TIMELINE | L’épopée des athlètes suisses aux championnats du monde | Budapest 2023 Pour les athlètes suisses, atteindre la limite pour les championnats du monde représente une sorte de Saint Graal car cette compétition est assurément l'un des deux summums de l'athlétisme mondial. ATHLE.ch «VINTAGE propose de revivre en détail l'épopée des athlètes suisses au cours des dix-neuf éditions de ces Mondiaux. La dix-neuvième édition des championnats du monde s'est disputée du 19 au 27 août 2023 à Budapest.

World Athletics a choisi la ville de Budapest pour fêter les 40 ans des championnats du monde d’athlétisme. Cette dix-neuvième édition se déroule du 19 au 27 août 2023 dans la capitale hongroise. Lors du 54e Congrès de l’instance, qui s’est déroulé durant la semaine précédant ces Mondiaux, le président Sebastian Coe a été réélu à son poste pour un troisième et ultime mandat de quatre ans. World Athletics a également apporté quelques ajustements au niveau de l’attribution des couloirs, ainsi que sur le mode de qualification pour les tours suivants ou les finales. Ainsi les courses de demi-fond (dès le 1500 m) vont être nettement plus équitables que par le passé. Pour toutes les épreuves de sprint, haies et de 800 m, une salle appelée « q room » est organisée où les qualifié(e)s non automatiques pourront attendre pour voir s’ils ont avancé dans la compétition ou non. Cette salle est équipée de divans confortables, des écrans de télévision pour regarder les courses suivantes, des rouleaux en mousse et des bandes élastiques, des rafraîchissements, ainsi que l’accès à leur entraîneur et à leur sac personnel.
Le stade, appelé National Athletics Centre, se trouve sur la rive droite du Danube. Il est ultra moderne et il va être bien fréquenté par le public durant les neuf jours de compétition. C’est une bonne nouvelle et surtout ça nous changera radicalement des très maigres affluences de Doha 2019 ou de Eugene 2022.
Concernant l’équipe suisse, la fédération avait fait paraître une première sélection de vingt-neuf athlètes. Par la suite, grâce au ranking de World Athletics, trois coureuses ont été repêchées (Salomé Kora sur 100 m, Léonie Pointet sur 200 m et Giulia Senn sur 400 m). Enfin au dernier moment, on apprend que le marathonien Adrian Lehmann doit renoncer suite à des douleurs dorsales et que le relais 4 x 100 m masculin a pu obtenir une « wild card ». Ainsi la Suisse se déplace à Budapest avec une délégation record de 37 athlètes. Les cinq athlètes suisses médaillés des championnats d’Europe 2022 à Munich sont présents en Hongrie. Il s’agit de Simon Ehammer, d’Annik Kälin, des sœurs Mujinga et Ditaji Kambundji, ainsi que de Ricky Petrucciani.

Une première journée délicate
Samedi 19 août 2023, c’est l’heptathlonienne Annik Kälin (AJ TV Landquart) qui ouvre les feux. La Grisonne, qui a retrouvé la forme après un printemps gâché par une fracture de fatigue, réussit parfaitement son entrée avec un excellent 13″36 sur 100 m haies, ce qui la propulse en sixième position de cet heptathlon. Au saut en hauteur, Kälin débute à 1,68 m en passant au deuxième essai, puis elle franchit 1,71 m lors de sa première tentative. À la barre suivante, la sixième des Mondiaux 2022 montre des signes de fébrilité. Victime de vertiges (un voile noir devant les yeux), elle décide d’abandonner son heptathlon ! «Dans ces conditions, je ne suis pas en mesure d’obtenir un résultat à la hauteur de mes espérances et je ne veux pas prendre de risques pour ma santé». C’est un véritable crève-cœur pour la recordwoman suisse et pour ses nombreux supporters.
On enchaîne avec le relais 4 x 400 m mixte où le quatuor helvétique composé de Lionel Spitz (Adliswil Track Team), Giulia Senn (LC Zürich), Ricky Petrucciani (LC Zürich) et Julia Niederberger (LA Nidwalden) est aligné pour la première fois à des championnats du monde. Cette équipe n’est autre que celle qui détient le record suisse, les 3’14″22 réalisés en juin dernier lors des championnats d’Europe Team à Chorzow. Lionel Spitz a parfaitement lancé la course en passant le témoin en deuxième position. Pris manuellement, son chrono est de 45″4. Giulia Senn se bat bien, mais ses 51″8 lancés la font rétrograder à la septième place. Ricky Petrucciani s’élance avec le but de remonter quelques places. Ses 44″61 lancés lui permettent de doubler uniquement le Nigeria. Enfin Julia Niederberger maintient cette position grâce à ses 52″22 lancés. En courant en 3’14″38, la Suisse termine au onzième rang de ce 4 x 400 m mixte, à seize centièmes du record suisse. Pour entrer en finale, il aurait fallu un temps de 3’13″90.
Pour conclure cette session matinale, Joceline Wind (Biel/Bienne Athletics) n’a pas pu signer le moindre exploit sur 1500 m. Alignée dans la troisième série, la championne suisse s’est pourtant bien battue, mais elle a été distancée par ses adversaires dans le dernier tour. La Jurassienne bernoise, néophyte à ce niveau de compétition, prend la 14e place de cette série en 4’14″86 et la 53e place finale. Elle a apprécié cette expérience, qui devrait être renouvelée à l’avenir.
En début de soirée, Tom Elmer (LC Zürich) est le seul représentant de Swiss Athletics. Lors de la première série du 1500 m, alors que le Glaronnais fait preuve d’un bel esprit combattif, il est victime d’une chute à 550 m de l’arrivée. Au tapis avec deux autres coureurs, Elmer se relève péniblement et passe la ligne d’arrivée au trot en 3’55″72, le front ensanglanté. Une heure après cet incident, le jury octroie très justement aux trois athlètes impliqués dans la chute une place en demi-finales. Le Glaronais possède donc une nouvelle chance d’étaler aux yeux de tous son excellente forme.

Deux hurdlers et deux sprinteuses passent en demi-finales
Au lendemain du relais mixte, trois des quatre coureurs de 400 m sont en lice individuellement. Chez les femmes, Giulia Senn termine sixième de la quatrième série en 52″66, soit le 38e chrono de cette épreuve. Chez les hommes, on attend beaucoup de Lionel Spitz, mais le jeune Zurichois doit déchanter car il boucle son tour de piste en 45″69. Son 33e rang se situe à quarante-cinq centièmes de la qualification. Quant à Ricky Petrucciani, il a dû renoncer au dernier moment à s’aligner à cause d’une gêne à une cuisse contractée lors de sa course de la veille.
On espère plus de réussite au 400 m haies des hommes, où Julien Bonvin (CA Sierre) et Dany Brand (LC Zürich) ont apparemment une belle carte à jouer. Dans la première série, Julien Bonvin semble serein au moment de s’installer dans ses starting-blocks. Sur la piste, il l’est tout autant en réalisant une course très solide qui lui permet d’obtenir le deuxième chrono de sa carrière en 49″19, à neuf centièmes de son record. Le finaliste des championnats d’Europe 2022 se qualifie à la place en se classant au troisième rang derrière le Brésilien Alison dos Santos et le Français Ludvy Vaillant. En se hissant en demi-finales, Julien Bonvin a donc parfaitement rempli son premier contrat : «J’adore cette piste, c’est incroyable. Je suis en grande forme ici, c’est la première fois que j’arrive au sommet de mon art au moment le plus important. Je me réjouis de demain; ce sera ma finale. En plus je cours le soir, ce que je préfère nettement au matin…».
Dans la troisième série, Dany Brand a en revanche échoué dans son entreprise. Mais il s’en est fallu de peu pour qu’il y parvienne car derrière le Norvégien Karsten Warholm et le Français Wilfried Happio, le Qatari Bassem Hemeida et surtout l’Italien Alessandro Sibilio ne semblent pas au mieux. Facile troisième avant la huitième haie, un piétinement lui fait perdre son bon rythme sur cet obstacle. Du coup ses deux adversaires peuvent remonter sur lui et le laisser à dix-neuf centièmes de la qualification. En terminant au cinquième rang en 49″69, le Zurichois aurait dû égaler son meilleur temps de la saison (49″25) pour espérer être repêché au temps. Il se classe 30e de ce 400 m haies mondial.
Peu après les douze coups de midi, place aux tigresses de l’athlétisme avec des séries du 100 m qui s’annoncent explosives. Trois Suissesses font partie du lot, avec de belles chances de qualification pour les demi-finales. Pour cela il faut se classer parmi les trois premières ou d’obtenir l’un des trois meilleurs chronos des viennent-ensuite. Dans la première série, Géraldine Frey (LK Zug) doit affronter quelques cadors : la Lucienne Julien Alfred, terreur des courses de sprints NCAA, la Britannique Daryll Neita et la Gambienne Gina Bass. Auteur d’une mise en action prodigieusement efficace, la Zougoise est en tête après trente mètres ! Mais la classe de ses adversaires parle en seconde partie de course et Géraldine se retrouve logiquement au quatrième rang en 11″26. Le tout est maintenant de savoir si ce chrono va suffire pour avancer dans la compétition ? Pour elle, l’attente angoissante commence dans la « q room ». La deuxième série, avec Salomé Kora (LC Brühl), semble plus abordable puisqu’on ne trouve que l’Américaine Brittany Brown et la Britannique Dina Asher-Smith comme épouvantails. Une aubaine pour la Saint-Galloise, qui réagit tout aussi promptement que Géraldine Frey en sortant de ses starting-blocks; sauf que ses premiers appuis sont totalement ratés, au point de frôler la chute ! Larguée, Salomé tient à courir, mais sans grande conviction; elle termine en 12″18 et récolte un frustrant 47e rang. Tandis que Frey se trouve toujours sur son divan marron pas marrant dans la « q room », la septième et ultime série permet de suivre Mujinga Kambundji (ST Bern). La recordwoman de Suisse doit affronter notamment la Jamaïcaine Shelly-Ann Fraser-Pryce, l’Allemande Rebekka Haase et la Néo-Zélandaise Zoe Hobbs. Un peu tendue, la Bernoise réalise le meilleur temps de réaction (125 millièmes) de toutes les séries. Aux basques de Fraser-Pryce, Mujinga ne tremble pas le moins du monde et assure sa qualification en 11″08, avec le onzième chrono des séries. Du côté de la « q room », c’est avec une grande satisfaction que Géraldine Frey empoche son ticket pour les demi-finales. Ça s’est pourtant joué pour un souffle puisqu’elle a réussi éliminer l’Ivoirienne Maboundou Koné pour six petits millièmes seulement.
L’ultime épreuve de cette session du matin, c’est le très attendu 110 m haies des hommes. Le plateau présenté à Budapest est monstrueux, tant est si bien que la phrase-clé de ces séries est de ne commettre qu’un minimum d’erreur. À ce jeu-là, le Jamaïcain Rasheed Broadbell a failli dans les grandes largeurs. Les Suisses ont joué leur rôle dans ces séries. Finley Gaio (SC Liestal) n’a pas vraiment beaucoup de chances de qualification, mais il se donne à fond dans la deuxième course et il est récompensé par un chrono de 13″61, le 26e de ce premier tour. Jason Joseph (LC Therwil) s’est qualifié pour les demi-finales, mais sans vraiment convaincre avec une quatrième place en 13″38, soit la dernière place synonyme de qualification directe. Il devance d’un centième le Jamaïcain Orlando Bennett et prend le treizième rang de ces séries. Le champion d’Europe du 60 m haies en salle devra absolument élever son niveau lors des demi-finales de lundi s’il entend se mêler à la bagarre pour une place sur le podium en soirée.
Comme la veille, Tom Elmer est le seul Suisse à entrer dans l’arène lors de la saison du soir (ou plutôt de fin d’après-midi, fête nationale hongroise oblige). Repêché pour les demi-finales suite à sa chute de la veille, le Glaronais sait qu’il bénéficie d’un joker aussi inattendu qu’intéressant. Mais le niveau du demi-fond mondial est incroyablement haut cette année et le coureur du LCZ n’a pas vraiment droit au chapitre, tant la course est agressive. Il se bat du mieux qu’il le peut et termine 11e en 3’38″33. Le chrono n’étant pas important, Tom est content de sa course et surtout il va garder en mémoire cette expérience, qui devrait lui servir pour ses prochaines grandes compétitions que seront Rome et Paris en 2024 et Tokyo en 2025.

Angelica Moser fait le job en qualifs. Fin de parcours pour Julien Bonvin
Le lundi 21 août, six athlètes suisses sont en action lors de la soirée au National Athletics Centre. Angelica Moser (LC Zürich) ouvre les feux lors des qualifications du saut à la perche. Ce moment fort périlleux est géré avec succès par la Zurichoise, qui franchit 4,35 m et 4,50 m au premier essai, puis 4,60 m à sa troisième tentative et enfin 4,65 m au premier essai, meilleure performance suisse de la saison et qualification directe pour la finale. Cette belle prestation démontre qu’il faudra compter sur elle mercredi soir.
Pendant ce temps-là, Yasmin Giger (LC Zürich) a pris part aux séries du 400 m haies. En terminant sixième de sa course en 56″16, elle ne parvient pas à se qualifier pour les demi-finales. Elle décroche le 27e rang des 41 participantes. Une demi-heure plus tard, Julien Bonvin aborde sa demi-finale du 400 m haies dans les mêmes dispositions que la veille, ce qui lui avait permis de réaliser le deuxième chrono sa carrière en 49″19. Affirmant qu’il s’agit là de sa finale, le Valaisan part en boulet de canon et fait jeu égal avec les meilleurs à mi-course. À cet instant, il est contraint de passer de 13 à 14 foulées à l’approche de la sixième haie et cette transition ne se déroule pas de manière fluide. Il coince même en fin de course et passe la ligne d’arrivée en 8e position en 49″75, un chrono qui ne correspond évidemment pas à ses attentes. Le triple champion suisse en titre se classe finalement 23e, avec une nouvelle précieuse expérience en poche après celles de Eugene et de Munich l’an dernier.

Meilleur chrono de la saison pour Mujinga Kambundji, mais pas de finale !
Les deux meilleures sprinteuses du pays se retrouvent en demi-finales du 100 m avec de grandes ambitions. Dans la deuxième course, Mujinga Kambundji a fort à faire, face notamment à la Jamaïcaine Shericka Jackson, à l’Américaine Sha’Carri Richardson, à l’Ivoirienne Marie-Josée Ta Lou et à la Néo-Zélandaise Zoe Hobbs. Malgré un nouveau meilleur temps de la saison en 11″04, la reine du sprint helvétique ne termine que 5e et manque la finale pour trois centièmes seulement. Son 13e rang est évidemment décevant, mais il est certain que son entrée tardive dans la saison, suite à une blessure au pied, aura été fort préjudiciable. Mujinga, souriante com me toujours, est tout de même contente de son sort : «J’ai adoré être là, l’ambiance, et tout. Si on m’avait dit il y a cinq semaines que je courrais à ce niveau, j’aurais signé tout de suite». Les 6e championnats du monde de sa carrière ont donc déjà pris fin; en effet elle ne participe pas cette année au 200 m et encore moins au relais 4 x 100 m. Quant à Géraldine Frey, elle se classe au 8e rang de la dernière demi-finale en 11″28, ce qui la place en 24e position de ce 100 m. La Zougoise a montré une belle vélocité et sa constance sera bénéfique à son équipe dès vendredi lors des séries du 4 x 100 m.

Jason Joseph fait du petit bois en finale et se retrouve loin du podium
Jason Joseph est assurément l’un des plus gros atouts de l’athlétisme suisse lors de ces championnats du monde de Budapest. Après avoir décroché son ticket pour la finale du 110 m haies en début de soirée suite à sa demi-finale conclue au 4e rang en 13″25, le Bâlois s’est pourtant qualifié de justesse au temps. En finale, le recordman suisse (13″10) se voit placé tout à l’extérieur, au couloir 9. C’est très bien, peut-être qu’il pourra exécuter une course propre sans se soucier de ses adversaires. Son départ est excellent et au moment où on se met à y croire, Joseph force le trait, touche plusieurs haies et perd totalement le rythme. Malgré un cassé à la désespérée sur la ligne d’arrivée, le Bâlois doit se contenter de la 7e place en 13″28. Fort rageant pour lui : un chrono de 13″09 a suffi dans cette finale pour obtenir la médaille de bronze. Même s’il aurait lui-même souhaité un meilleur classement et un meilleur temps, la performance de Joseph est à applaudir à sa juste valeur. En effet, le Bâlois est le tout premier sprinter suisse à se qualifier pour une finale lors de championnats du monde :«J’avais beaucoup mieux dans les jambes. Je n’ai pas réussi à le montrer, c’est un désastre !». Le champion d’Europe du 60 m haies en salle aurait pu réaliser un exploit monumental dans cette finale, c’est certain. On en veut pour preuve ses deux records suisses réussis tout juste après ces Mondiaux : un magnifique 13″08 lors de Weltklasse Zurich et un tout à fait incroyable 13″07 au cours d’un petit meeting à Bâle. La technique de Jason étant au point, il ne lui reste plus qu’à progresser sur l’aspect mental d’ici les JO de Paris…

Ditaji Kambundji très sereine en séries du 100 m haies
Ditaji Kambundji (ST Bern) est la seule Suissesse engagée le mardi 22 août. Pour sa deuxième participation à des championnats du monde après Eugene l’an dernier, la Bernoise de 21 ans termine en toute décontraction 3e de sa série en 12″71, soit le 13e meilleur temps des 43 participantes. Elle peut envisager avec confiance la suite de cette compétition, mais elle devra probablement réaliser un chrono proche de son record (12″47) pour espérer se qualifier pour la finale. Un objectif tout à fait raisonnable au vu de sa forme actuelle.

Lore Hoffmann, seule rescapée des séries du 800 m
La matinée du mercredi 23 août, le clan helvétique a l’occasion de vibrer pour sept des leurs et pas des moindres avec en premier lieu les séries du 800 m féminin. On le sait, le 800 m c’est actuellement la discipline romande par excellence avec Audrey Werro (CA Belfaux), Lore Hoffmann (ATHLE.ch) et Rachel Pellaud (Stade Genève), ceci sans compter encore sur Joceline Wind qui, suite à ses 2’02″05 de Genève en juin dernier, semblerait s’orienter également sur cette distance à l’avenir. Les séries qui se disputent à 10 heures du matin ne sont pas si évidentes que ça à aborder car il faut engager une pleine énergie et faire preuve de vigilance si on veut s’en sortir indemne. Dans la troisième série, Audrey Werro se place longtemps juste derrière les athlètes de tête et occupe une place prometteuse à l’entame de la dernière ligne droite. Hélas la championne d’Europe U20 perd de sa superbe et termine sa course sans jus en 6e position avec un chrono de 2’01″03; à la stupeur générale, s’en est déjà fini des espoirs de la Fribourgeoise ! Néophyte à ce niveau de compétition, la prodige de 19 ans se montre mitigée : «Je suis évidemment déçue car je voulais aller en demi-finale. En même temps, je suis contente : ce sont mes premiers championnats du monde et c’était pour moi une bonne expérience».
Deux courses plus tard, Rachel Pellaud doit faire face à une belle concurrence comme l’Américaine Nia Akins, la Britannique Jemma Reekie ou la Slovène Anita Horvat. Également néophyte en la matière, Rachel s’est pourtant battue avec une grande ténacité. Engagée tout du long, elle s’est bien placée aux 550 m, mais elle aussi a coincé dans la dernière ligne droite. Elle prend la 5e place de sa course en 2’01″05, soit le deuxième chrono de sa carrière. La Jurassienne est en larmes en zone mixte : «Je suis très déçue car je voulais me qualifier pour la demi-finale. Et descendre sous les deux minutes. Mon entraîneur m’a dit que j’en étais capable…».
Dans l’ultime série, Lore Hoffmann court comme à son habitude en queue de peloton, avant de remonter une à une ses concurrentes à 300 m du but. Et grâce à son finish époustouflant, elle se classe au 3e rang en 2’00″14, son meilleur chrono de la saison. Rien à dire, Lore a réalisé une belle course, même si c’est n’était pas forcément le plan imaginé à la base : «Je suis partie normalement, mais me suis retrouvée derrière. Ce n’était pas le plan. J’étais embêtée, pas aussi calme que voulu. Sur la fin, c’était très bien, surtout que j’ai réussi mon finish». Alors que bon nombre de spécialistes voyaient au moins deux Suissesses en demi-finales, le bilan de ce premier tour voit donc Lore Hoffmann être l’unique qualifiée helvétique; bravo à elle !
Les autres Suisses en lice durant cette matinée ont soufflé le chaud et le froid. Lors des qualifications du saut à la perche des hommes, Dominik Alberto (LC Zürich) a passé un mauvais moment. Le co-détenteur du record suisse, dont la meilleure performance de la saison est de 5,45 m, a dû commencer le concours à 5,35 m, hauteur à laquelle il a échoué à trois reprises.
Sur les coups de midi, Léonie Pointet (CA Riviera) réussit une très belle prestation lors des séries du 200 m. En réalisant 23″16, elle a amélioré son record personnel de sept centièmes. Grâce à cette performance, la Vaudoise a occupé durant un moment le divan de la « q room » et elle a même pu espérer une place en demi-finale. Au décompte final, il ne lui manque que quatorze centièmes et elle termine au 27e rang sur 44 participantes. Sur cette même distance, William Jeff Reais (LC Zürich) mérite aussi des félicitations suite à ses 20″50 courus dans la troisième série face au vent. Qualifié pour les demi-finales au temps, pour un centième aux dépends de l’Allemand Joshua Hartmann, le Grison est l’un des quatre Européens à avoir réussi ce bel exploit.
À l’instar d’Angelica Moser au saut à la perche, Simon Ehammer (TV Teufen) doit lui aussi prendre part à l’exercice fort périlleux des qualifications au saut en longueur. Avec seulement trois tentatives à disposition, l’Appenzellois va devoir chasser ses récentes mauvaises habitudes de sauts mordus. Heureusement ses marques sont cette fois-ci bien réglées, ce qui lui permet d’entamer son concours avec 7,90 m, puis d’assurer un excellent deuxième essai en atterrissant à 8,13 m. Cette performance se situe à deux centimètres de la qualification directe, donc il y a de fortes chances pour que cela suffise. Après avoir mordu son ultime tentative, Simon a pu constater qu’il se retrouve en cinquième position de ces qualifs, juste derrière les favoris Wayne Pinnock (8,54 m), Wang Jian’an (8,34 m), Miltiadis Tentoglou (8,25 m) et Carey McLeod (8,19 m). Le devoir est donc accompli pour le médaillé de bronze des Mondiaux de l’an dernier à Eugene. La finale qui a lieu demain s’annonce très ouverte; ainsi tout sera possible pour l’ambitieux Appenzellois.

Un nouveau morceau d’anthologie pour Angelica Moser
La finale du saut à la perche des femmes promet de nous faire passer une merveilleuse soirée, ce d’autant plus qu’Angelica Moser semble être dans une forme qu’elle n’avait plus connu depuis longtemps. Après avoir remporté de nombreux titres dans les catégories jeunesse (F.O.J.E., Jeux Olympiques de la Jeunesse, championnats d’Europe U20, championnats du monde U20 et championnats d’Europe U23), la Zurichoise était ensuite devenue championne d’Europe en salle en 2021 à Torun avec 4,75 m, puis elle avait gagné l’été venu la médaille d’or des Universiades. Mais depuis cette série tout à fait incroyable, la sauteuse d’Andelfingen a aussi dû faire face à une grave blessure en chutant lors d’un entraînement à Macolin, peu après les Jeux Olympiques de Tokyo. Enfin en automne dernier, elle avait également dû se soumettre à une opération au pied. Au vu de son récent parcours chaotique, nous sommes finalement très contents de retrouver Angelica Moser pour sa troisième finale mondiale d’affilée. Elle débute son concours en franchissant 4,30 m, puis 4,50 m au premier essai. La barre désormais placée à 4,65 m, qui sert normalement de premier écrémage, voit la Suissesse passer au deuxième essai. Toujours dans le bon wagon, avec sept autres concurrentes, Angelica doit maintenant faire face à un énorme défi : pulvériser son record personnel en plein air (ses 4,66 m réussis lors des championnats suisses 2020 à Bâle) si elle veut rester dans la course au podium. Loin d’être ridicule sur ses deux premières tentatives, la Zurichoise doit absolument y croire pour son ultime essai. Sa course est très rapide et son renversé la propulse haut dans les airs de Budapest. Elle tutoie la barre, mais elle parvient à l’esquiver énergiquement : oui, elle vient franchir magnifiquement 4,75 m ! Elles ne sont maintenant plus que six à s’élancer à 4,80 m. L’Australienne Nina Kennedy, la Finlandaise Wilma Murto et la Slovène Tina Sutej s’imposent d’entrée, alors que l’Américaine Katie Moon doit s’y reprendre à deux fois et que la Britannique Molly Caudery garde ses deux derniers essais pour la barre suivante. Après ses deux premiers échecs, Angelica Moser est donc seule en lice pour tenter une troisième fois de franchir ces 4,80 m, synonymes de record national. L’envie et la détermination y sont toujours; mais physiquement, ce concours d’un niveau prodigieux est très long. La Suissesse jette ses dernières forces dans cette tentative, mais elle échoue dans son entreprise. En faisant preuve de nerfs solides, Angelica Moser peut être fière de son périple car elle a retrouvé la classe mondiale au cours du concours le plus dense de l’histoire de la discipline. Sa cinquième place est un exploit monstrueux, qui va assurément rester en très bonne place dans l’histoire de l’athlétisme helvétique féminin. Avec les minimas olympiques en poche, il y a de quoi espérer de belles perspectives pour cette athlète qui n’est âgée que de 25 ans. Cette incroyable finale mondiale a débouché sur un événement totalement inattendu : Katie Moon et Nina Kennedy, qui avaient toutes deux franchi 4,90 m, se retrouvent en fait à égalité après avoir échoué à 4,95 m. À l’instar de ce qui s’était passé lors des Jeux Olympiques de Tokyo entre les sauteurs en hauteur Mutaz Barshim et Gianmarco Tamberi, les deux jeunes femmes se sont elles aussi entendues pour remporter chacune la médaille d’or, sans passer par d’immanquables cruels barrages.

Ditaji Kambundji réussit là où sa sœur avait échoué
«Dans la famille Kambundji, je choisis la grande sœur». Tel serait logiquement le vœux de M & Mme Tout-le-monde en Suisse; et ce ne serait de loin pas faux. Mais les connaisseurs de l’athlétisme suisse savent qu’il devient de plus en plus judicieux de demander plutôt la carte de la plus jeune de quatre sœurs Kambundji : Ditaji ! En effet, à l’issue des demi-finales qui se sont disputées ce soir à Budapest, la Bernoise de 21 ans se retrouve en finale du 100 m haies avec le cinquième meilleur chrono ! En courant en 12″50 lors de la première demi-finale, la championne d’Europe U23 a pris la troisième place derrière l’Américaine Kendra Harrison (12″33) et la Bahaméenne Devynne Charlton (12″49); elle s’assure ainsi au temps l’une des deux places de finalistes disponibles. Son passage dans la « q room » a certes été stressant, mais il a débouché sur une très belle satisfaction en étant la seule Européenne qualifiée pour la finale. Elle réussit également là où sa grande sœur Mujinga avait échoué lundi sur 100 m. Il s’agit là d’un réel exploit pour Ditaji, qui a pris une nouvelle fois de l’envergure en fournissant une performance de haut niveau au moment décisif. Rendez-vous dans 24 heures pour une finale qui s’annonce explosive…

Ça ne passe pas pour Jonas Raess sur 5000 m
Jeudi 24 août, la 6e journée des Mondiaux de Budapest était très attendue du côté Suisse, avec la finale du saut en longueur masculine et celle du 100 m haies féminin. Mais avant de vivre ces deux grands moments, le clan helvétique doit encourager les efforts de Jonas Raess (LC Regensdorf) lors des séries du 5000 m. Le Zurichois a fait preuve d’une tactique de bonne qualité en courant longtemps au milieu du peloton, tout en occupant une position prometteuse. Sachant que les huit premiers se qualifient pour la finale de dimanche, il a longtemps pu croire en sa bonne étoile. Hélas son aventure s’est quelque peu étiolée dans l’avant-dernier tour, quand il a perdu le contact avec les coureurs de tête. Jonas Raess passe l’arrivée en 12e position de sa série en 13’37″84, pour une 22e place en tout. Il aurait dû courir quatre secondes plus vite pour atteindre la finale. Le Zurichois s’est néanmoins réjoui d’une course réussie à 99%. Sa bonne forme éclatera vraiment deux semaines plus tard à Zagreb, où il battra en 7’35″12 le vieux record suisse du 3000 m qui appartenait depuis 1979 à Markus Ryffel en 7’41″00.

Le très mauvais film de Simon Ehammer
Il est 19:30 à Budapest, c’est donc l’heure de la finale du saut en longueur des hommes. Simon Ehammer, médaillé de bronze l’an dernier à Eugene, reste le plus grand espoir de médaille pour notre pays. Mais la tension dans le camp suisse est à son comble car on espère que les marques de l’Appenzellois vont être précises à la hauteur de l’événement. Il ne s’agit donc pas faire une… « Simon Ehammer », c’est-à-dire trois essais nuls comme ce fut le cas à Istanbul cet hiver ou à Götzis ce printemps. Ça commence très fort avec Miltiadis Tentoglou qui saute 8,50 m au premier essai, une performance égalée par Wayne Pinnock à sa deuxième tentative. Ce dernier fait d’ailleurs figure d’épouvantail, au même titre que ses deux compatriotes Carey McLeod et Tajay Gayle, qui sont mesurés à 8,27 m et 8,17 m au deuxième essai. La barre est placée relativement haute pour le Suisse, qui doit prendre des risques tout en assurant le coup. Dans ce dilemme peu évident à gérer, Simon est malheureusement à côté de la plaque; ou plutôt, de la planche. Si son premier saut est mordu nettement, sa seconde tentative frôle l’exploit. C’est allé très loin dans le sable, mais l’incertitude règne quant à la validité de son appel. Le verdict des juges finit par tomber : le saut est déclaré nul, pour sept millimètres seulement ! Pendant longtemps, la confusion règne quant à la validité de cet essai, car aucune empreinte n’est visible sur la bande de bois qui remplace désormais la plasticine après la poutre. Cependant la mesure électronique en dit autrement car, selon le nouveau règlement de World Athletics, c’est le bout de la chaussure de Simon qui en basculant a franchi le plan limite de la planche d’appel. Incrédule, puis révolté contre cette décision, Simon Ehammer se renfrogne dans un sentiment d’injustice. Et cette période de flottement, débouchant sur une totale frustration risquerait même d’être préjudiciable au moment de réaliser son troisième essai. Remis dans sa bulle, mais le dos au mur, le choix de Ehammer est maintenant cornélien : faut-il prendre des risques et advienne que pourra ? Ou alors faut-il reculer suffisamment les marques pour assurer une performance, mais au risque que ce soit un peu trop court ? Avec toute la bonne volonté du monde, c’est la seconde solution qui se produit pour Simon. Son appel est trop loin du bout de la planche et le saut n’est mesuré qu’à 7,87 m. Le coup d’oeil au classement est vite fait : l’Américain William Williams pointe actuellement au 8e rang après les trois premiers sauts avec 7,94 m… Par manque de chance, et pour quelques malheureux millimètres, le Suisse voit son château de cartes s’écrouler en étant banni du top-8 : «C’est très frustrant, surtout quand je vois la distance qu’il a fallu pour la médaille de bronze. Mais les règles sont claires : c’est de ma faute. J’ai cru être dans un mauvais film. Ce qui s’est passé n’est pas digne de ce que je sais faire». Il s’agit là d’une énorme déception, pour l’athlète en premier lieu, mais aussi pour son entourage, pour la fédération suisse et aussi pour ses nombreux supporters. On apprend toujours dans l’adversité, dit-on; si ça devait vraiment être le cas, on va retrouver un Simon Ehammer plus que conquérant en 2024.
Pas content et totalement frustré lui aussi, William Jeff Reais n’a pas réussi sa demi-finale du 200 m comme il l’avait espéré. En courant en 20″67, il n’a pu faire mieux que 8e dans la troisième demi-finale. Le champion suisse, qui avait couru 20″50 la veille lors des séries (de surcroît avec un vent contraire de 1,4 m/s) avait une belle occasion d’améliorer ses 20″38 réalisés il y a trois semaines lors du meeting CITIUS à Berne. Ce ne fut pas le cas et il se retrouve à la 21e place finale de ce 200 m mondial.

Ditaji Kambundji dans la cour des meilleures mondiales sur 100 m haies
À 21 ans, Ditaji Kambundji possède un palmarès déjà fort bien fourni sur les haies hautes. Médaillée de bronze au F.O.J.E. en 2019 à Baku, championne d’Europe U20 en 2021 à Tallinn, médaillée de bronze aux championnats d’Europe en 2022 à Munich, médaillée de bronze aux championnats d’Europe en salle en 2023 à Istanbul, championne d’Europe U23 en 2023 à Espoo et, tout récemment, nouvelle recordwoman suisse en 12″47 lors du meeting CITIUS à Berne. Que dire, si c’est qu’elle aurait dû être encore championne du monde U20 à Nairobi sans une malencontreuse chute en finale. Il n’y a qu’Angelica Moser qui peut prétendre à mieux et Noemi Zbären qui peut rivaliser avec un palmarès quasiment similaire. Dans une finale plus ouverte qu’elle n’y paraît, le niveau chronométrique des huit finalistes n’est pas aussi performant qu’en demi-finales. L’or est remporté par la Jamaïcaine Danielle Williams en 12″43 devant la Portoricaine Jasmine Camacho-Quinn en 12″44 et l’Américaine Kendra Harrison en 12″46. Pour sa première finale mondiale, Ditaji réussit une très bonne course, mais pas aussi étincelante qu’imaginée. Son départ a été moins flashy que ceux de ces derniers jours, avec pour conséquence de ne jamais vraiment être au contact des cadors de la discipline. Créditée de 12″70, le cinquième chrono de sa carrière, Ditaji Kambundji se classe au 7e rang, juste derrière la recordwoman du monde, la Nigériane Tobi Amusan (12″62). Après la finale, la Bernoise se présente tout sourire en zone mixte et fait part de ses bonnes impressions : «C’est OK comme ça. Il y a encore quelques semaines, ce temps m’aurait comblée. J’ai eu un plaisir incroyable à courir aujourd’hui, avec tout ce monde. Cette course donne vraiment envie en vue de l’année olympique. Je n’ai que 21 ans et je peux encore m’améliorer dans beaucoup de domaines».

Le relais 4 x 100 m féminin passe en finale
Les deux relais helvétiques du 4 x 100 m entrent en piste le vendredi 25 août. Chez les hommes, l’équipe a été repêchée sur le tard pour faire partie des 16 équipes invitées aux Mondiaux. Suite au désistement de Silvan Wicki (BTV Aarau) et Timothé Mumenthaler (Stade Genève), tous deux diminués, Patrick Saile a pu composer le relais suivant : Pascal Mancini (FSG Estavayer), Bradley Lestrade (Lausanne-Sports), Felix Svensson (Versoix Athlétisme) et Enrico Güntert (LC Schaffhausen). Dans la deuxième série, ce quatuor termine au 7e rang en 38″65, pour la 11e place de cette compétition, ce qui est une belle satisfaction. Il leur aurait fallu un chrono de 38″19 pour décrocher le dernier ticket pour la finale.
Surnommées les « Red Jets », les sprinteuses du relais 4 x 100 m féminin a su tirer son épingle du jeu sur la piste du National Athletics Centre. Lors des séries, l’équipe composée de Natacha Kouni (LC Zürich), Salomé Kora, Géraldine Frey et Melissa Gutschmidt (Lausanne-Sports) a bouclé son tour de piste dans l’excellent chrono de 42″64, ce qui représente un nouveau meilleur temps national de la saison. En terminant au 3e rang derrière la Jamaïque et la Grande-Bretagne, l’équipe suisse coachée par Peter Haas et Raphaël Monachon peut se réjouir d’une belle qualification (Q) pour la finale de samedi soir. Il s’agit là d’une excellente performance, si l’on songe que Mujinga Kambundji manquait à l’appel. Les Suissesses ont réalisé le 7e chrono des 16 nations engagées et elles vont ainsi se retrouver pour la cinquième fois d’affilée dans une finale planétaire, après Londres en 2017 (5e en 42″51), Doha en 2019 (4e en 42″18), Tokyo en 2021 (4e en 42″08) et Eugene en 2022 (7e en 42″81). Avec Angelica Moser à la perche, Jason Joseph au 110 m haies, Simon Ehammer en longueur et Ditaji Kambundji au 100 m haies, les sprinteuses ont obtenu pour la Suisse à Budapest une quatrième place en finale.

La finale du 800 m se refuse encore une fois à Lore Hoffmann
Seule Suissesse rescapée du premier tour sur 800 m, Lore Hoffmann espère bien atteindre son objectif : se qualifier pour sa première finale mondiale. Pour cela, une course parfaite doit être réalisée par la Sierroise. Son début de course est bon, au contact du peloton au rabattement. C’est à ce moment-là que les choses se compliquent car aucune des favorites ne veut prendre les choses en main et la course ralentit, annihilant ainsi tout espoir de repêchage au temps. Tout va donc se jouer dans l’emballage final, avec seulement deux places qualificatives dans un peloton qui compte au moins trois sérieuses prétendantes au podium final. Lore a entamé sa remontée dans la ligne droite opposée du second tour, puis elle se lance dans le vif de la bagarre à 200 m de la ligne d’arrivée. Elle remonte par l’extérieur dans le virage, au prix de plusieurs mètres supplémentaires. À 80 m du terme, c’est elle qui semble aller le plus vite; elle revient encore, mais pas suffisamment. Sur la ligne, c’est seulement la 5e place en 2’01″05, devant la vice-championne d’Europe Rénelle Lamotte et à une demi-seconde de la deuxième place qualificative de la médaillée mondiale et olympique américaine Raevyn Rogers. Pour la troisième fois d’affilée après Tokyo en 2021 et Eugene en 2022, Lore Hoffmann manque de peu une finale de niveau mondial : «À la fin, j’ai tout donné, mais c’était déjà trop tard», a-t-elle déclaré, déçue. Le niveau de performance de ce 800 m à Budapest a été vraiment impressionnant. Les trois Suissesses se sont montrées dans un contexte tactique particulier et ça n’a pas entièrement fonctionné. En revanche au niveau du chronomètre, ces trois mêmes athlètes vont réussir un morceau de bravoure dix jours plus tard lors du 800 m de Bellinzone et ça s’est soldé par des performances de tout premier choix : 1’58″13 pour Audrey Werro, 1’58″73 pour Lore Hoffmann et 1’59″40 pour Rachel Pellaud !

Un relais 4 x 400 m féminin prometteur
La soirée du samedi 26 août, à guichets fermés, est une sorte de gala final pour ces championnats du monde de Budapest, dont on peut d’ores et déjà dire qu’ils auront été d’une excellente cuvée, tant sur le plan mondial qu’helvétique. Histoire de terminer l’expédition en beauté, la Suisse présente deux relais féminins lors de ce bouquet final : le 4 x 400 m lors des séries et le 4 x 100 m lors de la finale. Le relais 4 x 400 m participe pour la troisième fois consécutive à des championnats du monde à Budapest. Après avoir fait sensation en finale l’an dernier à Eugene, les Suissesses n’ont pas réussi cette année à rééditer ce même exploit. Giulia Senn, Julia Niederberger, Rachel Pellaud et Catia Gubelmann (TV Unterstrass) ont eu affaire à des équipes bien plus fortes qu’en Oregon et elles ont dû se contenter d’un temps de 3’29″07 qui leur donne la 6e place dans leur série, pour un 12e temps final. Au niveau des chronos, il faut avant tout mettre en exergue le fabuleux deuxième relais de la vice-championne suisse Julia Niederberger, chronométrée lancée sous les 51 secondes (50″97). Giulia Senn a été créditée d’un 53″11 départ arrêté, alors que Rachel Pellaud a couru en en 51″96 et Catia Gubelmann en 53″03. Cette équipe est très jeune et l’avenir, en tout cas sur le plan européen, semble prometteur. On le constatera certainement du côté de Rome en 2024.

Une finale malheureusement ratée pour le relais 4 x 100 m féminin
Les 30000 spectateurs en ont eu pour leur argent au cours de cette soirée, qui se termine pour la Suisse avec son fameux relais 4 x 100 m féminin. Autour de Salomé Kora, la seule du team à avoir couru lors des quatre dernières finales mondiales, l’équipe suisse veut croire en sa bonne étoile à ce stade de la compétition. Pour cela il a été décidé de tendre les marques et d’avoir confiance à la technique de passage si souvent travaillée à l’entraînement. Dans une ambiance de folie, Natacha Kouni réalise un excellent virage. On la voit arriver à toute allure en direction de Salomé Kora, qui visiblement se met en action très tôt. La Zurichoise tente de rattraper la Saint-Galloise, mais tout cela prend du temps, trop de temps. Finalement le témoin est transmis, mais apparemment hors zone. On verra bien plus tard la décision des juges car Salomé réalise maintenant une très belle ligne opposée. Ça se passe nettement mieux avec Géraldine Frey, qui exécute un virage d’anthologie pour ensuite donner le témoin à la perfection à Melissa Gutschmidt. Cette dernière engage toute sa vélocité dans la dernière ligne droite pour terminer au 7e rang en 43″24. Alors que les Suissesses arrivent en zone mixte encore essoufflées, l’inéluctable sentence tombe : Elles sont disqualifiées pour un passage en dehors de la zone de transmission. C’est bien dommage, mais dans ce contexte tendu et nerveux à souhait, la moindre faute ne pardonne pas. Au lieu de s’apitoyer, on préfère en fin de compte rester sur la très bonne impression laissée lors des séries et espérer aussi un tout petit peu plus de réussite en 2024 à Rome et à Paris.
Les championnats du monde se terminent pour la Suisse le dimanche 27 août avec le marathon de Simon Tesfay (LC Uster). Ce coureur de 38 ans d’origine érythréenne a obtenu la nationalité suisse le 1er février dernier, pas moins de dix-neuf ans après son arrivée en Suisse. Alors qu’il rêve des Jeux Olympiques de Paris, le Zurichois d’adoption a la possibilité de se tester efficacement dans les rues de Budapest. Pour cela il s’est préparé à Saint-Moritz avec Tadesse Abraham et il a même reçu des conseils avisés de la part de Viktor Röthlin. Malheureusement ce dimanche matin passé sur les bords du Danube ne sera pas gravé d’une pierre blanche pour lui. Malgré un départ à 7:00, il fait déjà très chaud sur la capitale hongroise. Eh oui, Hongrie à Budapest… Calé à l’arrière du peloton, le Néo-Suisse a bien tenté de s’accrocher. Il pointe au 69e rang à mi-parcours, avant de donner des premiers signes de fatigue. Diminué par des douleurs à une hanche, Simon doit même s’arrêter brièvement après 75 minutes de course. Il reprend courageusement son effort mais, visiblement à bout de forces, il doit se rendre à l’évidence que son périple est voué à l’échec. Après 32 kilomètres d’efforts, son aventure se termine par un jet d’éponge vers la bien-nommée « Place des Héros ». Simon n’en peut vraiment plus : «La chaleur… il faisait beaucoup trop chaud !».

Le bilan de Philipp Bandi
Sur le site Internet de Swiss Athletics, on peut lire avec plaisir et attention le bilan de Philipp Bandi, le chef de sport de performance de l’athlétisme suisse : «Cinq qualifications pour la finale dans le sport mondial qu’est l’athlétisme sont une belle réussite pour la Suisse. Le positif l’emporte». Le technicien Bernois de 46 ans ne cache pas qu’il espérait un ou deux exploits de plus : «Les attentes ont augmenté année après année, à chaque nouveau succès en grands championnats. Le fait que certains d’entre-nous ne soient pas complètement satisfaits parle pour les grandes ambitions de notre jeune équipe». Les grands moments suisses que Bandi souligne sont la 5e place et le record personnel de la perchiste Angelica Moser ainsi que les qualifications pour la finale de la hurdleuse Ditaji Kambundji et du relais de 4 x 100 m féminin : «Angelica et Ditaji ont une nouvelle fois montré à quel point elles sont fortes en grand championnat. Entrer en finale sans les finalistes olympiques Mujinga Kambundji et Ajla Del Ponte montre aussi l’impressionnante densité de performance du sprint suisse féminin». La qualification du spécialiste de haies hautes Jason Joseph, première historique pour un sprinter suisse masculin, représente selon Bandi aussi un succès : «Je suis également ravi que Jason en veuille encore plus». Ces championnats du monde de Budapest ont montré à quel point l’équipe nationale est largement représentée : «Nous avons subi plus de contre-coups cette année que les précédentes». Le retrait de la compétition pour cause de maladie d’Annik Kälin, les millimètres en défaveur de Simon Ehammer ou la préparation difficile de Mujinga Kambundji ne sont que quelques exemples. «Même au plus haut niveau mondial, nous disposons désormais d’une densité suffisante pour être en mesure de supporter les contre-coups».
Le chef de sport de performance de Swiss Athletics a toutes les raisons de regarder avec confiance en direction de l’avenir. Il souligne un autre aspect important : «Notre équipe à Budapest avait un âge moyen de 25 ans, ce qui est très jeune. Les finalistes sont mêmes plus jeunes encore. Les perspectives ne sont pas seulement très bonnes pour la saison à venir, mais excellentes jusqu’aux Jeux Olympiques de Los Angeles en 2028 et même au-delà».
À cela s’ajoute que les jeunes talents ont eux aussi su convaincre cet été. En tout, pas moins de 12 médailles ont été remportées par la Suisse aux récents championnats d’Europe U20 à Jérusalem et U23 à Espoo, dont un lot complet de médailles en relais. Cela indique également dans quelle mesure les bases sont solides pour de nouvelles réussites helvétiques en grands championnats.
Il est cependant important aussi pour Philipp Bandi de souligner que la poursuite du développement positif de notre sport ne signifie en aucune façon que Swiss Athletics et tout le mouvement de l’athlétisme suisse puisse désormais se reposer sur ses lauriers : «Nous nous sommes tous mis au défi – et même plus que jamais», explique Bandi. Pour accompagner les jeunes prometteurs aux sommets de l’élite mondiale, nous avons besoin de plus d’entraîneurs qui peuvent soutenir au quotidien les athlètes. «La professionnalisation dans le domaine de l’entraînement est un facteur décisif pour assurer le succès à long terme».
La professionnalisation au meilleur niveau doit se faire main dans la main avec le renforcement du travail de base fait à majorité bénévolement au sein des clubs. Les offres d’entraînement au sein des centres nationaux de performance ont joué un rôle d’importance dans ce processus. Ces derniers ont pour tâche, par leurs offres d’entraînements, de compléter celles des clubs et par suite d’alléger ceux-ci, explique Bandi : «Nous travaillons actuellement de manière intensive à l’optimisation de nos centres nationaux de performance. Ils sont le lieu où nous pouvons canaliser les forces et avancer dans le sens de la professionnalisation».

PAB

Résultats

Hommes
200 m : 21. William Reais (LC Zürich) 20″50 en séries et 20″67 en demi-finales
400 m : 33. Lionel Spitz (Adliswil Track Team) 45″69 en séries
1500 m : 25. Tom Elmer (LC Zürich) 3’55″72 en séries et 3’38″33 en demi-finales
5000 m : 22. Jonas Raess (LC Regensdorf) 13’37″84 en séries
110 m haies :   7. Jason Joseph (LC Therwil) 13″28 / 13″38 en séries et 13″25 en demi-finales
26. Finley Gaio (SC Liestal) 13″61 en séries
400 m haies : 23. Julien Bonvin (CA Sierre) 49″19 en séries et 49″75 en demi-finales
30. Dany Brand (LC Zürich) 49″69 en séries
Perche : Dominik Alberto (LC Zürich) 0,00 m en qualifications
Longueur :   9. Simon Ehammer (TV Teufen) 7,87 m / 8,13 m en qualifications
Marathon : Simon Tesfay (LC Uster) DNF
4 x 100 m : 11. Pascal Mancini (FSG Estavayer) / Bradley Lestrade (Lausanne-Sports) / Felix Svensson
(Versoix Athlétisme) / Enrico Güntert (LC Schaffhausen) 38″65 en séries
Femmes
100 m : 13. Mujinga Kambundji (ST Bern) 11″08 en séries et 11″04 en demi-finales
24. Géraldine Frey (LK Zug) 11″26 en séries et 11″28 en demi-finales
47. Salomé Kora (LC Brühl) 12″18 en séries
200 m : 27. Léonie Pointet (CA Riviera) 23″16 en séries
400 m : 38. Giulia Senn (LC Zürich) 52″66 en séries
800 m : 20. Lore Hoffmann (ATHLE.ch) 2’00″14 en séries et 2’01″05 en demi-finales
34. Audrey Werro (CA Belfaux) 2’01″03 en séries
35. Rachel Pellaud (Stade Genève) 2’01″05 en séries
1500 m : 53. Joceline Wind (Biel/Bienne Athletics) 4’14″86 en séries
100 m haies :   7. Ditaji Kambundji (ST Bern) 12″70 / 12″71 en séries et 12″50 en demi-finales
400 m haies : 27. Yasmin Giger (LC Zürich) 56″16 en séries
Perche :   5. Angelica Moser (LC Zürich) 4,75 m / 4,65 m en qualifications
Heptathlon : Annik Kälin (AJ TV Landquart) Abandon (13″36 – 1,71 m – DNS)
4 x 100 m : Natacha Kouni (LC Zürich) / Salomé Kora / Géraldine Frey / Melissa Gutschmidt (Lau-
sanne-Sports) DQ / 42″64 en séries
4 x 400 m : 12. Giulia Senn / Julia Niederberger (LA Nidwalden) / Rachel Pellaud / Catia Gubelmann
(LAC TV Unterstrass) 3’29″07 en séries
Mixte
4 x 400 m : 11. Lionel Spitz / Giulia Senn / Ricky Petrucciani (LC Zürich) / Julia Niederberger 3’14″38
en séries

 

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Photos : ATHLE.ch + Screenshots TV (RTS Sport)

 

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