TIMELINE | L’épopée des athlètes suisses aux championnats du monde | Göteborg 1995 Pour les athlètes suisses, atteindre la limite pour les championnats du monde représente une sorte de Saint Graal car cette compétition est assurément l'un des deux summums de l'athlétisme mondial. ATHLE.ch «VINTAGE propose de revivre en détail l'épopée des athlètes suisses au cours des dix-neuf éditions de ces Mondiaux. La cinquième édition des championnats du monde s'est disputée du 5 au 13 août 1995 à Göteborg.

Les cinquièmes championnats du monde se déroulent du 5 au 13 août 1995 à Göteborg. Avec un nouveau total record de 1’804 athlètes issus de 191 nations, l’universalité de l’athlétisme grandit encore et encore. Dans un Ullevi Stadium rempli par 41000 spectateurs, Sa Majesté le roi de Suède Carl Gustav XVI déclare les championnats du monde ouvert, tout en apportant un message d’espoir en une époque troublée et marquée par les tensions entre les peuples. En cela, les organisateurs ont prévu une minute de silence, le lendemain, pour les victimes d’Hiroshima, à l’occasion du 50ème anniversaire de ce bombardement tragique. L’Histoire, en constant changement, est également présente à Göteborg : les statistiques, les résultats, les biographies d’athlètes, l’histoire de la Fédération d’athlétisme, ainsi que des informations sur la ville de Göteborg sont désormais disponible sur le réseau Internet; OK mais Internet, mais c’est quoi ? Oui, ça peut paraître fou d’entendre ça maintenant et l’on voit qu’il y a un début à tout !
L’athlétisme mondial est lui aussi en transformation. Carl Lewis et Serguei Bubka sont vieillissants et les nouvelles stars qui apparaissent – Michael Johnson ou Jonathan Edwards – pour admirables qu’ils soient, n’ont de loin pas le charisme de King Carl et du Tsar. Au niveau de l’athlétisme suisse, c’est le même combat. Werner Günthör n’est plus là depuis deux ans et Peter Schlaepfer, le directeur technique de la F.S.A., ne va pas demander la lune à ses seize sélectionnés. L’absence pour blessure de Franziska Rochat-Moser – la meilleure Helvète dans les bilans mondiaux (12ème au marathon) – fait que c’est Julie Baumann, 31 ans, qui est promue fer de lance de l’équipe suisse. Derrière, il prie pour qu’il y ait quelques miettes pour ses athlètes. Pourtant il ne faut pas avoir peur d’un avenir morose car en coulisses des jeunes talentueux comme Anita Weyermann (GG Bern), André Bucher (LR Beromünster) ou Marcel Schelbert (LC Zürich) sont en train de se faire les dents chez les juniors et ils devraient bientôt éclore aux yeux de tous.

Les très bons débuts de Mathias Rusterholz et de Julie Baumann
Les compétitions débutent le samedi 5 août avec pas moins de cinq athlètes suisses en lice. Le premier à fouler la piste du superbe Ullevi Stadium est Mathias Rusterholz (TV Herisau) lors des séries du 400 m. L’inattendu médaillé de bronze des championnats d’Europe d’Helsinki a l’ambition de courir en demi-finales, ce qui est totalement légitime si l’on sait qu’il vient de battre le record suisse de Marcel Arnold en 45″24 en juin dernier à Bellinzone, un chrono qu’il a confirmé quinze jours plus tard lors d’Athletissima en 45″34. Il assure le coup avec un belle maestria en terminant deuxième de la cinquième série en 45″97, derrière le recordman du monde Américain Harry Butch Reynolds.
C’est ensuite au tour de Julie Baumann (LC Zürich) d’entrer dans l’arène pour les séries du 100 m haies. Très en jambes, l’habitante d’Essertes ne tergiverse pas dans la foulée de la Jamaïcaine Gillan Russell et l’Américaine Gail Devers. Qualifiée pour les demi-finales en 12″99 (-1,0 m/s) avec le meilleur temps des viennent-ensuite, elle vient de réussir douze centièmes de mieux que son meilleur chrono de la saison. En fin d’après-midi, elle remet le couvert avec une détermination totalement retrouvée, bien que sa cheville droite lui donne quelques soucis. Calée au couloir 1, elle voit Devers et Russell devant elle, de même que la Russe Julia Graudyn. À la lutte avec la Française Patricia Girard pour la dernière place qualificative, Julie passe ses haies au fil du couteau et sur un rythme jamais vu depuis bien longtemps. Vu que le coup est parfaitement jouable, elle exécute un cassé académique sur la ligne d’arrivée et cela fait la différence, pour un centième, dans l’excellent chrono de 12″86. Julie Baumann est très contente de sa course survoltée, qui apparaît pour elle comme une véritable délivrance et la réalisation d’un rêve secret «Que c’est beau le sport ! Je savais que j’avais encore quelque chose à prouver. Je me suis élancée comme une bombe et malgré des douleurs aux muscles fessiers, j’ai réussi à repousser les gros assauts de Patricia Girard. Avec mes 12″86, je peux aborder la finale en toute confiance. C’est comme si tout recommençait pour moi avant les Jeux d’Atlanta».
Dans l’épreuve suivante, Stefan Burkart (LC Zürich) connaît une belle réussite sur 100 m puisqu’il se qualifie pour les quarts de finale en prenant la deuxième place de sa série en 10″61, face à 2,2 m/s de vent contraire. Le champion suisse de 38 ans, qui avait longtemps hésité à venir en Suède en raison de ses obligations professionnelles, a donc fait le bon choix. Trois heures plus tard, le vent est toujours contraire lorsqu’il termine huitième du troisième quarts de finale en 10″69. Il se classe au quarante-neuvième rang.

Une bonne prestation de Nelly Glauser au marathon
Au moment où le marathon des femmes débute, elles sont quarante-quatre à s’affronter sur la distance mythique et parmi elles figure la championne suisse Nelly Glauser (CA Sion). La Jurassienne de Boncourt, qui vaut un excellent 2:34’55 sur la distance, a soigneusement noté sur ses poignets les numéros de dossards de ses plus proches rivales : celle qui valent une minute de moins à droite et deux minutes de moins à gauche. Elle entame son périple sans brûler les étapes en pointant au trente-deuxième rang au passage du quinzième kilomètre. Son rythme est si régulier qu’elle parvient à rattraper des concurrentes dans la dernière portion de course. Finalement elle passe la ligne en prenant une très brillante vingtième place en 2:40’42. Chrono reste toutefois inofficiel car le parcours était trop court ! En effet les juges n’ont autorisé les coureurs à parcourir que trois tours du stade au lieu des quatre prévus juste après le départ. Ainsi la distance était de 400 mètres trop courte. 41,795 km ont donc été parcourus au lieu des 42,195 km requis. N’aurait-il pas été possible que les juges réparent leur erreur en faisant courir les coureurs un tour de plus dans le stade en toute fin de course ?
Toujours dans les épreuves de fond, Arnold Mächler (TV Wägital) est en lice dans les séries du 10000 m avec l’Éthiopien Haile Gebreselassie, le Marocain Khalid Skah et le Kenyan Paul Tergat, soit le futur podium de la finale. La course se court sur un rythme de 28’10 », ce qui correspond quasiment au record personnel du Schwyzois (28’11″46 réussis en début du mois de mai à Blankenbourg). Il n’y a pas de miracle pour Mächler, qui termine dix-septième en 29’33″77.

Mathias Rusterholz atteint son objectif
Le dimanche 6 août, Mathias Rusterholz doit vivre maintenant son instant de vérité en attaquant les quarts de finale du 400 m. Après un premier tour maîtrisé, le voilà engagé dans la troisième Série où les données du problème sont claires pour lui : il doit terminer parmi les quatre premiers pour passer en demi-finales et atteindre son objectif. Si le Kenyan Samson Kitour et le Britannique Marc Richardson semblent intouchable, il y a en revanche un match à quatre pour deux place entre l’Italien Andrea Nuti, le Français Pierre-Marie Hilaire et le Jamaïcain Danny Mc Farlane. Auteur d’un départ rapide, l’Appenzellois parvient à gérer sa vitesse dans la ligne opposée, puis à se relancer à l’entrée du dernier virage. Ce scénario est idéal car il lui permet de contenir ses adversaires directs en terminant au troisième rang en 45″54, devant Mc Farlane (45″79), Nuti (45″89) et Hilaire (46″01). «J’ai rempli mon contrat et je ne pense maintenant qu’à me reposer. En arrivant ici à Göteborg, j’étais bloqué car j’avais perdu toutes mes sensations sur le tour de piste, ceci après avoir disputé en Suisse des courses sur 100 m et sur 200 m. Désormais je suis libéré et je vais pouvoir ainsi courir en toute décontraction. Mais attention, je ne veux pas prendre le risque de faire sauter la baraque».

Julie Baumann comme à Tokyo
Quatre ans après sa belle cinquième place à Tokyo, Julie Baumann se retrouve à nouveau en bonne position pour faire aussi bien qu’au Japon, voire pourquoi pas mieux. Au vu des blessures et d’une multitude d’autres petits ennuis subis cette saison, Julie a dû prendre appui sur sa force de caractère pour s’en sortir et en arriver là. Il est 18:10 à Göteborg et la tension nerveuse est à son comble au moment où les huit hurdleuses se placent dans leurs starting-blocks. Immanquablement un premier faux-départ, puis un second provoqués successivement par la Slovène Brigita Bukovec et par la Russe Julia Graudyn. Au nouvel ordre du starter, c’est maintenant l’Américaine Gail Devers qui fait mine de se mettre dans ses marques, mais elle se relève en trottinant jusqu’à la première haie. La quatrième tentative de départ semble être la bonne, mais avant que le commandement « prêt » ne soit donné, Julie Baumann quitte ses blocks. Le public s’impatiente et la réalisation TV coupe soudain sur Primo Nebiolo, le président de l’I.A.A.F., qui est sûrement en train de se dire qu’il faut trouver la parade devant ces problèmes de faux-départs récurrents. Le cinquième coup de feu est le bon; comme un diable qui sort de sa boîte, Julie se propulse en tête de la course et maintient son avantage jusqu’à la sixième haie. Devers et la Kazakh Olga Shishigina passent et ce sont les deux Russes Graudyn et Reshetnikova qui sont à la lutte pour le bronze face à la Suissesse. La fin de course est très serrée derrière Gail Devers qui s’impose en 12″68 devant Olga Shishigina en 12″80. C’est finalement Julia Graudyn qui décroche la troisième place 12″85, en coiffant au poteau Tatiana Reshetnikova (12″87). Julie Baumann a été excellente et elle décroche, comme à Tokyo, la cinquième place en 12″95, tout en devançant Gillan Russell (12″96), Dionne Rose (12″98) et Brigita Bukovec (13″02). Sur un nuage, Julie apparaît radieuse en zone mixte : «Depuis bientôt quinze ans que je fais du sport au plus haut niveau, il y a un peu d’usure et c’est normal. Mais, à 31 ans, je sens mes forces physiques intactes, ma passion du sport n’a fait que grandir et j’étais sûre que l’accalmie viendrait et que je serais au départ d’une des dernières grandes étapes qu’il me reste à parcourir avant d’être au but de ma grande aventure, les Jeux Olympiques d’Atlanta. Je ne suis restée qu’à un dixième de la médaille; ça représente un mètre, donc à la fois peu et beaucoup. J’y ai pourtant cru, comme l’alpiniste croit au sommet quand il débute une ascension. Mais si le cœur est une chose, les jambes en sont une autre et, après la cinquième haie, où j’étais encore à la hauteur de Devers, elles se sont un peu alourdies; juste ce qu’il fallait pour que la hiérarchie soit respectée…». Julie Baumann et son mari – qui est également son entraîneur – ne cachent pas leur grand contentement. Ils remercient aussi tous ceux qui les aident, notamment leurs sponsors : «J’ai toujours pu compter sur la confiance et la tolérance de mes partenaires financiers; ce n’est finalement pas qu’une question d’argent».

Les deux décathloniens malheureusement en retrait
Ce dimanche a également débuté le décathlon, avec la présence de deux Suisses : Mirko Spada (TV Amriswil) et Rolf Schläfli (LC Turicum). En grande forme cette saison, les deux décathlètes peuvent espérer atteindre les 8’000 points, en tous cas si on se réfère à leurs brillants résultats de ce début de saison : avec 7’950 points le 28 mai à Götzis, puis 7’818 points le 18 juin à Frauenfeld et surtout 7’984 points le 2 juillet à Helmond, Mirko Spada a réalisé la quatrième performance suisse de tous les temps derrière Stephan Niklaus (8’334 points en 1983), Beat Gähwiler (8’244 points en 1988) et Christian Gugler (8’046 points en 1982). Rolf Schläfli est resté tout près avec d’abord 7’921 points à Götzis, puis 7’953 points à Frauenfeld, soit le cinquième total absolu pour un Suisse. À Göteborg, leurs résultats réussis aux quatre coins du stade Ullevi n’ont hélas pas suivi la trajectoire qu’ils s’étaient fixés. Classés vingt et unième et vingt-deuxième après la première journée, Schläfli et Spada ont pu améliorer leurs positions, mais pas de beaucoup. Mirko Spada, qui s’est plaint de ne jamais avoir pu se sublimer, termine au dix-septième rang avec 7’744 points (11″37 – 6,69 m – 15,66 m – 1,86 m – 49″99 | 14″48 – 45,62 m – 4,50 m – 58,08 m – 4’31″19), alors que Rolf Schläfli, diminué par une douleur au pied lors de la seconde journée, le suit avec 7’602 points (11″15 – 6,74 m – 13,91 m – 1,89 m – 47″86 | 15″06 – 40,28 m – 4,30 m – 60,42 m – 4’33″82).

Mission impossible pour Mathias Rusterholz en demi-finales du 400 m
Lundi 7 août, c’est le jour de la demi-finale de Mathias Rusterholz sur 400 m. Face notamment aux Américains Michael Johnson et Darnell Hall, ainsi qu’au Britannique Roger Black et au Nigérian Sunday Bada, il faudrait un véritable exploit de sa part pour qu’il décroche son ticket pour la finale. Embarqué dans le couloir 8, l’Appenzellois doit courir à l’aveugle assez longtemps car Johnson n’a pas forcé son talent et il ne l’a dépassé qu’en sortie de virage. Le Suisse termine à moins d’une seconde de lui, mais en septième position en 45″80. Classé au onzième rang final ce 400 m mondial, Mathias Rusterholz peut être fier de son parcours. Cependant il quitte la scène avec des regrets : «C’est vrai, je n’ai pas réalisé un exploit. J’avais les jambes lourdes, sans doute les effets d’une certaine fatigue psychologique. J’ai couru sans pouvoir exprimer mon réel potentiel. Sur le plan mondial, j’ai encore beaucoup à apprendre. Je n’ai pas la mentalité des coureurs américains et cela ne m’intéresse pas. Ma vitesse de pointe est insuffisante pour régater avec les meilleurs et je me suis fait une raison». Bien qu’il ait pu améliorer ses records personnels sur 100 m (10″64) et sur 200 m (21″00), que faire face à un Michael Johnson qui vaut 10″09 et 19″79 ? Surtout ne pas chercher à courir au-dessus de ses moyens. Rusterholz aspire à devenir le meilleur en Europe, alors que Johnson veut s’imposer comme étant le plus grand athlète de tous les temps.

Un brelan d’as ambitieux sur 200 m
Après deux jours sans aucune présence helvétique, on en retrouve pas moins de cinq en lice le jeudi 10 août. C’est surtout sur 200 m que les attentes sont les plus grandes avec notre brelan d’as formé de David Dollé (LC Zürich), Kevin Widmer (Stade Genève) et Alain Reimann (LC Zürich). On se souvient de cette magnifique finale des championnats suisses, le 2 juillet à Berne, quand il l’avait remporté pour un centième face à Dollé en 20″56, alors que Reimann égalait son record en 20″78. Trois semaines plus tard, David Dollé battait le record suisse du 100 m à Jona en 10″22, puis confirmait à Lindau en 10″26. Le 2 août à Langenthal, ce même Dollé courait en 10″27, devant Kevin Widmer en 10″37 et Alain Reimann en 10″45. Mieux, sur 300 m, le Vaudois du Stade Genève s’éclatait littéralement en signant un fabuleux nouveau record suisse en 32″29, meilleure performance mondiale de la saison ! Voilà pourquoi on attend avec impatience ce 200 m des championnats du monde : nos gars sont en super forme ! Pour ces séries qui se déroulent dès 9:40, il faut terminer parmi les trois premiers ou faire partie des cinq meilleurs temps des viennent-ensuite. Dans la première de neuf courses, Kevin Widmer subit la loi du Belge Patrick Stevens (20″54), du Bahaméen Andrew Tynes (20″56) et du Grec Alexios Alexopoulos (20″59). Son chrono de 20″69 est suffisamment bon pour que ça passe pour les quarts de finale. Dans la quatrième série, David Dollé s’en sort facilement en terminant deuxième, comme Widmer, en 20″69. Enfin dans la cinquième série, Alain Reimann ne peut rien faire face à la vitesse de l’Australien Steve Brimacombe (20″74), du Norvégien Geir Moen (20″80) et du Japonais Koji Ito (20″84). Sixième en 21″28, Alain est hélas passé à travers de son affaire : «J’ai couru comme un guignol» s’est-il exclamé à l’issue de sa course.
En fin d’après-midi, les quarts de finale promettent d’être plus ardus avec une place en demi-finales promise aux quatre premiers de chacune des quatre courses. Premier à entrer en scène, David Dollé n’est jamais dans l’allure. Il avait pourtant devant lui la plus formidable des locomotives en la personne de Michael Johnson, mais après 80 m, l’échec était déjà consommé. Il termine au cinquième rang dans un décevant 20″84 : «J’ai manqué de force dès ma mise en action. La forme est là, mais je n’ai pas réussi à mettre la machine en marche. Bien sûr c’est une grosse déception, qui ne remet toutefois pas en cause la suite de ma carrière. Chiche, je bats mon record dans une semaine…». Cinq minutes plus tard, c’est au tour de Kevin Widmer. Le Stadiste est placé au couloir 8 et le manque de repères visuels ne lui a pas permis de courir idéalement. Face à l’Américain Jeff Williams (20″52), au Cubais Ivan Garcia (20″52), au Barbadien Obadele Thompson (20″57), au Français Jean-Charles Trouabal (20″60) et à l’Allemand Robert Kurnicki (20″67), on se dit que Kevin Widmer aurait pu mieux saisir sa chance. Hélas ses 20″74 ont été trop léger dans ce contexte mondial. «J’ai peut-être manqué un peu de fraîcheur à la sortie du virage, mais j’ai surtout eu du mal à gérer ma solitude au couloir 8. Dans ces conditions, on a souvent tendance à attendre les autres. Mais ici, on n’est pas aux championnats suisses… Cela dit le bilan n’est pas sombre pour autant car j’ai prouvé que je pouvais me battre à ce niveau. Reste maintenant à tirer les leçons dans la perspective d’Atlanta. Ce que je sais, c’est que le problème n’est pas mental, mais bien au niveau physique, au niveau de la récupération entre les deux courses». On se permet encore de revenir sur la dernière phrase de David Dollé (chiche, je bats mon record dans une semaine) car il a eu raison, mais pas sur 200 m. En effet le 20 août à La Chaux-de-Fonds, dans une journée de folie pour beaucoup d’athlètes (y compris pour l’auteur de ces lignes), Dollé a battu le record suisse du 100 m en 10″16, juste devant Widmer en 10″24 ! Ce dernier a ensuite concrétisé ce qu’on pensait de lui : il a réussi à améliorer de deux centièmes le record suisse du 200 m en 20″41 ! Très impressionnée, la hurdleuse Française Anne Piquereau s’exclame alors : «Wouaw, excellent le P’tit Suisse !».

Sieglinde Cadusch sortie, mais la tête haute
Il y a deux ans à Stuttgart, on avait vu Regula Zürcher (LC Frauenfeld) très en verve lors du relais 4 x 400 m. Depuis sa très belle saison 1993 (52″19 sur 400 m), la Thurgovienne est passé à l’étage supérieur en courant désormais sur 800 m, soit sur les traces de sa grande sœur Aurelia (2’02″50 en 1990). Créditée d’un joli 2’01″96 en juin à Duisbourg, la blonde de Frauenfeld manque encore d’expérience pour le haut niveau. C’est ce qu’elle a pu constater dans sa série car sous l’impulsion de la Cubaine Ana Fidelia Quirot et de la Russe Yelena Afanasyeva, le rythme était trop dur pour elle. Elle peut se consoler en voyant qu’une coureuse de la trempe de l’Américaine Joetta Clark n’a pas non plus franchi l’écueil des séries. Les 2’05″87 de Regula lui donnent la trentième place de ce 800 m mondial. Même son de cloche pour Ursula Jetziner (TV Naters), engagée dans les séries du 5000 m. Championne suisse de la discipline en 16’04″01 (avec 26 secondes d’avance sur sa dauphine), la Valaisanne a pu mesurer l’écart qu’il peut y avoir entre une course de format national et mondial. Courant loin de son record (15’41″51 en juin dernier à Cork), Ursula s’est pourtant battue jusqu’au bout; elle termine au douzième rang de sa série en 16’12″57, soit à plus de 52 secondes de la qualification.
Vendredi 11 août, le gap est tout aussi important pour Gunnar Schrör (LC Brühl) sur 110 m haies. Lui aussi champion suisse à Berne en 13″91, il doit sa qualification grâce à son chrono de 13″82 réalisé à la mi-juin sur la piste du Bout-du-Monde à Genève. Évidemment face à l’Américain Allen Johnson ou même face au Français Vincent Clarico, ses 13″95 de Göteborg ne pèsent pas bien lourd. À l’inverse, la belle prestation de Sieglinde Cadusch (TV Unterstrass) au saut en hauteur force le respect. Après avoir franchi 1,93 m il y a une semaine à Zofingen (mais aussi 1,92 m à Herzogenbuchsee et aussi pas moins de six fois 1,90 m), la Grisonne du TV Unterstrass tient en ce moment une toute grande forme. Mais c’est aussi le cas de ses adversaires… En effet ce concours de qualification va être l’un des plus denses de l’Histoire avec sept sauteuses qui parviennent à franchir 1,95 m la barre demandée pour passer en finale. Elles sont cinq à avoir pu se qualifier avec 1,93 m au premier essai. Recalée après n’avoir passé 1,93 m qu’au deuxième essai, Sieglinde Cadusch doit hélas quitter ce concours à la treizième place, c’est-à-dire en tant que première non-qualifiée; elle le fait pourtant la tête haute et par la grande porte. En voyant que trois autres athlètes ont également franchi 1,93 m à leur deuxième ou troisième tentative et qu’elles sont sept à avoir franchi 1,90 m, on s’aperçoit que vingt-trois femmes sont créditées de 1,90 m et plus ! En ayant égalé son record personnel et en ne restant qu’à un essai de la finale, Sieglinde a prouvé une fois de plus sa grande classe. Dix jours plus tard, elle s’envole pour Atlanta avec d’autres athlètes suisses pour un stage d’études pendant deux semaines. Le 1er septembre à Marietta, dans la banlieue d’Atlanta, la Grisonne participe à une compétition qui se termine par un véritable exploit : elle franchit 1,95 m et elle s’approprie ainsi le record suisse qui était détenu par Gaby Meier (Old Boys Basel) avec 1,94 m (réussis deux fois en 1982 à Stuttgart puis à Athènes).

Le relais 4 x 400 m déboulonne un monument
Par cycles de 16 ou 17 ans, le relais 4 x 400 m helvétique se retrouve sur le devant de la scène, grâce à l’amalgame d’athlètes talentueux. En 1962, en finale des championnats d’Europe de Belgrade, Bruno Galliker (TV Unterstrass), Marius Theiler (KV Basel), Jean-Louis Descloux (TV Unterstrass) et Hansruedi Bruder (TV Olten) se paraient de bronze avec un nouveau record suisse en 3’07″00 qui avait fait sensation. En 1978, à nouveau en finale des championnats d’Europe mais à Prague, Rolf Strittmatter (LC Zürich), Peter Haas (Old Boys Basel), Konstantin Vogt (GG Bern) et Rolf Gisler (LV Winterthur) restaient au pied du podium tout en réussissant un chrono canon : 3’04″29. En 1995, ces monuments de l’athlétisme suisse sont sur le point d’être relégués dans les archives car l’équipe composée de Laurent Clerc (Stade Genève), Kevin Widmer, Alain Rohr (ST Bern) et Mathias Rusterholz est prête à relever tous les défis. Bien que la finale mondiale soit inaccessible, le quatuor helvétique se lâche dans la bagarre et nous concocte un très joli nouveau record suisse en 3’03″91. Classés au quatorzième rang final, cette équipe (24 ans de moyenne d’âge) a visiblement un très bel avenir.

PAB

Résultats

Hommes
100 m : 49. Stefan Burkart (LC Zürich) 10″61 en séries et 10″69 en quarts de finale
200 m : 21. Kevin Widmer (Stade Genève) 20″69 en séries et 20″74 en quarts de finale
24. David Dollé (LC Zürich) 20″69 en séries et 20″84 en quarts de finale
54. Alain Reimann (LC Zürich) 21″28 en séries
400 m : 11. Mathias Rusterholz (TV Herisau) 45″97 en séries, 45″54 en quarts de finale et 45″80 en
demi-finales
10000 m : 34. Arnold Mächler (TV Wägital) 29’33″77 en séries
110 m haies : 38. Gunnar Schrör (LC Brühl) 13″95 en séries
Décathlon : 17. Mirko Spada (TV Amriswil) 7’744 p
(11″37 – 6,69 m – 15,66 m – 1,86 m – 49″99 | 14″48 – 45,62 m – 4,50 m – 58,08 m – 4’31″19)
18. Rolf Schläfli (LC Turicum) 7’602 p
(11″15 – 6,74 m – 13,91 m – 1,89 m – 47″86 | 15″06 – 40,28 m – 4,30 m – 60,42 m – 4’33″82)
4 x 400 m : 14. Laurent Clerc (Stade Genève) / Kevin Widmer / Alain Rohr (ST Bern) / Mathias Rusterholz
3’03″91 (record suisse) en séries

 

Femmes
800 m : 30. Regula Zürcher (LC Frauenfeld) 2’05″87 en séries
5000 m : 37. Ursula Jetziner (TV Naters) 16’12″57 en séries
100 m haies : 5. Julie Baumann (LC Zürich) 12″95 / 12″99 en séries et 12″86 en demi-finales
Hauteur : 13. Sieglinde Cadusch (TV Unterstrass) 1,93 m en qualifications
Marathon : 20. Nelly Glauser (CA Sion) 2:40’42 / Chrono inofficiel car le parcours était trop court

 

Version imprimable de l’article (PDF)

 

A découvrir prochainement

L’épopée des athlètes suisses aux championnats du monde

Les championnats du monde 1997 à Athènes

 

ATHLE.ch VINTAGE – Accueil

ATHLE.ch VINTAGE – Facebook

ATHLE.ch VINTAGE – Instagram

 

Championnats du monde

CompétitionAnnéeLieuSitePDF
Championnats du monde1983-2023Accueil
1er Championnats du monde1983Helsinki
2ème Championnats du monde1987Rome
3ème Championnats du monde1991Tokyo
4ème Championnats du monde1993Stuttgart
5ème Championnats du monde1995Göteborg
6ème Championnats du monde1997Athènes
7ème Championnats du monde1999Séville
8ème Championnats du monde2001Edmonton
9ème Championnats du monde2003Paris
10ème Championnats du monde2005Helsinki
11ème Championnats du monde2007Osaka
12ème Championnats du monde2009Berlin
13ème Championnats du monde2011Daegu
14ème Championnats du monde2013Moscou
15ème Championnats du monde2015Pékin
16ème Championnats du monde2017Londres
17ème Championnats du monde2019Doha
18ème Championnats du monde2022Eugene
19ème Championnats du monde2023Budapest

 

Commentaires

commentaires

Auteur

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Top