TIMELINE | L’épopée des athlètes suisses aux championnats du monde | Edmonton 2001 Pour les athlètes suisses, atteindre la limite pour les championnats du monde représente une sorte de Saint Graal car cette compétition est assurément l'un des deux summums de l'athlétisme mondial. ATHLE.ch «VINTAGE propose de revivre en détail l'épopée des athlètes suisses au cours des dix-neuf éditions de ces Mondiaux. La huitième édition des championnats du monde s'est disputée du 3 au 12 août 2001 à Edmonton.

Les championnats du monde d’athlétisme font halte pour la toute première fois en huit éditions sur le continent nord-américain. À Edmonton, la capitale de l’Alberta, l’I.A.A.F. espère conquérir un marché qui est quasi inexistant pour eux.  Il faut dire que là-bas, le public est capable de vibrer pour les Oilers, leur club de hockey en NHL, mais pas forcément pour l’athlétisme. Les audiences au cours des différentes sessions de cette compétition seront effectivement décevantes. Lors de son traditionnel congrès d’avant championnats du monde, l’I.A.A.F. a pris de nouvelles décisions. La principale est l’acceptation d’un seul faux-départ dans les épreuves d’une distance inférieure ou égale à 400 m. Ainsi, à partir de 2003, tout athlète qui provoquera un autre rappel, même s’il n’est pas l’auteur du premier, sera éliminé. Par ailleurs, l’I.A.A.F. a décidé de supprimer sa propre commission d’arbitrage pour directement s’adresser au Tribunal Arbitral du Sport (T.A.S.) dans tous les cas de litige. L’I.A.A.F. a également décidé de faire signer un accord aux athlètes qui stipule que ces derniers acceptent de se plier à ces règles. Ces deux nouvelles propositions, ont pour but d’établir une juridiction claire qui permette de prendre des décisions plus rapides en évitant les recours interminables. Enfin l’I.A.A.F. informe qu’elle distribuera plus de 12 millions de francs de primes à Edmonton : Fr. 100’000.- pour l’or dans chaque épreuve individuelle (Fr. 125’000.- en relais), Fr. 50’000.- pour l’argent, Fr. 35’000.- pour le bronze et jusqu’à Fr. 6’800.- pour la huitième place.

André Bucher, leader d’une petite équipe suisse
À la veille de leur entrée en piste, quatre Suisses et deux Suissesses ont l’allure rassurante d’athlètes en grande forme. Présents à la cérémonie d’ouverture, ils se disent tous en confiance. La star de la délégation, c’est bien évidemment André Bucher (LR Beromünster). Cette année, l’instituteur lucernois déploie des foulées capables de lui rapporter l’or sur 800 m. Il a encore amélioré son record suisse, synonyme de meilleure performance mondiale de la saison le 20 juillet dernier à Monaco en 1’42″90; difficile de faire mieux. Il est le premier à fouler la piste du Commonwealth Stadium le samedi 4 août en milieu d’après-midi. Très concentré et sûr de son fait, il s’impose sans problème dans la deuxième série en 1’45″49. Un peu plus tard, c’est au tour de Sabine Fischer (LC Rapperswil-Jona) d’entrer dans l’arène pour les séries du 1500 m, au nombre de trois. La mission de la Saint-Galloise est de terminer parmi les six premières ou de réaliser l’un des six meilleurs temps des viennent-ensuite. Engagée dans la troisième course, elle doit subir un tempo plus lent que les deux premières séries. Elle parvient à suivre l’emballage final, mais elle échoue au septième rang en 4’14″34. Heureusement pour elle, ce chrono est suffisant pour se qualifier pour le tour suivant.
Les deux demi-fondeurs sont à nouveau à pied d’œuvre le dimanche 5 août pour leur demi-finale. Cette fois c’est Sabine Fischer qui commence et qui tente sa chance jusqu’au bout de son 1500 m. Toujours sixième et donc qualifiée pour la finale à 50 mètres du terme, la Saint-Galloise se fait déborder par la Jamaïcaine Mardrea Hyman et termine première non-qualifiée en 4’09″66. Victime d’une blessure récemment, il ne pouvait pas y avoir de miracle dans cette dernière ligne droite. Elle y est allée jusqu’au bout de ses forces et elle n’a vraiment rien à se reprocher.
Une heure plus tard, deux demi-finales du 800 m sont au programme. Dans la première course, les quatre favoris se sont imposés de manière très aisée. Le Kenyan Wilfred Bungei, le Marocain Khalid Tighazouine, l’Allemand Nils Schumann et le Sud-Africain Hezekiel Sepang seront des adversaires à vraiment surveiller en finale. Dans la seconde demi-finale, le tempo est une seconde plus rapide. Au terme d’une course limpide et sans histoire, André Bucher accède à sa main en finale du 800 m en 1’44″47. Il a pris la mesure du Kenyan William Yiampoy, de l’autre Sud-Africain Mbulaeni Mulaudzi et du Polonais Pavel Czapiewski. Assurément, le Lucernois sera le favori de la finale dans deux jours et il assume ce rôle sans difficulté apparente, mais en restant lucide : «Je n’aurais pu souhaiter meilleure course que celle-ci. Le premier tour assez rapide en 51″40 s’est déroulé sans à-coups. À 500 mètres, j’ai pris la tête pour éviter les bousculades, passant en 1’18 aux 600 mètres avec un peu d’avance. J’ai donc pu contrôler dans la dernière ligne droite. De fait, je pensais que mes adversaires seraient plus agressifs. Si la finale se déroule selon le même schéma, ce serait du gâteau. Mais à ce niveau, tout est possible…».

Le bel exploit de Christian Belz
Lundi 6 août, Christian Belz (ST Bern) est en lice pour les séries du 3000 m steeple. Ses échecs à Séville, puis à Sydney sont bel et bien oubliés. À 26 ans, l’étudiant en sciences économiques possède tous les atouts nécessaires, à savoir endurance, résistance, force, souplesse et coordination, pour atteindre la finale mondiale. Avec son record suisse de 8’22″24, le 21e des 25 participants, passer en finale serait un véritable exploit. Sa série est partie sur un train de sénateur, avec un passage au kilomètre en 2’56 ». Bien qu’il se soit tapé le genou au passage d’un obstacle, il a su garder son sang-froid et jouer la bonne place dans le dernier tour. Belz assure le septième rang en 8’31″57, ce qui lui assure sa qualification pour la finale au temps. Un grand bravo à lui car ce n’était vraiment pas évident d’y arriver.
Le premier tour du 400 m haies a par contre été fatal à Alain Rohr (ST Bern), éliminé en 50″50. Malgré une bonne fin de course, le Bernois a échoué à neuf centièmes de la troisième place qualificative et il se retrouve classé au 30e rang. Encore en rodage dans cette discipline, qu’il a découvert cette saison, handicapé ces derniers jours par un lumbago, il doit donc reporter ses espoirs sur les prochains championnats d’Europe 2002 à Munich.

Le jour de gloire est arrivé pour André Bucher
Mardi 7 août, André Bucher s’apprête à vivre le moment le plus important de sa carrière. Ce soir – cette nuit à 3:50 en Suisse – le grand blond a rendez-vous avec une promesse : «Je peux le faire, je dois le faire», se répète-il. Le titre mondial lui tend les bras, mais il faudra réaliser deux tours de piste sans la moindre erreur tactique. En fait, rien ne semble pouvoir ébranler la paisible assurance du Lucernois. Il a débarqué à Edmonton bardé de succès et de certitudes, la conscience du devoir accompli. De Canberra à Saint-Moritz, ses deux bases d’entraînement, de Rome à Monaco, ses terrains de conquête en Golden League, il a mené sa saison sans fausses notes. Pour cette finale, Bucher craint un premier tour lent, ce qui donnerait alors toutes les chances à l’Allemand Nils Schumann. Il faut donc espérer que la tactique de l’un de ses adversaires soit la même que la sienne lors du premier tour. Par chance, il trouve des alliés de choix du côté des Kenyans William Yiampoy et Wilfred Bungei. Ce dernier dicte une allure soutenue en passant à la cloche en 50″41. André Bucher a rapidement su lire la situation et il s’est placé dans son sillage direct, juste devant l’autre Kenyan. Alors que le peloton court en file indienne, Bucher abat ses atouts à 280 mètres du but en assenant une accélération d’une rare pureté qui créée immédiatement un trou très intéressant. En tête à 150 m devant les deux Kenyans, le Suisse maîtrise son sujet de manière impeccable; mais attention au retour de la meute, emmenée par Schumann, Czapiewski et Mulaudzi. Ce trio est effectivement très tranchant dans la dernière ligne droite, mais leur retard sur le Suisse à 150 m de l’arrivée était beaucoup trop grand. Seigneurial, les bras en l’air, André Bucher remporte de brillante manière ce 800 m en 1’43″70 devant Wilfred Bungei en 1’44″55 et Pavel Czapiewski en 1’44″63. William Yiampoy reste au pied du podium en 1’44″96 et quelques centièmes d’avance sur Nils Schumann et Mbulaeni Mulaudzi.

Les trois premiers se congratulent sans exubérance, puis on voit une belle accolade entre Schumann et Bucher, trop respectueux l’un envers l’autre depuis trois ans pour s’ignorer. Le Lucernois a imposé son style et sa victoire dans ce 800 m est absolument indiscutable. Après les trois titres du colosse Werner Günthör au poids, André Bucher devient donc lui aussi champion du monde : «En me levant, j’avais le trac tout en étant confiant. Je me suis dit que ce serait une bonne journée. J’avais décidé d’attaquer et grâce à Wilfred Bungei, tout a été parfait; je ne pouvais pas rêver meilleur scénario. Tout le monde s’attendait à mon démarrage à 300 mètres du but. Mais vu que je me sentais bien, je n’ai jamais eu peur. Je me suis retourné à deux reprises dans la dernière ligne droite, mais c’était un simple reflex. C’est un vrai bonheur de savoir que l’on va franchir la ligne en levant les bras». Au pas d’abord, puis au petit trop, Bucher a entamé son tour d’honneur, agitant le drapeau suisse que des supporters suisses lui ont tendu. Problème : il y a en vert sur la croix blanche le logo d’un des sponsors (Gaz Naturel) de l’athlète. Si un officiel l’avait remarqué, il aurait pu être disqualifié ! Le soir, le Lucernois fête sa médaille d’or sagement car la saison n’est pas encore terminée. Bien lui en prend car à son retour en Europe, il va remporter le 800 m de Weltklasse à Zurich en 1’42″55, record suisse pulvérisé de 35 centièmes. Il confirmera une semaine plus tard à Bruxelles en 1’42″75, mais derrière le Russe Yuriy Borzakovskiy qui va réussir 1’42″47.

Christian Belz fait de son mieux en finale du 3000 m steeple
Après avoir atteint son objectif avec un ticket pour la finale mondiale du 3000 m steeple, Christian Belz va pouvoir vivre quelque chose d’inédit en ce mercredi 8 août. Hélas le Bernois n’a pas entièrement récupéré de ses efforts en séries. Dès que le rythme s’est durci, il n’a pas pu suivre la manœuvre. Il termine treizième en 8’31″43, mais cela ne constitue pas une déception car il a laissé derrière lui le Canadien Joël Bourgeois et le Français Gaël Pencreach : «Je n’avais pas récupéré, c’est clair, mais ceux qui sont devant moi ont des références. Je les garde en point de mire pour l’avenir. En outre, je suis dans la même chambre qu’André Bucher et son téléphone m’a réveillé deux fois à deux heures du matin. Ce n’était donc pas la meilleure des préparations. Cela dit, je ne regrette pas d’avoir été dérangé, vu que j’étais dans la chambre d’un champion du monde… Je préfère ça plutôt que de dormir seul avec mon trac. Finalement je pense que j’ai beaucoup appris ici à Edmonton».

Anita Brägger et Peter Philipp en demi-finales
Jeudi 9 août voit l’entrée en lice de deux coureurs de demi-fond. Sur 1500 m, Peter Philipp (BTV Chur) doit terminer parmi les six premiers ou obtenir l’un des six meilleurs temps des viennent-ensuite. C’est cette seconde option qui lui permet de se qualifier pour les demi-finales avec un chrono de 3’39″20. Quelques minutes plus tard, c’est au tour d’Anita Brägger (ST Bern) d’en découdre lors des séries du 800 m. Mise en confiance par ses 1’59″66 réussis lors d’Athletissima, la Lucernoise ne panique pas en voyant qu’elle a hérité d’une grosse série avec notamment la Mozambicaine Maria Mutola, la Britannique Kelly Holmes, la Canadienne Diane Cummins, la Slovène Jolanda Ceplak et l’Américaine Hazel Clark. Le tempo est très rapide et le sixième rang d’Anita avec un joli 2’00″65 est suffisant pour franchir le cap.
Le lendemain, les choses sont nettement plus compliquées puisqu’Anita doit terminer parmi les quatre premières de sa course si elle veut atteindre la finale. C’est mission impossible pour elle car ses jambes l’ont abandonnée dans la dernière ligne droite. Avec ses 2’02″22, elle se classe onzième de ce 800 m mondial ce qui représente une fort belle ligne dans son palmarès. Quant à Peter Philipp, il sait qu’il doit se placer parmi les six meilleurs de sa demi-finale du 1500 m. On le sait, le juriste Grison est très fort au train (son record est de 3’35″87 à Lausanne l’an dernier), mais lorsque le rythme est un peu plus lent avec un finish nerveux, il coince souvent. Or aux championnats du monde, ce manque de vitesse terminale est immanquablement fatal. C’est ce qui se produit avec la victoire du Kenyan Bernard Lagat en 3’35″82 et le sixième, le Néerlandais Gert-Jan Liefers qui reste à moins d’une seconde en 3’36″64. Peter Philipp termine quant à lui neuvième en 3’39″66, ce qui le classe au quinzième rang final de ce 1500 m.

Le bilan du directeur technique
Peter Schläpfer, le directeur technique de l’athlétisme suisse, avait fixé des objectifs réalistes à sa petite troupe de six sélectionnés : accès aux demi-finales pour tous et une finale au moins, avec si possible un podium. À part Alain Rohr sur 400 m haies, cet objectif a été atteint, ce qui réjouit Schläpfer : «Le bilan de cette expédition est bon, voire excellent ! Les petites nations comme nous sont peu nombreuses à pouvoir exhiber un titre mondial. Ce succès initial a sans doute contribué à motiver les autres. Je n’avais jamais vu Peter Philipp ou Anita Brägger tenter si crânement leur chance. Quant à Sabine Fischer et surtout Christian Belz, ils vont sans doute au-devant d’une belle carrière. Évidemment j’aurais souhaité être à la tête d’une équipe de douze athlètes au lieu de six. Mais je préfère disposer de six athlètes performants plutôt que douze dont la moitié finiront dans le tréfonds du classement. Un championnat du monde, ce n’est pas un championnat d’Europe ! D’ailleurs, nous avons mis en place des critères de qualification totalement différents pour les Européens 2002 à Munich. Nous espérons ainsi qu’une bonne vingtaine d’athlètes parviendront à y satisfaire, ce qui jouera un rôle de tremplin en direction des championnats du monde 2003 à Paris, où notre groupe d’avant-garde devrait alors être plus étoffé qu’à Edmonton».

PAB

Résultats

Hommes
800 m : 1. André Bucher (LR Beromünster) 1’43″70 / 1’45″49 en séries et 1’44″47 en demi-finales
1500 m : 15. Peter Philipp (BTV Chur) 3’39″20 en séries et 3’39″66 en demi-finales
400 m haies : 30. Alain Rohr (ST Bern) 50″50 en séries
3000 m st. : 13. Christian Belz (ST Bern) 8’31″43 / 8’31″57 en séries
Femmes
800 m : 11. Anita Brägger (ST Bern) 2’00″65 en séries et 2’02″22 en demi-finales
1500 m : 13. Sabine Fischer (LC Rapperswil-Jona) 4’14″34 en séries et 4’09″66 en demi-finales

 

Version imprimable de l’article (PDF)

 

A découvrir prochainement

L’épopée des athlètes suisses aux championnats du monde

Les championnats du monde 2003 à Paris

 

ATHLE.ch VINTAGE – Accueil

ATHLE.ch VINTAGE – Facebook

ATHLE.ch VINTAGE – Instagram

 

Championnats du monde

CompétitionAnnéeLieuSitePDF
Championnats du monde1983-2023Accueil
1er Championnats du monde1983Helsinki
2ème Championnats du monde1987Rome
3ème Championnats du monde1991Tokyo
4ème Championnats du monde1993Stuttgart
5ème Championnats du monde1995Göteborg
6ème Championnats du monde1997Athènes
7ème Championnats du monde1999Séville
8ème Championnats du monde2001Edmonton
9ème Championnats du monde2003Paris
10ème Championnats du monde2005Helsinki
11ème Championnats du monde2007Osaka
12ème Championnats du monde2009Berlin
13ème Championnats du monde2011Daegu
14ème Championnats du monde2013Moscou
15ème Championnats du monde2015Pékin
16ème Championnats du monde2017Londres
17ème Championnats du monde2019Doha
18ème Championnats du monde2022Eugene
19ème Championnats du monde2023Budapest

 

Commentaires

commentaires

Auteur

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Top