-là qu’on retrouve Boris Acquadro, dans les conditions du direct, pour un nouveau morceau d’anthologie : «On est en train de vivre un quinze cents mètres assez étourdissant et on se demandait où en était Coe et on est en train de le savoir, il est tout simplement dans les temps du record du monde ! Khalifa, Coe et Délèze qui est peut-être en train de faire la course de sa vie en troisième position, en quatrième position Abascal et en cinquième position Mike Boit. La cloche. La cloche, Délèze vient se mettre en deuxième position et il est suivi maintenant par Abascal. Coe, Délèze, Abascal, Boit, alors que Khalifa lâche prise maintenant. [À 300 mètres de l’arrivée] 2’51″08, on a ralenti, Cram était passé en 2’49″66. On est maintenant à une seconde et demi du record du monde avec Coe devant Délèze puis en troisième position Abascal qui vous le savez a réussi un excellent chrono il y a une semaine, 3’31″69. [À 150 mètres] Et Délèze qui à Londres avait déjà attaqué et battu Coe sur le mile, est-ce que Pierre va en refaire de même ? Oui, Pierre passe. [À 80 mètres] Alors cette fois-ci il est debout, il n’est pas par terre, il est debout. Il est debout et il court. Et Pierre Délèze va battre Sebastian Coe et Abascal. C’est magnifique Pierre, bravo Pierre. 3’31″75 !!! Pierre Délèze en 3’31″75, pulvérise son record de Suisse. Aaah, on a dit qu’il courait à plat ventre, on a dit qu’il courait à quatre pattes, Pierre Délèze. Et bien il vient de démontrer ce qu’il vaut exactement. C’est magnifique Pierrot, c’est magnifique ce que tu viens de faire. On s’est assez moqué de lui à Los Angeles. Et on en a entendu après Oslo. On lui en a raconté. Eh bien il prouve maintenant sa classe réelle : 3’31″75. Un dernier 400 en cinquante-cinq secondes. Et 3’31″75 c’est la cinquième performance mondiale de la saison. C’est la plus belle preuve que Pierre Délèze pouvait donner à ses détracteurs et il y en a eu beaucoup. Parce qu’après Oslo, Dieu sait si on a daubé sur son compte. Le champion des quatre pattes, le champion à plat ventre, et cætera. Alors quand il est debout par contre, là il court. Et là il fait des temps. Et 3’31″75, il pulvérise son record de Suisse qui était de 3’32″97 ici-même à Zurich en 1983. Et vous voyez qu’il l’améliore d’une seconde et vingt centièmes à peu près, c’est magnifique pour Pierre Délèze. Il a remis les pendules à l’heure, ô combien, et sa carrière est loin d’être terminée. On en reparlera… [Le ralenti de la dernière ligne droite] Et on vous remontre cette fin de course. C’est la deuxième fois que Pierre Délèze attaque et passe Sebastian Coe à l’entrée d’une ligne droite. Il l’avait fait à Londres cinq jours après Oslo, dans un mile, mais on avait dit que Coe était blessé et qu’il ne pouvait pas résister. Ici Coe n’est pas blessé et derrière Délèze, regardez Abascal. Alors que Délèze est en train de terminer un tour d’honneur qui le rachète de beaucoup de déboires. Une course magnifique de Pierre Délèze. C’est splendide, splendide pour Pierre Délèze, magnifique pour Pierre Délèze, magnifique. Regardez la détermination de Pierre sur ces derniers mètres de course, qui pulvérise donc son record de Suisse en 3’31″75».

Ce moment de gloire, Pierre l’a mille fois mérité. Dans le dernier virage, il est sans aucun doute concentré sur sa course, mais il aurait pu penser à cette célèbre phrase de Peter Coe, père et entraîneur de Sebastian : «Premier, c’est premier. Deuxième, c’est nulle part…». À 140 mètres de l’arrivée, il place son attaque et le Britannique Coe n’a pas pu esquisser la moindre parade. Délèze, qui ne rate décidément jamais ses rendez-vous zurichois, est enfin, et pour la première fois de sa carrière à un tel niveau, en passe d’être premier ! La ligne droite est courue tambour battant, personne n’arrive à le remonter. La preuve de sa confiance totale, il ne se retourne à aucun moment. Il continue sa course effrénée sans se désunir, sans crispation; il vole sur la piste. À dix mètres de l’arrivée, il se retourne pour apprécier son avance. Rassuré, il lève à quatre mètres de la ligne d’arrivée le bras gauche et la main ouverte en signe de victoire. Il freine légèrement est passe la ligne en 3’31″75. Coe est deuxième en 3’32″23, Abascal troisième en 3’32″52 et Boit quatrième en 3’33″91, à vingt-quatre centièmes de son record personnel ! La ligne passée, Pierre continue à trottiner le bras en l’air. Il le fait tourbillonner au-dessus de sa tête et il salue une première fois la foule en délire. Oui, tout le Letzigrund est à ses pieds ! Les photographes courent vers le Valaisan, en essayant de se placer en face de lui. Il lève maintenant le bras droit et il s’arrête enfin pour envoyer un baiser au public zurichois. Il marche maintenant en direction du départ de la course. Et toujours ces bras qui se lèvent simultanément pour saluer la foule. Peter Cherney, qui a admirablement lancé la course vient le féliciter. Il lui touche la main gauche, puis il lui fait une tape dans le dos. On préfère celle-ci aux trois données par Ovett au Coliseum de Los Angeles… Pierre trottine à nouveau; ivre de bonheur, il va faire le tour d’honneur de sa vie, car il a obtenu la victoire de sa vie, avec le chrono de sa vie : 3’31″75. De toute l’histoire de l’athlétisme, ils ne sont que sept à avoir fait mieux : Steve Cram, l’incontestable maître du jeu, Saïd Aouita, Steve Ovett, José Luis Gonzalez, Sydney Maree, Thomas Wessinghage et José Abascal. Deux Anglais, un Marocain, deux Espagnols, un Américain et un Allemand.
À l’heure du repas qui clôture traditionnellement toutes les réunions internationales, la tête de Pierre Délèze a certainement perdu quelques grammes. Car il est comme soulagé d’un certain poids. Après ses malheurs olympiques de Los Angeles, il savait que son image était en train de se ternir dangereusement et que seul un très gros coup pourrait renverser la tendance. À Oslo, fin juillet, il se sentait prêt, déjà, à frapper. Mais… bousculade au départ et nouvelle chute. Une légende est en train de naître. Il lui faut mettre un frein au mouvement infernal. À Londres, il bat un certain Sebastian Coe. Mais la chronique ne tarde pas à préciser que le coureur Anglais a fini à l’infirmerie. À Budapest en Coupe d’Europe, dans une course tactique, il tombe sur l’excellent José Luis Gonzalez. Défaite, nullement honteuse, mais défaite tout de même. Délèze se retrouve le dos au mur. «Tout le monde doutait de moi. Les gens. Les journalistes. Mais je savais que la roue finirait par tourner. Je savais que je gagnerais, une fois ou l’autre, une grande course. Je savais que la forme était là, affûtée. Mes certitudes, je les tirais de mes sensations à l’entraînement, de mes temps de référence. Des points de repère qui ne m’ont jamais berné». En quittant les hauteurs de Saint-Moritz pour Zurich, il sait qu’un nouveau dérapage lui est interdit. Il devine aussi qu’un excellent chrono réussi dans le dos de Sebastian Coe ne serait qu’un emplâtre sur une jambe de bois. Qu’il faudrait impérativement y ajouter une touche de panache. En un mot comme en cent : gagner, gagner ! Il n’a que ce verbe en tête. À 250 mètres de l’arrivée, ses pensées ne vont pas au record suisse, mais uniquement à la manière dont il va pouvoir se débarrasser de Coe : «J’avais deux solutions à choix. Attaquer sur le champ, de loin. Ou me décontracter et attendre la dernière ligne droite pour abattre mes atouts dans les meilleures conditions. J’ai choisi la seconde. On m’a souvent reproché de réussir mes bonnes performances dans le sillage de puissantes locomotives. Vrai. Mais c’était un mauvais procès. Il y a trois ou quatre ans, je ne pouvais pas encore jouer pour la victoire, car j’étais moins fort qu’aujourd’hui. Maintenant, tout a changé. Le temps des victoires est arrivé. Très sincèrement, hormis Cram, qui est plus fort que moi, je crois qu’il n’y a pas de raison d’avoir peur de quiconque». Oslo est donc bien effacé, mais il ne faut pas dire à Pierre Délèze qu’un coup d’éponge a du même coup été passé sur sa chute de Los Angeles. Ce coup d’éponge, s’il vient un jour, ne pourra l’être qu’en 1988 à Séoul. La blessure s’est cicatrisée, mais elle reste visible. Plusieurs fois il répète : «À Los Angeles, l’an dernier, j’étais plus fort que je ne I’étais ce soir au Letzigrund. Je peux vous assurer que c’est vrai». Avant Séoul, il y aura toutefois Stuttgart et les championnats d’Europe l’an prochain, puis Rome et les Mondiaux en 1987. Pierre Délèze n’a encore arrêté aucun plan, ni la date de son éventuel passage sur 5000 m : «Je n’en ai pas la moindre idée. Tout ce que je peux dire, c’est qu’il y a les plus fortes chances que je m’aligne sur 1500 m à Stuttgart. Mais j’aimerais tout de même avoir l’occasion de disputer cette année un bon 5000 m, dans un temps de 13’20″0 environ, pour avoir une idée plus précise de la question».

1. Pierre Délèze SUI 3’31″75
2. Sebastian Coe GBR 3’32″23
3. José Manuel Abascal ESP 3’32″52
4. Mike Boit KEN 3’33″91
5. Robert Nemeth AUT 3’40″98
6. Omar Khalifa SOU 3’41″30

Les grands meetings se suivent et au niveau du 1500 m, ils vont tous engendrer des résultats incroyables. Deux jours après Zurich, c’est au tour du meeting ISTAF à Berlin. Le stade Olympique est très bien garni ce vendredi 23 août et Saïd Aouita promet d’établir un record du monde. On veut bien le croire après avoir vu son mile lors de Weltklasse. Il n’avait manqué que d’un rien le record du monde de Steve Cram. À Berlin, le champion olympique du 5000 m a effectivement réussi dans son entreprise. Il a bénéficié du concours de deux lièvres : le premier, l’Allemand de l’Ouest Volker Blumenthal lui a permis de passer aux 800 m en 1’53″50. L’Irlandais Frank O’Hara a ensuite pris la relève pour un tour de piste en 55″. Le Marocain s’est retrouvé seul à 300 m de la ligne et il a alors trouvé les ressources nécessaires pour réussir là où il avait échoué deux jours plus tôt. Au final il améliore de vingt-deux centièmes, en 3’29″45, le record du monde que Steve Cram avait établi le 16 juillet dernier à Nice. Il a ainsi battu son second record du monde en l’espace d’un mois puisque c’est le 27 juillet dernier à Oslo qu’il avait fait mieux que David Moorcroft sur 5000 m. Aouita a avoué qu’il souffre d’une blessure à la cuisse : «Si je ne m’étais pas blessé à un muscle de la cuisse, j’aurais pu faire mieux. Trois minutes vingt-sept secondes sont possibles au meilleur de ma forme. Je n’ai pas été assez rapide sur 1000 m et ce n’est que dans les derniers 500 m que le public m’a fait oublier ma douleur. Je sais que je peux battre cinq records du monde. J’en ai deux et la saison n’est pas finie. Je tenterai le mile à Coblence et le 3000 m à Bruxelles». Derrière lui, l’Américain Sydney Maree a pris la deuxième place en 3’32″90, cependant que Pierre Délèze, confirmant sa très grande forme actuelle, a terminé troisième en 3’33″04, son troisième chrono après les 3’31″75 de son record national de mercredi dernier à Zurich et les 3’32″97 d’il y a deux ans à Zurich également. Avant Zurich Pierre Délèze figurait au quatrième rang avec dix-neuf points. Grâce à sa victoire zurichoise et à sa troisième place de Berlin, Pierre a engrangé 9 puis 6 points. Il en est donc à 34 points et il se trouve ainsi en tête du 1500 m de l’I.A.A.F. Mobil Grand Prix, à égalité avec l’Américain Steve Scott. Tout va donc se jouer dans deux semaines lors de la finale qui se déroulera à Rome. D’ici là, deux autres grandes courses doivent encore se disputer : Cologne et Bruxelles, les deux fois sur 1500 m. En Allemagne de l’Ouest, le 25 août soit deux jours après Berlin, le record de Saïd Aouita a bien failli ne tenir que quarante-huit heures. Sous l’impulsion des frères Busshoff, la course part sur des bases très élevées. Le temps de passage aux 800 m est inférieur de trois secondes à celui de vendredi à Berlin aux 1200 m, Sydney Maree possède encore une marge d’une seconde sur Aouita. Seul dans le dernier tour, l’Américain échoue finalement pour trente-deux centièmes (3’29″77 contre 3’29″45). Pour sa troisième course en l’espace de nonante-deux heures, Pierre Délèze a accusé une fatigue bien légitime. Le Valaisan a pris la septième place de ce 1500 m en 3’37″46, juste devant le Bernois Peter Wirz (3’37″83). Les quelques jours de repos avant le meeting Mémorial Ivo Van Damme sont bienvenus. Le 30 août à Bruxelles, va-t-il y avoir un nouvel exploit de la part d’un miler ? Ce ne sera en tous cas pas le Britannique Steve Cram, double recordman du monde (mile et 2000 m), qui devait s’attaquer au record mondial des 2 miles à Crystal Palace. Il a dû déclarer forfait en raison d’une blessure à un tendon derrière le genou. Au stade du Heysel, Saïd Aouita a échoué dans sa tentative de s’emparer de son troisième record mondial de la saison, celui du 3000 m. Parfaitement mis sur orbite par le Belge Dirk Vervaet, qui l’amène au premier kilomètre en 2’32″09 (contre 2’32″34 à Henry Rono il y a sept ans), Aouita prend ensuite un retard qu’il ne peut combler quand il se retrouve seul dans le dernier kilomètre. En 7’32″94, il n’échoue cependant que de peu contre le record de Rono (7’32″1). Il s’agit pour Aouita de la troisième meilleure performance de tous les temps derrière Henry Rono et David Moorcroft. Sur 1500 m, les héros ont semblé fatigués. José Manuel Abascal est celui qui s’en sort le mieux en gagnant en 3’32″86. Pierre Délèze termine sixième en 3’34″91 avec tout de même le septième chrono de sa carrière. Il ne reste plus qu’une course pour Pierre : la finale du Grand Prix à Rome.

Les exploits se sont succédé à un point inimaginable lors de cette saison 1985. Outre ceux du 1500 m, d’autres records du monde mythiques sont tombés comme les 6,00 m à la perche de Sergueï Bubka ou les 2,40 m puis les 2,41 m en hauteur des deux princes Soviétiques Igor Povarnistine et Igor Paklin. La discipline du 1500 m a vécu sa plus belle période de tous les temps et avec cette finale de l’I.A.A.F. Mobil Grand Prix du 7 septembre, on s’apprête maintenant à sacrer le coureur le plus régulier de la saison. Deux athlètes suisses ont obtenu leur qualification pour cette finale : Markus Ryffel et bien sûr Pierre Délèze. Grâce à ses deux victoires face à Sébastian Coe, à Londres et à Zurich, Délèze partage actuellement la première place du classement, à égalité de points avec l’Américain Steve Scott. Le Valaisan a donc une superbe carte à jouer. Mais diablement difficile, car Saïd Aouita sera lui aussi au départ de ce 1500 m. Or, Aouita peut fort bien faire coup double : remporter le classement général du Grand Prix et s’adjuger en prime la palme sur 1500 m à la barbe de Scott et de Délèze. Sur la ligne de départ pourtant, le petit Marocain n’est pas présent, ayant finalement déclaré forfait dans la journée, suite à des douleurs au niveau du nerf sciatique. Aucun obstacle insurmontable ne sépare donc Pierre Délèze de la victoire finale dans le Grand Prix. Il lui suffit, pour faire mouche, de ne pas terminer trop loin de l’Espagnol José Manuel Abascal et de devancer l’Américain Steve Scott, qu’on sait assez fatigué par sa campagne européenne. Du rêve à la réalité, la distance est toutefois beaucoup plus grande qu’on ne l’imagine. Et Délèze, qui manœuvre pourtant bien sur le plan tactique, échoue finalement dans sa mission. Il ne termine que quatrième, loin derrière Abascal, Khalifa et, plus grave, beaucoup plus grave, derrière Scott. L’Américain, qui était pourtant à l’agonie, revient dans les dix derniers mètres. Pierre regarde sur sa droite, mais, ivre de fatigue, la foulée rasante et le buste en avant, n’est déjà plus en mesure d’esquisser la moindre parade. La victoire dans le Grand Prix vient de lui échapper. Dommage. Pierre Délèze paye-t-il la répétition des courses de cette fin de saison ? Il estime en tous cas ne rien avoir à se reprocher : «Quand on a donné le meilleur de soi-même, quel que soit le résultat, on ne peut être véritablement déçu. C’est mon cas. Ce soir, j’ai vraiment couru au maximum de mes possibilités du moment. Ça n’a pas suffi, mais je crois réellement avoir malgré tout fait une bonne course. En fait, j’ai couru non pas en fonction du classement final du Grand Prix, qui n’avait pas à mes yeux une importance capitale, mais pour gagner ce 1500 m de Rome. Sans cela, je n’aurais pas essayé de prendre la foulée d’Abascal lorsqu’il a démarré à 200 mètres du but et je me serais contenté de surveiller Scott».

1. Steve Scott USA 46 pts
2. Pierre Délèze SUI 44 pts
3. José Manuel Abascal ESP 40 pts
4. Omar Khalifa SOU 39 pts
5. Ray Flynn IRL 37 pts
6. Saïd Aouita MAR 31 pts

La saison 1985 de Pierre Délèze a été celle d’un fabuleux record sur 1500 m : 3’31″75. Voici le Top-20 de tous les temps dans cette discipline, tel qu’on pouvait le voir à l’issue de la saison 1985 :

1. Saïd Aouita MAR 3’29″46 23.08.1985 Berlin
2. Steve Cram GBR 3’29″67 16.07.1985 Nice
3. Sydney Maree USA 3’29″77 25.08.1985 Cologne
4. Steve Ovett GBR 3’30″77 04.09.1983 Rieti
5. José Luis Gonzalez ESP 3’30″92 16.07.1985 Nice
6. Thomas Wessinghage FRG 3’31″58 27.08.1980 Coblence
7. José Manuel Abascal ESP 3’31″69 13.08.1985 Barcelone
8. Pierre Délèze SUI 3’31″75 21.08.1985 Zurich
9. Steve Scott USA 3’31″76 16.07.1985 Nice
10. Sebastian Coe GBR 3’31″95 07.07.1979 Stockholm
11. Harald Hudak FRG 3’31″96 27.08.1980 Coblence
12. Filbert Bayi TAN 3’32″16 02.02.1974 Christchurch
13. John Walker NZL 3’32″4 02.02.1974 Christchurch
14. Ben Jipcho KEN 3’33″16 02.02.1974 Christchurch
15. Jim Ryun USA 3’33″1 08.07.1967 Los Angeles
16. Mike Hillardt USA 3’33″39 23.08.1985 Berlin
17. Ray Flynn IRL 3’33″5 07.07.1982 Oslo
18. Mike Boit KEN 3’33″67 28.08.1981 Bruxelles
19. Jürgen Straub GDR 3’33″68 31.08.1979 Potsdam
20. Willi Wülbeck FRG 3’33″74 27.08.1980 Coblence

Cette huitième performance mondiale de tous les temps sur 1500 m n’est pas le seul chrono réussi par Pierre Délèze puisqu’il figure également au dixième rang du 2000 m avec ses 4’56″51 de 1983 à Berne, au quatorzième rang du mile avec ses 3’50″38 de 1982 à Coblence et au trente-neuvième rang du 1000 m avec ses 2’15″87 de 1983 à Berne.
La saison 1985 est à peine terminée, mais Pierre Délèze a enchaîné avec quelques courses sur route outre-Atlantique. Le Valaisan a entamé victorieusement sa tournée le 21 septembre à Toronto (Canada) lors d’un mile. Il s’est imposé au sprint en 3’57″30 face à l’Espagnol José Manuel Abascal et à l’Irlandais Eamonn Coghlan. Le samedi suivant, le 29 septembre, Pierre se trouve à New York pour y disputer comme l’an dernier le 5th Avenue Mile. La course a connu un dénouement assez inattendu. Essentiellement connu pour être un des meilleurs lièvres du circuit, l’Irlandais Frank O’Mara, étudiant de vingt-cinq ans à l’université d’Arkansas, n’a pour une fois pensé qu’à lui, rien qu’à lui. Et ça a marché car il a remporté la victoire en 3’52″28. Son dauphin est aussi une surprise, locale qui plus est, avec la deuxième place de Ross Donoghue du Queens en 3’52″81. Ces deux outsiders ont damné le pion à Steve Ovett, qui termine sur la troisième marche du podium en 3’53″36 et à d’autres bons coureurs comme Eamonn Coghlan, Mike Boit, Ray Flynn, Chuck Aragon ou John Walker. Pris entre deux feux, Pierre a terminé au cinquième rang. Enfin le 5 octobre, après avoir traversé les États-Unis, le Valaisan retrouve la Californie, à Ukiah précisément. Il s’agit d’une véritable revanche du mile de la Cinquième Avenue puisque la plupart des concurrents sont au départ de ce nouveau mile. Steve Ovett a remis les pendules à l’heure en prenant la mesure du duo gagnant à New York. Suivent Ray Flynn et Peter Elliott au quatre et cinquième rang, tandis que Pierre Délèze termine onzième de cette course.

PAB

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Pierre Délèze

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