Alors que la saison 1973 est sur le point de débuter en Suisse, personne ne peut donner des nouvelles de Philippe Clerc. Tout au plus on sait qu’il vit en Angleterre. Ainsi donc le sprinter Lausannois a tenu parole après avoir annoncé, au lendemain des Jeux Olympiques de Munich, qu’il venait de disputer là les dernières courses de sa carrière. Évidemment beaucoup de gens étaient restés incrédules après avoir entendu la punchline du champion d’Europe 1969 du 200 m : «Ouais, il a dit ça sous le coup de la déception; bien sûr qu’on le reverra l’an prochain et même plus fort que jamais…». Mais non, l’athlétisme suisse doit désormais apprendre à vivre sans la classe de son meilleur sprinter de tous les temps.
Durant l’été, un jeune sprinter de 19 ans s’empare du trône national du sprint. Son nom ? Franco Fähndrich (BTV Luzern). Ses performances ? 10″3 le 15 juillet à Olten et 21″0 le 6 juillet à Zurich. Est-ce suffisant pour nous faire oublier Philippe Clerc ? Sûrement pas ! Aussi, lorsque les organisateurs des championnats suisses reçoivent à la mi-août son inscription afin qu’il défende ses titres du 100 m et du 200 m, le communiqué du LC Zürich qui s’en suit fait l’effet d’une bombe. Renseignements pris par Michel Busset, il s’avère que son ami sera bel et bien au Letzigrund au début du mois de septembre, mais dans les tribunes. C’est en tout cas ce que Philippe lui a expliqué au téléphone, depuis son domicile anglais. Un domicile qu’il va d’ailleurs bientôt quitter pour regagner Lausanne, où il restera en principe deux ans : «Je ne sais pas qui a envoyé mon inscription. Peut-être le Stade Lausanne. Il n’est cependant pas question que j’effectue ma rentrée lors de ces championnats suisses à Zurich. Je ne me suis pas entraîné sérieusement ces derniers temps. Tout au plus participerai-je à Morat-Fribourg en octobre, mais ce n’est même pas certain. L’idée de défendre mes titres m’avait, il est vrai, traversé l’esprit dans le courant du mois de juin, après avoir réalisé 11″0 en Angleterre, sans préparation et dans des conditions moyennes. Je pensais à ce moment-là pouvoir revenir facilement à 10″4-10″5 au prix d’un entraînement régulier en juillet et en août. Mais, pour diverses raisons, je n’ai pas pu me préparer comme je l’espérais et ce projet de come-back est tombé à l’eau. Il est bien évident que je ne me serais aligné à Zurich qu’à la condition d’avoir une bonne chance de conserver au moins l’un de mes titres». En ce qui concerne l’avenir plus lointain, Philippe Clerc n’a pas encore arrêté de plan précis. Il ne sait pas s’il reprendra ou non l’entraînement de manière sérieuse. Une seule chose est certaine : s’il prend la décision de recommencer, ce sera dans le seul but de retrouver sa meilleure forme, celle qui lui permit de devenir recordman d’Europe du 200 m en juillet 1969 et champion du continent deux mois et demi plus tard à Athènes.
Les 1er et 2 septembre au stade du Letzigrund, Philippe Clerc peut voir de belles courses et chronométrées, pour la première fois dans l’histoire de ces championnats, au centième de seconde. Il fallait bien ça pour donner le classement exact du 100 m, avec la victoire de Reto Diezi en 10″75, juste devant Franco Fähndrich et Peter Muster en 10″76. Sur 200 m, Muster semble être le mieux armé pour percer au niveau international; il remporte le titre en 21″14 en devançant Heinz Reber en 21″36 et Franco Fähndrich en 21″41.
Le 29 septembre, sur le petit stade de Copet à Vevey, Philippe Clerc s’apprête à rechausser ses pointes ! Sans ambition, certes, mais simplement pour le plaisir d’être au départ d’une course. Et peu importe si ce n’est pas Borzov ou Robinson qui sont à ses côtés, il est très heureux de courir avec son camarade de club Heinz Witschi ou avec le jeune Cariste Daniel Escher. Bien qu’il soit au terme d’une année d’inactivité presque totale sur le plan physique, on a pu se rendre compte que sa foulée n’avait rien perdu de sa majesté et, surtout, que l’ancien champion d’Europe n’avait pas pris un gramme par rapport à son poids de forme. Il ne lui faudrait pas longtemps pour revenir à la hauteur des meilleurs, mais seulement s’il le veut et en fonction des impératifs de sa profession. Au fait, on a toujours pas de réponse à la question de savoir si l’athlétisme et la médecine peuvent faire bon ménage ? Trois exemples nous donnent des cas de figures bien contrastés :
– Philippe Clerc : il est médecin, mais rien ne permet de dire qu’il ne sera un athlète en 1974.
– Roger Bambuck : il étudiait la médecine tout en courant très vite. À un moment donné, il a délaissé ses études pour moins de réussite. Aujourd’hui il n’est pas médecin et il n’est plus athlète.
– Paul Martin : il est médecin et il est demeuré athlète toute sa vie.
PAB
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