Les quinze premières années de cette compétition ont permis de tirer un magnifique bilan pour l’athlétisme suisse : 14 médailles (5-2-7), dont 7 pour la seule Meta Antenen ! On retrouve l’épopée des athlètes suisses en 1982 à Milan. À l’instar de Markus Ryffel (ST Bern) en 1979, Roland Dalhäuser (TV Birsfelden) et Rolf Bernhard (ATV Frauenfeld) doivent tout tenter pour conserver leur titre brillamment acquis l’an dernier à Grenoble. Avec eux, neuf autres athlètes sont en compétition dans le magnifique Palasport di San Siro à Milan.
Des prestations suisses dans l’ensemble satisfaisantes
En sprint, Franco Fähndrich (Old Boys Basel) ne fait pas long feu sur 60 m avec 6″81 lors de séries et termine quinzième sur dix-neuf participants. Il est bien plus compétitif sur 200 m avec une victoire en séries en 21″75, puis une troisième place dans la seconde demi-finale en 21″52. Il lui manque quatorze centièmes pour décrocher son ticket pour la finale. Sur 800 m, Jürg Gerber (TV Länggasse) a l’air en bonne forme, mais son sens tactique est un peu moins affûté et il termine sa série en 1’51″91. Ça se passe mieux dans les trois autres courses de demi-fond. Sur 1500 m, l’espoir féminin de 20 ans Elise Wattendorf (GG Bern) se bat de toutes ses forces. Elle est récompensée par un joli septième rang avec le bon chrono de 4’20″04. Voilà de quoi réjouir son entraîneur Jean-François Pahud, qui doit maintenant assister à la finale du 1500 m de son poulain Pierre Délèze (CA Sion). Même s’il est arrivé à Milan sans prétention, le Valaisan n’a pas eu trop de peine à se qualifier pour la finale en terminant au deuxième rang derrière l’Espagnol José Luis Gonzales en 3’41″28. Il y a peut-être quelque chose à tenter dans cette finale, mais on voit Pierre Délèze voyager à l’intérieur du petit peloton. Dans son esprit, il se rend compte qu’il n’est vraiment pas dans l’allure et ça se vérifie à 150 mètres de l’arrivée où il est irrémédiablement distancé par six adversaires. Malgré une tentative de combler le retard, Pierre ne peut jamais revenir. Il termine ce 1500 m au septième rang en 3’41″38 : «Je manquais de rythme pour deux courses à ce niveau. Je suis déçu parce que j’avais commencé à y croire après les séries. En revanche, ce n’est pas un échec par rapport à ma préparation d’ensemble», a-t-il souligné avec beaucoup de lucidité.
Le 3000 m ne se court pas franchement sur un rythme très rapide. Dans l’emballage final, Bruno Lafranchi (ST Bern) n’arrive pas à suivre des coureurs de la trempe de Patriz Ilg ou d’Alberto Cova. Il termine pourtant à une belle sixième place avec un record personnel à la clé en 8’00″16.
Dans les disciplines techniques, le routinier des haies Roberto Schneider (LC Zürich) est légèrement blessé. Mais cela ne l’empêche pas de courir à deux reprises en 7″97 lors de sa série et de sa demi-finale. Au saut à la perche, Daniel Aebischer (CA Genève) franchit 5,20 m à son troisième essai, tout comme à la barre suivante placée à 5,30 m. Il tente ensuite sans succès de battre son record personnel à 5,40 m et il se classe au neuvième rang. Gaby Meier (Old Boys Basel) est toujours en pleine progression au saut en hauteur. Après avoir passé 1,90 m l’an dernier à Zurich, la sauteuse Bâloise vient de battre le record suisse en salle à Macolin. Son concours de Milan est bon avec un saut franchi à 1,85 m, une performance qui la place au onzième rang.
L’erreur tactique de Roland Dalhäuser
Roland Dalhäuser surfe actuellement sur une vague qui le porte haut, très haut. Après son titre européen indoor l’an dernier à Grenoble, le Bâlois avait explosé le 7 juin 1981 à l’occasion du fameux meeting d’Eberstadt. À son top niveau de forme, il avait réalisé un concours de rêve en franchissant successivement 2,26 m, puis 2,29 m et 2,31 m, pour signer une magnifique victoire sur tout le gratin mondial du saut en hauteur. Le record suisse venait de faire un bond de cinq centimètres d’un coup ! Les principaux rendez-vous de la nouvelle star de l’athlétisme suisse en 1982 sont bien évidemment le meeting d’Eberstadt, mais surtout les championnats d’Europe en août à Athènes. Mais avant ces deux échéances en plein air, Roland Dalhäuser doit passer par la case de ces championnats d’Europe indoor à Milan, où il doit défendre son titre acquis à Grenoble.
Le niveau général du saut en hauteur en Europe a fait un bond incroyable en ce début de décennie des années ’80. Après les records du monde du Polonais Jacek Wszola et de l’Allemand de l’Ouest Dietmar Mögenburg à 2,35 m, puis l’avènement de l’Allemand de l’Est Gerd Wessig à Moscou avec le titre olympique assorti d’un record du monde à 2,36 m, les données sont simples : pour s’imposer dans un championnat, il faut désormais réaliser des sauts largement plus haut que 2,30 m, une barre considérée comme étant mythique il n’y a pourtant pas si longtemps que ça. Et le concours de saut en hauteur des championnats d’Europe indoor 1982 ne va pas faire exception. Alors que 2,28 m avaient suffi à Grenoble pour l’emporter, voilà qu’à Milan ils sont encore quatre sauteurs à tenter 2,32 m : le Polonais Janusz Trzepizur, très impressionnant à 2,28 m pour son deuxième saut de la journée, les Allemands de l’Ouest Dietmar Mögenburg et Gerd Nagel, toujours très compétitifs, ainsi que le p’tit Suisse Roland Dalhäuser, qui semble être dans une bonne forme, même s’il a dû s’y reprendre à deux fois pour passer 2,28 m. À 2,32 m donc, Trzepizur passe d’entrée et prend une belle option sur le titre européen. Dalhäuser est lui aussi magnifique puisqu’il franchit également cette barre de manière nette et sans bavure à sa deuxième tentative; il bat ainsi son record personnel en salle de quatre centimètres. Nagel manque ses trois essais, tandis que Mögenburg, après deux échecs, garde son ultime saut pour la hauteur suivante. On monte la barre désormais à 2,34 m et c’est le leader Trzepizur qui est le premier à s’élancer. Très facile jusqu’à présent le grand Polonais essuie son premier échec du jour. Roland Dalhäuser a par conséquent une occasion en or pour renverser la situation en sa faveur. S’il parvient à franchir ces 2,34 m à sa première tentative, le titre serait à coup sûr pour lui. Mais, stupeur dans les tribunes (et nous devant le petit écran…), Dalhäuser refuse la hauteur et conserve ses trois tentatives pour 2,36 m ! Erreur funeste, qu’on s’explique mal sur le moment. Pire, Mögenburg réussit son pari lors de son unique tentative en enroulant cette barre à 2,34 m avec une félinité rare. L’Allemand prend la tête du concours, mais ils sont maintenant tous les trois face à une latte placée à 2,36 m, soit un centimètre de plus que le record du monde en salle. À cette altitude, l’oxygène commence à se faire rare et aucun des trois sauteurs ne se sent véritablement à l’aise, même si la dernière tentative de Dalhäuser vaut sans doute un 8 sur 10.
Dans cette partie de poker, Mögenburg a joué et gagné, alors que Trzepizur et surtout Dalhäuser – qui ont cru posséder les meilleures cartes – ont perdu leur mise à 2,36 m. Ce choix absolument incompréhensible du Bâlois d’avoir fait l’impasse à 2,34 m reste un mystère pour l’intéressé lui-même : «Mea culpa», se contente-t-il de répondre. En ne voyant que des nuages sur sa trajectoire, alors que se profilait une éclaircie superbe voire unique, il se serait donc trompé sur la situation exacte du concours à ce moment-là. Errare humanum est, certes; mais où était son coach à cet instant ? Au final, on ne va pas bouder notre plaisir d’applaudir comme il se doit cette médaille de bronze européenne acquise au terme d’un concours passionnant et d’une qualité rare. Franchement, un record suisse placé à 2,32 m, c’est quand même assez fantastique car il s’agit là du dixième saut de l’Histoire de l’athlétisme, en salle et en plein air confondus !
L’expérience de Rolf Bernhard
Dimanche matin au petit déjeuner, Rolf Bernhard plaisante avec Roland Dalhäuser : «Ohé, un champion d’Europe en salle salue un ex-champion d’Europe en salle…». Il ne reste plus que quelques heures avant le concours du saut en longueur et au-delà de la blague, le Thurgovien sait pertinemment qu’il va subir le même que son pote Bâlois. En effet, il sait qu’il est moins en forme qu’il y a douze mois en France, la faute à une blessure qui l’a gêné jusqu’au mois de décembre. Il y a aussi la concurrence solide représentée par l’Allemand de l’Est Henry Lauterbach (8,35 m l’an dernier), l’Italien Giovanni Evangelisti et le Tchécoslovaque Jan Leitner. Pourtant, fort de sa grande expérience, le Suisse réalise un concours héroïque qui a bien failli être couronné de succès. Avec un bond de 7,83 m, Bernhard ne s’incline face à Lauterbach que pour trois centimètres et, dans le même temps, il repousse les assauts d’Evangelisti (7,83 m également) et de Leitner (7,82 m). Inutile de dire que le Thurgovien est aux anges, d’autant plus qu’il peut continuer de plaisanter avec Dalhäuser : «Ohé, un médaillé d’argent salue un médaillé de bronze…». Également présent dans ce concours, René Gloor (TV Länggasse) saute 7,49 m et manque la qualification pour les trois derniers sauts de quinze centimètres; il se classe au neuvième rang.
PAB
Résultats
Hommes
60 m | : | 15. | Franco Fähndrich (Old Boys Basel) 6″81 en séries |
200 m | : | 5. | Franco Fähndrich 21″75 en séries et 21″52 en demi-finales |
800 m | : | 16. | Jürg Gerber (TV Länggasse) 1’51″91 en séries |
1500 m | : | 7. | Pierre Délèze (CA Sion) 3’41″38 / 3’42″28 en séries |
3000 m | : | 6. | Bruno Lafranchi (ST Bern) 8’00″16 |
60 m haies | : | 10. | Roberto Schneider (LC Zürich) 7″97 en séries et 7″97 en demi-finales |
Hauteur | : | 3. | Roland Dalhäuser (TV Birsfelden) 2,32 m (record suisse indoor) |
Perche | : | 9. | Daniel Aebischer (CA Genève) 5,30 m |
Longueur | : | 2. | Rolf Bernhard (ATV Frauenfeld) 7,83 m |
9. | René Gloor (TV Länggasse) 7,49 m |
Femmes
1500 m | : | 7. | Elise Wattendorf (GG Bern) 4’20″04 |
Hauteur | : | 11. | Gaby Meier (Old Boys Basel) 1,85 m |
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