Les treizièmes championnats du monde se déroulent du 27 août au 4 septembre 2011, à Daegu. Il s’agit de la troisième édition sur sol asiatique après Tokyo en 1991 et Osaka en 2007. Pas moins de 1945 athlètes, provenant de 199 pays, sont inscrits, ce qui démontre pleinement l’universalité de l’athlétisme. Pour la première fois dans l’histoire de cette compétition planétaire, la totalité des athlètes vont faire l’objet de prélèvements sanguins, en plus des 500 contrôles urinaires prévus. Suite aux scandales de Paris 2003, l’I.A.A.F. semble enfin décidée à faire le grand ménage.
Après les douze premières éditions de ces championnats du monde, la Suisse occupe un honnête 34e rang avec ses sept podiums (4-0-3), devant le Japon, le Brésil ou les Pays-Bas, mais derrière les Bahamas ou Bahreïn. Dans ce concert hautement concurrentiel, les athlètes suisses vont pourtant devoir se surpasser pour exister à Daegu. Bien que l’opération « Swiss Starters » – en vue des championnats d’Europe 2014 à Zürich – soit bel et bien en route, on peine à retrouver une délégation helvétique aussi compétitive que par le passé. Ainsi pour espérer voir quelques bons moments, on va devoir compter sur le talent de deux jeunes : la hurdleuse de 22 ans Lisa Urech et de la sauteuse en longueur de 23 ans Irene Pusterla.

Irene Pusterla, la nouvelle star suisse aux grosses ambitions
La compétition débute le samedi 27 août avec Reto Amaru Schenkel (LC Zürich) à l’occasion des séries du 100 m des hommes. Ses excellents 10″19 réussis un mois plus tôt à Fribourg lui donnent quelques espoirs de voir les portes des quarts de finales s’entrouvrir. Dans la foulée du Jamaïcain Michael Frater, il doit cependant déchanter avec un quatrième rang dans la septième série, avec 10″44 face à 1,2 m/s de vent, ce qui le place à trois centièmes de la qualification au temps.
De son côté, Irene Pusterla (VIGOR Ligornetto) est à pied d’œuvre pour les qualifications du saut en longueur. Depuis son record suisse de l’an dernier à Lugano, lorsqu’elle avait effacé des tablettes la légendaire Meta Antenen avec un saut à 6,76 m, la Tessinoise est devenue une véritable star dans notre pays. Cet hiver elle avait enchaîné avec un autre record suisse à Paris avec 6,71 m en salle. Mais c’est bien cet été qu’elle est parvenue à passer un nouveau cap avec trois nouveaux records nationaux, tous réussis sur le sautoir apparemment magique du stadio Communale de Chiasso. Le jeudi 23 juin, deux jours après son 23e anniversaire, Irene a été mesurée à 6,77 m à son deuxième essai, puis à un fantastique 6,81 m lors de son ultime tentative. Mieux, il y a une semaine lors d’un dernier test, Irene Pusterla a battu pour la quatrième fois de sa carrière le record de suisse du saut en longueur en réalisant lors de son cinquième essai un nouveau saut de folie mesuré à 6,84 m. Avec ce bond, elle devient la quinzième meilleure sauteuse de la planète cette saison, la dixième en Europe. Comme un maximum de trois athlètes par pays sont autorisées à concourir aux Mondiaux, la Tessinoise peut légitimement ambitionner de se hisser en finale à Daegu. Elles sont trente-cinq athlètes en ce 27 août à prendre part aux qualifications du saut en longueur, dont la limite pour entrer en finale a été fixée à 6,75 m. Dans cet exercice hautement périlleux, il ne faut pas manquer son entrée. On aurait pu croire que ce serait très facile pour Irene; hélas en réalité, Daegu ce n’est pas Chiasso ! Le contexte météo et surtout la tension que procure un tel concours ont eu raison de la Tessinoise, qui saute 6,34 m au premier essai, puis 6,22 m au deuxième et 6,21 m lors du saut de la dernière chance. Le rêve tourne au cauchemar pour Irene qui se voit éliminée avec un 19ème rang. C’est extrêmement dommage pour elle car il y avait la place pour atteindre cette finale tant convoitée. Le fait de voir d’autre filles se rater comme la Nigériane Blessing Okagbare (6,36 m), la Britannique Shara Proctor (6,34 m) ou la Française Éloyse Lesueur (6,22 m) ne changera rien à sa déception, bien compréhensible. Cette expérience dans le cadre d’une compétition réunissant le top niveau mondial ne pourra que lui être bénéfique au moment d’aborder sa quête olympique de Londres.

Nicole Büchler égale le record suisse du saut à la perche
Dimanche 28 août, on retrouve trois athlètes suisses dans l’arène surchauffée du Daegu Stadium. Sur 110 m haies, Andreas Kundert (LC Brühl) doit faire face à une forte concurrence dans la première série, face notamment au Chinois Liu Xiang, au Britannique Andrew Turner, au Jamaïcain Richard Phillips ou au jeune et prometteur Russe Sergei Shubenkov. Le champion suisse termine septième en 13″87, soit loin de son record personnel établi en 2008 à Lucerne avec 13″41.
Nicole Büchler (ST Bern) et Ana Katharina Schmid (ST Bern) affrontent quant à elles l’élite mondiale du saut à la perche, où la qualification pour la finale est fixée à 4,60 m. Dans le groupe A, Schmid franchit toutes ses barres au premier essai jusqu’à 4,40 m, mais elle bute à trois reprises face aux 4,50 m synonymes de record suisse égalé. En parallèle mais dans le groupe B, Büchler débute bien avec 4,10 m et 4,25 m au premier essai, mais il lui faut trois tentatives pour franchir 4,40 m. Le « money time » du concours se déroule à 4,50 m; en passant à son premier saut, les chances de qualification auraient été grandes; mais ce n’est qu’au troisième essai qu’elle franchit cette hauteur. Malgré un joli record suisse égalé, cela ne suffit pas pour passer en finale. Nicole Büchler termine ces qualifications au 16e rang avec ses 4,50 m et Anna Katharina Schmid juste un rang derrière avec 4,40 m.

La souffrance de Marie Polli sur 20 km marche
Après une journée off pour l’équipe suisse, on s’attendait à voir Sabine Fischer (LC Rapperswil-Jona) prendre part aux séries du 5000 m. Hélas la Saint-Galloise ressent des douleurs au pied gauche et les derniers tests qu’elle a passé ont déterminé qu’il serait mieux de s’abstenir de courir. Il faut donc attendre le mercredi 31 août pour encourager une autre athlète suisse, en l’occurrence Marie Polli (SAL Lugano) au 20 km marche. La championne suisse espère classement dans le top-20, mais les conditions atmosphériques (32°C et 70% d’humidité) ont très vite compliqué sa tâche. La Tessinoise cale à la mi-course déjà et semble en totale perdition. Bien qu’elle ait mis dix minutes de plus que ses standards habituels pour achever son pensum, elle a été fort courageuse en faisant preuve d’abnégation : «J’ai essayé de changer de rythme, mais je n’y arrivais pas. J’avais les jambes très lourdes, mal à l’estomac et de la peine à boire. Mais abandonner ne fait pas partie de mon répertoire !». Le visage livide, Marie Polli se classe 35e sur cinquante partantes en 1:40’25, son pire résultat international.

Reto Amaru Schenkel passe un tour sur 200 m
Vendredi 2 septembre, les meilleurs sprinters suisses sont en lice sur 200 m où, il faut bien le reconnaître, leur tâche sera compliquée, quand bien même ils figurent tous trois dans le top-12 européen. C’est Marc Schneeberger (TV Länggasse) qui ouvre les feux face notamment à l’Américain Walter Dix et au champion du monde 2003 du 100 m Kim Collins. Le Bernois, chef dans une entreprise, a préparé ses Mondiaux à Shanghai où il était en voyage d’affaire. Ce léger avantage n’a pas suffi pour passer en demi-finales car avec ses 20″81, il lui manque onze centièmes pour passer au temps. Dans la quatrième course, Alex Wilson (Old Boys Basel) passe à travers son sujet et sombre en 21″25. Quant à Reto Amaru Schenkel, il saisit sa chance d’avoir tiré une série assez facile, ce qui lui permet de terminer troisième en 20″77 et de se qualifier ainsi pour la suite de la compétition. Le soir, face à Usain Bolt & Co, le Zurichois flanche en 21″18, ce qui le classe à une satisfaisante 20e place finale de ce 200 m.

Lisa Urech, l’autre star de l’équipe suisse
Cette journée de vendredi voit également l’apparition sur la piste rapide de Daegu de Lisa Urech (SK Langnau). À l’instar d’Irene Pusterla, la Bernoise possède une belle carte à jouer sur 100 m haies. En effet les superbes 12″62 de son record suisse, réalisés le 3 juillet dernier à La Chaux-de-Fonds, la font débarquer en Corée du Sud avec le sixième chrono mondial ! Son entraîneur, l’Allemand Sven Rees, est même dithyrambique sur sa protégée : «Pour moi, Lisa est bien la championne du futur». Il faut pourtant savoir garder à l’esprit que les 1000 m d’altitude de la piste du stade de la Charrière, avec 0,5 m/s de vent favorable, ce ne sont pas les conditions que Lisa va rencontrer à Daegu. Et effectivement lors de sa série du 100 m haies, il souffle un vent contraire de 1,6 m/s qui la freine nettement dans ses ardeurs. Elle sauve l’essentiel en se qualifiant à la place pour les demi-finales en terminant en quatrième position en 13″16.
Le lendemain, Lisa Urech aborde la course la plus importante de sa carrière jusqu’à présent. Mais le mode de qualification est pointu : les deux premières de chacune des trois demi-finales se qualifient, plus les deux meilleurs chronos. La Bernoise se trouve dans la première course, où il s’agit de prendre la mesure de la Canadienne Phylicia George ou de l’Américaine Kellie Wells afin d’assurer un ticket pour la finale. Auteur d’une course solide, Lisa met tout son talent dans la bagarre. Mais ses deux adversaires sont également en forme et elles la devancent en 12″73 et 12″79. Urech est à créditer d’une bonne performance avec ses 12″86 (-0,1 m/s). Hélas le vent n’a pas joué en sa faveur puisque dans les deux autres courses, une légère brise dans le dos a permis à la Russe Tatyana Dektyareva (12″76) et à la Canadienne Nikkita Holder (12″84) de prendre les deux places qualificatives au temps. Lisa Urech est donc la première non-qualifiée pour la finale : «Je finis au moins en beauté. Ma course a été agressive et mieux rythmée que la veille. J’ai retrouvé la constance qui doit accompagner ma progression. J’aurais voulu aller en finale, mais j’ai la satisfaction d’avoir enfin pu évoluer à mon niveau dans une grande compétition».

Les relais 4 x 100 m pour sauver la mise
L’athlétisme suisse termine sa campagne en Corée du Sud avec les deux relais du 4 x 100 m. Chez les femmes, l’équipe composée de Clélia Reuse (CABV Martigny), Jacqueline Gasser (BTV Chur), Ellen Sprunger (COVA Nyon) et Lea Sprunger (COVA Nyon) termine 14e des séries en 44″04. Cette course laissera certainement un souvenir important dans la mise en place du projet du coach Laurent Meuwly, comme en témoigne Lea Sprunger : «Que du bonheur ! Malgré des passages imparfaits, on a prouvé que notre record national (43″90) n’était pas dû au hasard. On a poursuivi l’apprentissage et à l’avenir, on ne peut aller que plus vite». Quant au relais masculin, l’aventure s’est achevée en queue de poisson pour Pascal Mancini (Stade Genève), Reto Amaru Schenkel, Alex Wilson et Marc Schneeberger. Ils voulaient décrocher la lune, mais ils n’ont finalement pas franchi la ligne d’arrivée. Trop fébriles, Schenkel et Wilson n’ont jamais pu se passer le témoin.

PAB

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