La structure et le travail mis en place depuis une demi-décennie par Swiss Athletics, ceci en vue des championnats d’Europe 2014 à Zurich, doit logiquement continuer de porter ses fruits lors des saisons futures. On va le constater avec satisfaction dès la saison 2015 en salle avec une multitude d’exploits.
À l’O2 Arena de Prague, tout va aller crescendo avec d’abord quatre athlètes qui nourrissent de grandes ambitions, mais qui doivent encore passer un cap pour réellement figurer à un niveau plus compétitif. Dans le cadre de sa reconversion vers le 400 m haies, Lea Sprunger (COVA Nyon) s’aligne sur 400 m. Manquant encore d’une résistance spécifique, la Vaudoise sait que les progrès vont s’effectuer pas après pas et ses chronos de réussis à Macolin (53″71, 53″72 et 53″76) sont là pour le prouver. Lea, qui cherche à améliorer son record lors des séries, est dominée par la Française Marie Gayot, la Tchèque Denisa Rosolova et l’Espagnole Aauri Lorena Bokesa. Son chrono de 53″97 reste à sept dixièmes de la qualification pour les demi-finales. Sur 60 m haies, dans la tradition des hurdleuses helvétiques, Noemi Zbären (SK Langnau) est excellente en séries du 60 m haies avec un nouveau record personnel en 8″11. Trois heures plus tard en demi-finales, elle se montre moins fringante avec 8″19. Quant aux deux sauteuses à la perche, elles ne passent pas l’écueil des qualifications. La jeune Angelica Moser (LC Zürich), 18 ans, franchit 4,10 m au premier essai, mais elle doit hélas en rester là. La Zurichoise est toutefois un formidable talent, qui a déjà gagné deux compétitions internationales chez les jeunes : le F.O.J.E. en 2013 à Utrecht et les Jeux Olympiques de la Jeunesse en 2014 à Nanjing. Nicole Büchler (LC Zürich) est bien plus régulière dans ses sorties. Après avoir sauté 4,55 m à Potsdam, puis 4,50 m lors du meeting Sainsbury’s Indoor à Birmingham, la Seelandaise franchit à Prague 4,30 m et 4,45 m au premier essai, mais elle bute à trois reprises à 4,55 m et se voit être cruellement éliminée avec la onzième place.
Pascal Mancini et Mujinga Kambundji plus rapides que jamais sur 60 m
Dans les sprints, on a la joie de voir que nos deux champions suisses affichent une forme exceptionnelle. Vainqueur il y a trois semaines à Saint-Gall du 60 m en 6″68, Pascal Mancini (FSG Estavayer-le-Lac) bénéficie du summum de sa vélocité. Tout commence par une victoire en 6″64 lors des séries, ce qui lui donne le septième chrono. Galvanisé par cette excellente entame, le Fribourgeois parvient à suivre la trajectoire des meilleures torpilles européennes lors des demi-finales remportées par le Britannique Richard Kilty en 6″53, devant son compatriote Chijindu Ujah en 6″57 et l’Allemand Lucas Jakubczyk en 6″59. En terminant deuxième de sa course derrière Ujah, Pascal Mancini parvient à prendre la mesure d’un autre favori, l’Allemand Christian Blum qu’il bat au millième en 6″60. Ce magnifique chrono lui permet d’égaler le record suisse qui était détenu depuis 1999 par le Genevois Cédric Grand. Le soir pour la finale, un coup de théâtre se produit avec l’élimination de Chijindu Ujah, coupable d’un faux-départ; ça fait au moins un adversaire supérieur en moins pour Pascal Mancini… Finalement Richard Kilty décroche royalement le titre européen en 6″51. Derrière tout reste très serré avec la course rageuse de Christian Blum en 6″58, alors que la médaille de bronze est arrachée par l’Allemand Christian Reus – qu’on attendait pas – en 6″60, tout comme l’Italien Michael Tumi en 6″61. Crédité d’un chrono de 6″62, Pascal Mancini termine brillant cinquième, soit la meilleure place obtenue par un Suisse lors des épreuves de sprint aux championnats d’Europe indoor. Cette magnifique performance devrait lui permettre d’améliorer de manière substantive son record personnel du 100 m qui se situe depuis l’an dernier à Bâle à un respectable 10″28.
Mujinga Kambundji (ST Bern) est elle aussi fort brillante cet hiver, puisqu’elle a réussi pas moins de quatre records suisses : 7″26 et 7″18 le 24 janvier à Macolin, puis à deux reprises 7″18 encore, à Saint-Gall et à Birmingham. À Prague, vingt-quatre places sont disponibles pour les demi-finales, ce qui permet à la Bernoise de ne pas trop stresser. Mieux, elle s’impose sans forcer dans la première série en 7″22, tout en ayant réussi le cinquième chrono. Cette belle perspective la transcende littéralement pour les demi-finales, où les deux premières des trois courses, plus les deux meilleurs temps filent en finale. Auteur d’un bon départ, Mujinga s’accroche aux basques de l’Allemande Verena Sailer et termine deuxième en 7″15, nouveau record suisse battu trois centièmes. Si le podium semble hors de portée avec des filles comme Verena Sailer, la Britannique Dina Asher-Smith ou la Néerlandaise Dafne Schippers, la bataille pour les places d’honneur concernera Mujinga Kambundji et deux autres prétendantes que sont l’Ukrainienne Olesya Povh et la Norvégienne d’origine Nigériane Ezinne Okparaebo. La finale est d’un niveau général jamais atteint et Mujinga fait bel et bien partie de ce spectacle. Dafne Schippers est impériale dans cette course, qu’elle remporte avec un record personnel en 7″05 (le record de son pays reste évidemment la propriété de Nelli Cooman avec ses 7″00 en 1986 à Madrid). Derrière, comme chez les hommes, la bagarre pour les médailles a été chaude avec Dina Asher-Smith qui remporte l’argent en 7″08, record britannique, alors que Verena Sailer arrache le bronze en 7″09. Le mot « arrache » est fort à propos puisque Ezinne Okparaebo se classe quatrième avec un record national en 7″10, Mujinga Kambundji est une magnifique cinquième en 7″11, record national également, un chrono partagé avec Olesya Povh, record personnel pour elle aussi. En signant un record suisse de grande valeur, on peut affirmer sans vraiment se tromper qu’on a définitivement trouvé en Mujinga Kambundji la perle que notre pays attendait en sprint. Les championnats d’Europe de Zurich lui avaient montré la voie à suivre et apparemment elle a su formidablement bien s’y engouffrer. On espère que cette synergie à grande vitesse pourra rayonner également sur ses collègues du relais 4 x 100 m car il y a là aussi une formidable carte à jouer.
Selina Büchel s’adjuge le titre sur 800 m !
On avait vu Selina Büchel (KTV Bütschwil) fort prometteuse il y a deux ans à Göteborg avec une belle septième place; ce joli résultat l’avait pourtant laissée sur sa faim. Ambitieuse, la Saint-Galloise l’est assurément en arrivant à Prague; forte de sa victoire en 2’01″87 obtenue il y a un mois à Düsseldorf, on le serait à moins. Les séries se déroulent selon la tactique espérée, à savoir revenir de l’arrière dans les 200 derniers mètres et coiffer ses rivales dans la dernière ligne droite. Sa victoire en 2’01″95 face avec la Française Rénelle Lamotte et l’Ukrainienne Nataliya Lupu montre que la Suissesse a les idées très claires et les jambes des grands jours. Tout cela se vérifie à merveille le samedi en rééditant cette manière de faire et cette fois-ci ce sont l’Islandaise Anita Hinriksdottir et la Britannique Jenny Meadows qui se font déborder sans coup férir par une Selina Büchel qui s’impose en 2’01″92. La jeune athlète du Toggenburg (23 ans) a fait parler son instinct et sa science de la course. Alors Büchel est-elle désormais prévisible ? Absolument pas car dimanche en finale elle surprend totalement en s’installant d’entrée de jeu en tête du peloton. Ses adversaires, décontenancées, veulent elles aussi imposer leur loi, ce qui provoque immanquablement des frottements. Anita Hinriksdottir passe aux 400 m en 1’02″77, ce qui est assez lent mais normal pour une finale européenne. Alors que Nataliya Lupu joue des coudes pour mieux se placer, on sent toutefois que plus la course se déroule et plus la patronne s’appelle Selina Büchel. En tête aux 600 m (1’33″00), son emballage final est puissant et sa tactique paye de nouveau car elle résiste dans un premier temps au retour de Lupu et surtout de la Russe Yekaterina Poistogova qui court à fond au couloir 4. Büchel voit revenir son adversaire très fort et son instinct lui dit de se jeter sur le fil, semble-t-il juste un peu avant la Russe. Pourtant sur le panneau d’affichage, il est indiqué « photo » pour les deux premières. Il faut une bonne minute pour que le verdict ne tombe : la Suissesse s’impose magnifiquement en 2’01″95, avec quatre centièmes d’avance sur la Russe (qui sera finalement disqualifiée par l’I.A.A.F. en novembre 2015 suite au rapport de l’Agence Mondiale Antidopage qui accable l’athlétisme russe dans son ensemble). Ses dauphines sont donc Nataliya Lupu en 2’02″25 et la Polonaise Joanna Jozwik en 2’02″45.
Bien que la Saint-Galloise ait été étincelante, étonnamment le record suisse indoor de Regula Zürcher (2’00″90) a résisté à cette campagne de Prague. Il ne faudra pourtant pas trop longtemps pour que cette référence ne tombe car Selina Büchel possède maintenant de nombreux atouts : de l’audace, de la spontanéité et une préparation minutieuse qui fait immédiatement repenser au dernier médaillé que la Suisse avait pu fêter lors de ces championnats d’Europe en salle, il y a déjà dix-sept ans : André Bucher. Troisième aux championnats d’Europe U23 en 2013 à Tampere, quatrième aux championnats du monde en salle en 2014 à Sopot, voilà avec ce titre européen indoor 2015 à Prague la parfaite confirmation du grand talent de Selina Büchel.
PAB
Résultats
Hommes
60 m | : | 5. | Pascal Mancini (FSG Estavayer-le-Lac) 6″62 / 6″64 en séries et 6″60 (record suisse |
indoor égalé) en demi-finales |
Femmes
60 m | : | 5. | Mujinga Kambundji (ST Bern) 7″11 (record suisse indoor) / 7″22 en séries et 7″15 |
(record suisse indoor) en demi-finales | |||
400 m | : | 20. | Lea Sprunger (COVA Nyon) 53″97 en séries |
800 m | : | 1. | Selina Büchel (KTV Bütschwil) 2’01″95 / 2’01″92 en séries et 2’01″95 en demi-finales |
60 m haies | : | 15. | Noemi Zbären (SK Langnau) 8″11 en séries et 8″19 en demi-finales |
Perche | : | 11. | Nicole Büchler (LC Zürich) 4,45 m en qualifications |
21. | Angelica Moser (LC Zürich) 4,10 m en qualifications |
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