C’est une délégation suisse plus grande que jamais qui investit la très belle Emirates Arena de Glasgow. En effet avec ses dix-sept sélectionnés, on dénombre deux athlètes de plus qu’en 1992 à Gênes. On est également bien loin de la première édition des Jeux Européens en 1966 à Dortmund, où les cinq Suisses étaient surtout venus en curieux par rapport à cette nouvelle compétition en salle. Comme souvent les stars de l’athlétisme helvétique répondent présentes et elles sont accompagnées par quelques néophytes qui avaient réussi à se sublimer à Macolin ou à Saint-Gall pour décrocher leur sélection. Chez les hommes, la tâche des cinq Suisses en lice s’annonce fort ardue. Sur 60 m, le champion suisse Silvan Wicki (BTV Aarau) court en 6″75 en séries et 6″76 en demi-finales, soit un dixième moins vite qu’à Saint-Gall. Le gap est à peine moins grand pour Sylvain Chuard (Lausanne-Sports) avec 6″78 en séries et 6″82 en demi-finales, alors qu’il avait réussi 6″73 en finale des championnats suisses. Ces deux sprinters terminent respectivement dix-huitième et vingt-deuxième. Sur 400 m, le talentueux junior Ricky Petrucciani (LC Zürich) espère lui aussi confirmer son chrono de Saint-Gall (47″20). Mais comme ses camarades sprinters, il doit laisser des plumes sur la piste de Glasgow suite à une bousculade, ce qui lui coûte la qualification. Sa seizième place finale en 47″83 est pourtant prometteuse car nous avons à faire à un athlète qui possède apparemment un avenir radieux. Du côté des hurdlers, le champion suisse Jason Joseph (LC Therwil) fait vraiment défaut; il est vrai que ses 7″56 réussis à Saint-Gall auraient pu être très compétitifs en Écosse. Tobias Furer (LK Zug) en 7″90 et Brahian Peña (GG Bern) en 7″93 manquent de peu leur sésame pour les demi-finales puisque le seizième et dernier chrono qualificatif est de 7″87.
Deux Suissesses en finale du 60 m
Quarante-trois sprinteuses se retrouvent au départ du 60 m, dont trois Suissesses qui franchissent sans encombre les séries en se qualifiant à la place. Sarah Atcho (Lausanne-Sports) termine troisième de la série 3 en 7″38, Ajla Del Ponte (US Ascona) est battue au millième dans la quatrième course en 7″27, alors que Mujinga Kambundji (ST Bern) termine également deuxième de la série suivante en 7″31. En demi-finales, la Lausannoise marque le pas en courant en 7″41 et termine dix-neuvième de ces championnats. La Bernoise parvient à rehausser son niveau en courant en 7″22 derrière la fringante Polonaise Ewa Swoboda. Quant à la Tessinoise, elle réussit à suivre le rythme de la Britannique Asha Philip et parvient ainsi à se qualifier pour la finale en terminant deuxième de la troisième demi-finale en 7″25. Auteur des chronos # 4 et 6, les deux Suissesses se doivent de courir dans leurs temps de Saint-Gall – respectivement de 7″08 et de 7″17 – si elles entendent figurer parmi les premières d’une finale complètement ouverte. Ewa Swoboda est nettement la plus forte dans cette ultime explication, qu’elle remporte en 7″09. Derrière elle, c’est comme d’habitude très serré entre quatre athlètes, dont Mujinga Kambundji. La photo finish est impitoyable pour elle puisque c’est la Néerlandaise Dafne Schippers qui s’adjuge la médaille d’argent en 7″14 et c’est Asha Philip qui arrache au millième le bronze aux dépends de sa compatriote Kristal Awuah en 7″15. Créditée de 7″16, la Suissesse du STB se classe donc au cinquième rang à un tout petit centième du podium, tandis qu’Ajla Del Ponte termine huitième en 7″30. On le voit, la ligne entre la joie et la déception peut être extrêmement fine.
La dernière ligne droite épique de Lea Sprunger
Lea Sprunger (COVA Nyon), qui fait figure de favorite du 400 m, soigne son entrée en compétition avec une course autoritaire et une victoire en 52″46 lors des séries du vendredi matin. Elle remet ça le soir même pour une demi-finale encore plus impressionnante de facilité. En signant une nouvelle victoire, avec de surcroît la meilleure performance mondiale de la saison en 51″90, Lea Sprunger affiche ainsi clairement ses ambitions. La finale est très attendue par le camp suisse, mais quel sentiment faut-il avoir dans ces moments-là ? Des espoirs de titre, bien sûr; mais le spectre de Belgrade 2017 est encore très présent dans les mémoires, donc laissons Lea Sprunger s’exprimer sur le tourniquet de l’Emirates Arena. Son départ est bon puisqu’elle réussit comme prévu à se rabattre en tête à mi-course en 24″5. Toujours seule devant aux 300 mètres, elle possède près de deux mètres d’avance sur ses adversaires, qui se jettent désormais à fond dans la bagarre et qui fondent littéralement sur la Vaudoise. Sans vraiment sentir l’emballage qui se trame dans son dos, Lea continue sur son élan, mais à sa surprise elle doit faire subir le retour de la Belge Cynthia Bolingo Mbongo. Les derniers mètres sont épiques car les deux coureuses sont désormais côte à côte. Dans un dernier élan, les deux athlètes plongent sur la ligne d’arrivée en même temps et bien malin qui peut dire qui a gagné, quand bien même on a cru voir Lea se casser sur le fil avec un meilleur timing. Comme pour Selina Büchel il y a deux ans lors de la finale du 800 m de Belgrade, l’attente est longue; le verdict tombe enfin et on entend un cri de la Suissesse qui témoigne d’un immense soulagement : Lea Sprunger est sacrée championne d’Europe du 400 m en salle en 51″61, avec un tout petit centième d’avance sur Cynthia Bolingo Mbongo ! Sept mois après avoir été titrée sur 400 m haies à Berlin, Lea vient d’ajouter de manière admirable un second titre européen à son palmarès, ce qui va très certainement décupler ses forces lors de sa préparation à venir en vue des Mondiaux 2019 à Doha; mais ça, c’est une autre histoire…
Selina Büchel manque la passe de trois
Pour la seconde fois consécutive, Selina Büchel (KTV Bütschwil) va au-devant d’une rude tâche : celle de devoir défendre son titre du 800 m, doublement acquis avec grand panache en 2015 à Prague et en 2017 à Belgrade. Avant ces championnats d’Europe indoor, trois sorties avaient égayé son hiver avec d’abord un très joli 600 m à Macolin en 1’27″08. Elle enchaînait ensuite par un bon 800 m à Torun en 2’00″98, mais elle avait également déçu quatre jours plus tard à Liévin avec une sixième place seulement en 2’03″65. À Glasgow, la Saint-Galloise se rassure pleinement lors des séries du 800 m. Placée en troisième position tout au long de sa course, elle passe sans problème suite à une belle accélération et remporte facilement cette première série en 2’02″02. Le tempo de cette course étant étonnamment rapide pour un premier tour, on espère que Selina n’aura pas trop puisé dans ses réserves. Dans la troisième série, Delia Sclabas (Gerbersport) dispute une course pas facile et de surcroît bien plus lente que les trois autres. La double médaillée des Mondiaux U20 de l’été passé à Tampere voudrait bien se placer en deuxième position, mais elle n’y parvient pas. Elle doit souvent batailler pour garder sa position et cette débauche d’énergie émousse ses forces pour son sprint final. Elle termine cinquième et déçue en 2’06″07, soit le dix-neuvième rang de ses premiers championnats internationaux indoor en élite.
Le lendemain en demi-finales de ce 800 m, on attend une nouvelle course lucide et autoritaire de la part de la double championne d’Europe. Dans une course un peu lente, elle peine vraiment à trouver sa place dans le peloton. Elle navigue entre la quatrième et la cinquième place en subissant les à-coups. À 100 mètres de l’arrivée, elle se replace enfin en meilleure posture pour prendre la troisième position, synonyme de qualification. Alors qu’on pense que tout va bien se passer, la course s’emballe sous l’impulsion de l’Espagnole Esther Guerrero et du coup les choses se compliquent pour Büchel qui doit maintenant se battre face à Renée Eykens et à Mari Smith pour arracher sa qualification. Hélas l’acide dans les jambes de la Suissesse a raison de la qualité de son finish et elle termine finalement quatrième en 2’02″98, à treize et cinq centièmes des places qualificatives obtenues par la Belge en 2’02″85 et par la Britannique en 2’02″93. Voilà un scénario catastrophe pour Selina Büchel, qui doit quitter prématurément cette compétition. C’est bien dommage qu’elle n’ait pas eu l’occasion d’atteindre la finale pour défendre son double titre. A-t-elle pêché par excès de confiance ? Pas sûr; mais ce qui est certain, c’est que des trois éditions avec d’abord Prague 2015 et Belgrade 2017, c’est de loin celle de Glasgow 2019 qui était la plus facile à concrétiser. Après avoir dû si âprement lutter pour remporter ses deux premiers titres, c’est vraiment fort dommage de la voir manquer de la sorte la passe de trois.
Le superbe record personnel d’Angelica Moser
Angelica Moser (LC Zürich) devient chaque année de plus en plus impressionnante. On l’avait laissée en 2017 à Belgrade sur une prometteuse onzième place avec 4,40 m, puis elle avait conquis un nouveau titre européen U23 en juillet 2017 à Bydgoszcz avec 4,55 m, ainsi qu’un titre suisse à Zurich avec son record personnel à 4,61 m. Une blessure en début de saison 2018 avait ensuite freiné sa progression et elle n’avait pas pu sauter plus haut que 4,45 m. En hiver 2019, à 22 ans, la perchiste de Winterthour est de retour plus forte que jamais, à témoins ses 4,62 m lors des championnats suisses indoor à Saint-Gall. La Zurichoise débarque ainsi à Glasgow en pleine confiance, ce qui se traduit par une fort belle gestion du concours de qualification avec un saut franchi à 4,60 m dès sa première tentative. Sa cinquième place provisoire est une sûrement une bonne source de motivation et le lendemain elle aborde la finale sans complexe. Ses trois premières barres à 4,30 m, à 4,45 m et à 4,55 m sont franchies du premier coup, ce qui la place à ce moment-là en tête, à égalité avec la Russe Anzhelika Sidorova et la Britannique Holly Bradshaw, alors que la Grecque Nikoleta Kyriakopoulou est derrière aux essais et que sa compatriote Katerina Stefanidi n’a pas encore débuté son concours. La barre des 4,65 m va certainement être décisive, mais elle n’intéresse pas Sidorova, qui décide de faire l’impasse. Bradshaw et Kyriakopoulou esquivent la latte à leur deuxième tentative, tandis que Stefanidi et Moser la franchissent au troisième essai. Ce magnifique saut, synonyme de record personnel, permet à Angelica de rester dans la course aux médailles. On monte maintenant la barre à 4,75 m et ça commence à faire vraiment haut. La Zurichoise, actuellement troisième ex-aequo, engage son talent et ses qualités dans cette bataille, tout en espérant – pourquoi pas – un faux-pas de la Russe. Hélas cette dernière ne tremble pas le moins du monde et passe tout en maîtrise ces 4,75 m, tout comme Holly Bradshaw. Les deux Grecques et la Suissesse manquent leurs trois tentatives et doivent malheureusement quitter ce bal écossais. Et à ce jeu de haute voltige, c’est Nikoleta Kyriakopoulou qui a pu s’emparer de la médaille de bronze et Angelica Moser, absolument bluffante, partage une magnifique quatrième place avec Katerina Stefanidi. Voilà une nouvelle prouesse de la part d’une athlète qui tient son rôle de World Class Potential à merveille.
Une concurrence trop forte pour le relais 4 x 400 m
Avant de passer à la dernière épreuve de cette compétition, le 4 x 400 m, il ne fait pas oublier de mentionner la course de Yasmin Giger (NET SCL Amriswil) sur 400 m. En lice dans la quatrième série, la Thurgovienne espère surtout engranger de l’expérience, mais elle ne parvient pas à jouer les premiers rôles. À mi-course, elle tente de faire le forcing, au deuxième couloir, mais elle n’arrive pas à passer, pas plus qu’à trouver son finish habituel. Elle termine quatrième de sa série en 53″84, ce qui la classe au vingt-neuvième rang final. Au saut en hauteur, Salome Lang (Old Boys Basel) réalise la moins bonne de ses sept prestations de l’hiver. Après avoir franchi notamment deux fois 1,90 m à Brünn et à Madrid, la Bâloise ne parvient pas à rééditer une telle performance lors de ce concours de Glasgow et elle doit en rester à 1,85 m. C’est dommage car la qualification aurait été acquise avec une barre à 1,89 m passée au premier essai.
On en arrive enfin à l’ultime épreuve de cette compétition, qui permet à Lea Sprunger de s’éclater pour une quatrième course, cette fois-ci sur le 4 x 400 m. Six équipes sont en lice avec la Belgique, la Grande-Bretagne, l’Italie, la France, la Pologne et la Suisse, qui s’aligne dans la composition suivante : Cornelia Halbheer(LV Winterthur), Lea Sprunger, Fanette Humair (FSG Bassecourt) et Yasmin Giger. L’ultime challenge de Laurent Meuwly, en partance pour les Pays-Bas, était une très bonne idée; mais à Glasgow, la concurrence est beaucoup trop forte pour les Suissesses qui n’ont jamais le droit au chapitre, malgré l’apport inestimable de la toute fraîche championne d’Europe indoor. Elles terminent sixièmes en établissant en 3’33″72 un joli record suisse.
PAB
Résultats
Hommes
60 m | : | 18. | Silvan Wicki (BTV Aarau) 6″75 en séries et 6″76 en demi-finales |
22. | Sylvain Chuard (Lausanne-Sports) 6″78 en séries et 6″82 en demi-finales | ||
400 m | : | 16. | Ricky Petrucciani (LC Zürich) 47″83 en séries |
60 m haies | : | 18. | Tobias Furer (LK Zug) 7″90 en séries |
22. | Brahian Peña (GG Bern) 7″93 en séries |
Femmes
60 m | : | 5. | Mujinga Kambundji (ST Bern) 7″16 / 7″31 en séries et 7″22 en demi-finales |
8. | Ajla Del Ponte (US Ascona) 7″30 / 7″27 en séries et 7″25 en demi-finales | ||
19. | Sarah Atcho (Lausanne-Sports) 7″38 en séries et 7″41 en demi-finales | ||
400 m | : | 1. | Lea Sprunger (COVA Nyon) 51″61 / 52″46 en séries et 51″90 en demi-finales |
29. | Yasmin Giger (NET SCL Amriswil) 53″84 | ||
800 m | : | 7. | Selina Büchel (KTV Bütschwil) 2’02″02 en séries et 2’02″98 en demi-finales |
19. | Delia Sclabas (Gerbersport) 2’06″07 en séries | ||
Hauteur | : | 20. | Salome Lang (Old Boys Basel) 1,85 m en qualifications |
Perche | : | 4. | Angelica Moser (LC Zürich) 4,65 m / 4,60 m en qualifications |
4 x 400 m | : | 6. | Cornelia Halbheer (LV Winterthur) / Lea Sprunger / Fanette Humair (FSG |
Bassecourt) / Yasmin Giger 3’33″72 (établissement du record suisse) |
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