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On aime le sport pour ses histoires, volontiers difficiles, cruelles, toujours belles. On parle « d’école de vie » parce qu’une certaine justice est à l’œuvre : pure, simple, non idéologisée. L’outsider inconnu peut terrasser le grand champion chouchou du public, celui qui a grandi dans la misère peut triompher, celui qui passe pour fou devenir une superstar, les followers n’y sont pas gage de succès.
Pas de faux-semblants
Une fois sur le court, la piste, le terrain, fini les faux-semblants : place à la loi du plus fort. Le sportif d’exception, celui qui domine ses adversaires, ce n’est pas celui qui a coché toutes les bonnes cases, pas plus celui qui sait comment faire bonne figure au bon moment. Le sportif d’exception, c’est celui qui arrive à exprimer son côté exceptionnel du plus profond de lui-même, à force d’engagement, de rigueur, de convictions, d’intuitions.
Intuitions exceptionnelles
Par définition, l’engagement, la rigueur, les convictions, les intuitions du sportif d’exception ne sont pas celles de la majorité. Ils dépassent souvent toute proportion et rationalité. Mais si le sportif a du succès, c’est qu’ils sont profondément justes. Dans le cas de Novak Djokovic, justes au point de dominer le tennis mondial.
Une des intuitions actuelles du Serbe est qu’il est inopportun d’injecter dans son corps un produit auquel il ne fait pas confiance. Peur justifiée face à la possibilité d’être victime d’effets secondaires ? Réaction bancale ? Egoïsme ? Peu importe ce qu’on pense de son intuition, c’est l’une de celles qui fait de Djokovic l’athlète d’exception qu’il est. Le type de sportif qui rend jaloux, qui agace les gens ordinaires.
Modèle écarté
Plutôt que de se demander ce que cet homme, qui a grandi dans un pays en guerre, qui s’est construit un personnalité, jusqu’à devenir le meilleur joueur de tennis de la planète, a à dire sur la vie, la santé, on préfère l’écarter, le railler et… voir des joueurs moins exceptionnels gagner.
Inquiétante dystopie
Voilà qui présente une dystopie inquiétante : un monde dans lequel l’athlète d’exception n’a plus sa place. Un monde où le sportif doit être conforme à une normalité, être un produit de fabrique pour avoir du succès. Un monde dans lequel Jesse Owens n’aurait jamais dû entrer dans le stade olympique de Berlin, Maradona jamais fouler une pelouse internationale. Un monde dans lequel Srdjan Djokovic passerait pour un fou en comparant son fils à Spartacus.