ATHLE.ch VINTAGE | TIMELINE REPORTAGE | À l'initiative de Boris Acquadro (le commentateur de l'athlétisme sur la Télévision Suisse Romande), une rencontre est organisée en 1971 au stade de Colombes à Paris entre Paul Martin et André Obey (l'auteur du livre culte "L'orgue du stade"), ceci à l'occasion des 70 ans de la légende de l'athlétisme suisse. ATHLE.ch VINTAGE fait revivre cet événement absolument exceptionnel, provenant des archives de la RTS.

B.A. : Nous nous retrouvons 47 ans après les Jeux de ’24 ici à Colombes avec vous, André Obey, et avec notre ami Paul Martin. André Obey, vous vous retrouvez je crois pratiquement à l’endroit, enfin à quelques travées près, où vous étiez en ’24 ?

A.O. : Oui c’était un petit peu plus à droite, mais ça peut être ça.

B.A. : Et la tribune n’a pas changé ?

A.O. : Non, c’est exactement pareil. Ça m’a d’ailleurs fait une émotion parce que ça fait très longtemps que je n’avais pas vu ce stade et en le retrouvant, j’ai senti que j’avais vieilli ! Ah oui, ça se sent (rires).

P.M. : Et moi aussi j’ai vieilli (rires).

B.A. : Alors, André Obey, notre propos bien sûr, c’est de parler du 800 m de Paul, du chapitre qui lui est consacré dans ce livre « L’orgue du stade », et j’aimerais tout d’abord vous demander : comment avez-vous vu la course ?

A.O. : Oui, il faut que je vous fasse un petit renseignement préliminaire, c’est que nous étions là avec des gens comme Marcel Berger, Dominique Bringat, etc., des amis très chers et très intimes. Et alors vous savez comment ça se passe dans ce cas là, on a beau être impartial parce que nous travaillons pour un journal, on a toujours un chouchou. Et alors là, la façon dont Paul avait couru les séries, les quarts de finales et les demi-finales du 800 m, nous avait beaucoup séduit et c’était lui notre chouchou. Bon, comme corollaire y a que quand on a un chouchou, y a que lui qu’on voit dans la course. Il a fallu que je fasse un gros effort et c’est parce qu’il m’a raconté des tas choses que j’ai écrit ce chapitre; sans ça je l’ai regardé d’un bout à l’autre. Alors il est parti d’une façon lamentable, et alors si bien que cent mètres après il était en dernière position et je me dis il ne rattrapera jamais; si ! Il a rattrapé peu à peu, il a fait d’abord ce premier tour là et puis on disait mais il tient le coup ! Et s’il gagnait ? A ce moment là on a complètement joué sur lui, on s’est dit : il va gagner le 800 m olympique, c’est sûr y a pas d’histoire, c’est lui qui gagne, parce qu’on savait qu’il avait une vitesse de pointe finale assez redoutable.
Et puis alors, les Américains qui ont oublié d’être bête se sont arrangés pour l’enfermer, parce qu’ils avaient probablement senti qu’il était assez dangereux. Il a pataugé dans une espèce de magma de jambes et de cuisses etc. en se demandant ce qu’il allait faire, le drame s’est joué au dernier virage, là. Parce que c’est ça le sport, c’est un drame, dont la conclusion se dessine au dernier virage. Là le virage était beaucoup plus long que maintenant. Il y avait une longue ligne droite pour s’expliquer et on a quand même espéré que, quoi qu’il ait été enfermé au virage, barré par Stallard, par Lowe, et cetera, on s’est dit il va se dégager et il y arrivera peut-être. Et il a failli y arriver. Mais en attendant il s’est projeté vers l’extérieur. A ce moment là et les supporters que nous étions criaient : «il est foutu ! ». Il n’était pas foutu du tout.

P.M. : Je n’avais pas l’expérience que j’avais plus tard. J’aurai à ce moment là essayer de me rabattre et essayer de passer; à New York on apprend à passer quand on veut passer. Tandis que là, il faut faire l’extérieur pour être correct. Et là quand j’ai vu que Lowe avait la piste subitement ouverte devant lui par Stallard qui, voyant qu’il s’effondrait dans les derniers cent mètres, s’est écarté et lui a laissé la corde. A ce moment là j’ai dû faire encore l’extérieur. Il y avait Enck l’Américain et encore un autre…

B.A. et P.M. (en cœur) : Richardson !

P.M. : Voilà ! On s’en rappelle comme si c’était hier. Et alors j’ai subitement vu Lowe qui était à cinq six mètres déjà à l’entrée de la ligne droite, plus loin que moi ayant fait l’extérieur. Alors avec le sprint final que j’avais, j’ai essayé, essayé, essayé. J’ai passé tout le monde, sauf Lowe. Je me rapprochais, rapprochais, rapprochais de lui, et puis j’ai eu l’impression que j’arrivais en même temps que lui sur la ligne d’arrivée, sur le fil qui était rouge… je ne voyais pas le rouge, mais je me suis lancé en avant avec l’épaule et ni l’un ni l’autre ne savait qui avait gagné.

B.A. : Et comment l’avez-vous su ? Dites-le nous car c’est intéressant.

P.M. : Eh bien tout d’abord il n’y avait pas de photo d’arrivée. Seulement en prise de très loin en téléobjectif, mais il n’y avait pas de photos. Avec Lowe, nous étions très amis. On s’est félicité l’un l’autre comme si l’un avait gagné, l’autre avait gagné. On était très gentil l’un pour l’autre, en souhaitant la victoire pour son camarade (rires général). C’était vraiment comme ça et on était ému.

B.A. : Et puis il y a eu l’hymne à ce moment-là.

P.M. : Et puis subitement on entend un hymne, qui était l’hymne suisse, car l’hymne suisse était aussi l’hymne anglais, n’est-ce pas. Alors tous les suisses se sont dit : « ça y est, il a gagné ! » Et un petit moment après, pendant qu’on avait joué quelques mesures, on a vu les drapeaux monter. On ne voyait pas très bien. Puis on a vu que le drapeau suisse était à droite. Alors c’était deuxième. Parce qu’on ne donne pas d’ex-æquo aux Jeux Olympiques. On a donné au début le temps ex-æquo; et puis après on m’a quand même collé un dixième de seconde, pour que ça fasse mieux !

B.A. : Et vous André Obey, de la tribune, est-ce que vous aviez vu que Lowe avait gagné ?

A.O. : Ah, oui, oui, oui ! C’était d’un rien. D’ailleurs nous étions persuadés à ce moment là que Martin était foutu, comme on l’a dit, et alors : « Oh la barbe, oh non, oh c’t’espèce d’English ». Complètement dépités !

Interview tirée de l’émission Caméra Sport diffusée le 01.10.1971 sur la Télévision Suisse Romande.

PAB

Version imprimable de l’article (PDF)

 

Vidéo

Interview tirée de l’émission Caméra Sport diffusée le 01.10.1971 sur la Télévision Suisse Romande

 

ATHLE.ch VINTAGE – Accueil

ATHLE.ch VINTAGE – Facebook

ATHLE.ch VINTAGE – Instagram

 

L'athlétisme suisse durant les années '20

TitreDateHighlightSitePDF
Accueil1920-1929L'athlétisme suisse dans les années '20
Timeline1920Les principaux événements de la saison 1920
Timeline1921Les principaux événements de la saison 1921
Timeline1922Les principaux événements de la saison 1922
Timeline1923Les principaux événements de la saison 1923
Timeline1924Les principaux événements de la saison 1924
Timeline1925Les principaux événements de la saison 1925
Timeline1926Les principaux événements de la saison 1926
Timeline1927Les principaux événements de la saison 1927
Timeline1928Les principaux événements de la saison 1928
Timeline1929Les principaux événements de la saison 1929
Episode 125.07.1920Joseph Imbach égale le record du monde du 100 m
Episode 201.04.1922Deux podiums pour Julien Schnellmann au cross des nations
Episode 3 03.09.1922Meilleure perf. européenne de l'année sur 400 m pour Josef Imbach
Episode 4 08.07.1924Paul Martin à un souffle du titre olympique du 800 m
Episode 510.07.1924L'incroyable record du monde de Josef Imbach sur 400 m
Episode 610.07.1924Willy Schärer remporte l'argent du 1500 m olympique
Episode 712.07.1924Ernst Gerspach se classe sixième du décathlon olympique
Episode 813.07.1924Arthur Tell Schwab termine cinquième du 10000 m marche olympique
Episode 902.08.1928Un diplôme olympique pour Paul Martin lors du 1500 m
Episode 1009.09.1928Paul Martin plus rapide que jamais sur 400 m et 800 m
Highlights1920-1929La belle histoire de 6 seconds-couteaux
Highlights13.08.1922Alfred Gaschen booste le record suisse du 5000 m
Highlights20.08.1922Francesca Pianzola gagne le javelot aux Jeux Mondiaux Féminins
Highlights12.08.1923Hans Moser signe la 4e perf européenne en hauteur
Highlights13.08.1923Louise Groslimond bat deux records du monde à Anvers
Highlights26.06.1927Karl Borner, l'homme le plus rapide de Suisse
Highlights26.08.1928Adolf Meier bat le record suisse du décathlon à Zurich
Reportage01.10.1971Rencontre entre Paul Martin et André Obey à Paris
Bilan1920-1929Toutes les statistiques de la décennie
Publication1920-1929Le livre des années '20
Publication1952L'autobiographie de Paul Martin | Au dixième de seconde

 

Commentaires

commentaires

Auteur

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Top