Samedi 12 juillet, c’est déjà l’avant-dernier jour des Jeux Olympiques de Paris. Les relais 4 x 100 m et 4 x 400 m sont au programme des Suisses. Les sprinters sont très motivés au moment d’entamer les séries du 4 x 100 m. Bien qu’aucun d’entre-eux n’ait couru sous les onze secondes cette saison, il savent que leur technique du passage de témoin est pointue et au point. C’est en tous cas ce qu’ont révélé les nombreux entraînements mis sur pied durant le mois de juin, sous la direction de Heinz Hemmi, l’un des membres de cette équipe. Les automatismes rôdés en Suisse doivent cependant être adaptés à la spécificité des 500 m du stade de Colombes. En cela, les séries de ce samedi tombent à point nommé pour peaufiner les trois charnières. Quinze nations sont en lice lors de ce premier tour, dont les deux premiers de chacune des six séries pourront passer en demi-finales. À l’instar du 400 m, la discipline va être ébranlée au niveau du record du monde, qui est toujours détenu par les États-Unis depuis la finale des Jeux Olympiques de 1920. L’équipe composée de Charlie Paddock, Jackson Scholz, Loren Murchison et Morris Kirksey avait couru à Anvers en 42″2. Au stade de Colombes, les séries vont être explosives. Dans la première course, les Anglais emmenés par le champion olympique Harold Abrahams battent le record du monde en 42″0. Ils sont imités quelques minutes plus tard par les Pays-Bas qui remportent la troisième série en 42″0 également. La quatrième course est celle des Suisses, qui doivent affronter l’Italie et l’Argentine. Dans sa composition standard, c’est le Soleurois d’Olten Karl Borner qui lance la course, non pas en virage comme c’est généralement le cas, mais en ligne droite. Il passe le témoin au capitaine Bernois Heinz Hemmi, qui achève la ligne droite opposée et entame le virage avant de donner – avec la technique qu’il a promulgué à l’ensemble du groupe – au recordman suisse du 100 m Josef Imbach. Au vu de la qualité de son virage, le Genevois semble avoir extrêmement bien récupéré de sa mésaventure de la veille lors de la finale du 400 m. En tête, la Suisse effectue son dernier passage et c’est l’autre Genevois Victor Moriaud qui conclut avec un chrono de 42″2. Oui, les Suisses ont égalé l’ancien record du monde des États-Unis ! À quelques minutes près, c’est-à-dire avant les Anglais et les Hollandais, c’eut été un sacré coup fumant. Malheureusement ils se sont trouvés en quatrième série et leur exploit a donc été minimisé après les prestations des British et des Bataves. Il n’empêche : les rouages des p’tits Suisses ont bien fonctionné et c’est avec une grande confiance qu’ils pourront aborder les demi-finales de dimanche. Il faudra bien ça car il ne faut pas oublier que les Américains sont ultra favoris de cette épreuve. Et ils le prouvent lors de la sixième et dernière série en pulvérisant le record du monde en 41″2. Déjà présent en 1920, c’est Loren Murchison qui a conclu cette magnifique chevauchée des Yankees. Les Suisses, qui ont réussi le quatrième chrono de ces séries, ont un très beau challenge devant eux : pourquoi ne pas rêver un peu en espérant battre les Pays-Bas ? Cette perspective a tout de même un retour de manivelle important pour l’équipe nationale. En effet, pour préserver les forces de Josef Imbach dans ce relais 4 x 100 m, les dirigeants n’ont pas eu le choix que d’annoncer le forfait du relais 4 x 400 m, une course pour laquelle le Genevois aurait également dû prendre part avec Paul Martin, Willy Schärer et Christian Simmen.
Le relais 4 x 100 m face à son destin
Le dernier jour de compétition olympique à Colombes se déroule le dimanche 13 juillet. L’équipe helvétique, pour qui des éloges commencent à fuser de toutes parts, a encore deux atouts à faire valoir : Arthur Tell Schwab au 10000 m marche et le relais 4 x 100 m. Mais avant ces deux nouveaux grands moments pour l’athlétisme suisse, nos deux lanceurs sont à pied d’œuvre pour les qualifications du lancer du disque. Le Saint-Gallois de Balgach Werner Nüesch lance son engin de 2 kg à 38,20 m, ce qui le classe au 16e rang de ces qualifications. Quant à au Bâlois Otto Garnus, son meilleur essai est mesuré à 35,16 m, soit le 26e rang final.
En début d’après-midi ont lieu les trois demi-finales du relais 4 x 100 m. Alignée dans la première course, l’équipe suisse doit affronter les États-Unis, le Canada et la Grèce, tout espérant décrocher l’une des deux places qualificatives pour la finale. Objectivement, il faudrait parler de l’unique place disponible pour la finale, tant l’équipe américaine est au-dessus du lot. Et effectivement, en courant en 41″0, les USA ont battu de deux dixièmes leur record du monde établi la veille lors des séries. Emmenée dans le sillage des Yankees, l’équipe suisse a assuré le coup à merveille en terminant à la deuxième place espérée. Les passages tendus de cette vaillante équipe de sprinters helvétiques leur ont permis d’égaler leur record national en courant une nouvelle fois en 42″2. En finale, il faudra au minimum le même genre de transmissions, mais aussi courir individuellement plus vite que jamais. Et ce n’est qu’au prix de ces actions qu’un éventuel podium pourra être conquis. Mais comme cet objectif intéresse également les Anglais, crédités de 41″8 dans la deuxième demi-finale, ainsi que les Néerlandais, victorieux dans la troisième course en 42″2, sans compter les Hongrois (42″4) et les Français (42″5), on voit que tout va être très serré derrière les Américains. Nous serons fixés dans deux heures.
Le quatuor suisse prend tous les risques en finale du 4 x 100 m
Le 4 x 100 m, qui est l’avant-dernière course des Jeux Olympiques de Paris, pourrait amener à la Suisse un troisième podium après les deux médailles d’argent décrochées par Paul Martin sur 800 m et Willy Schärer sur 1500 m. Pour que le rêve devienne réalité, il faudra que tout soit parfait au niveau des passages de témoin. À priori les Américains et les Anglais sont intouchables, mais les Pays-Bas semblent à portée de tir des Suisses. Ces deux petites nations possèdent une technique de transmission du témoin reconnue par tous comme étant très bien huilée, contrairement à celle des Britanniques ou des Français. Le tirage au sort a désigné les États-Unis à la corde, la Hongrie au couloir 2, la Suisse au 3, la Grande-Bretagne au 4 , les Pays-Bas au 5 et la France au 6. On rappelle également que dans la configuration du stade de Colombes, dont le tour mesure 500 m, on part pour ce 4 x 100 m en ligne droite et ce sont les deuxièmes et surtout les troisièmes relayeurs qui doivent courir en virage. L’importance des passages de témoin est une chose, mais il y a aussi l’aspect de la fraîcheur physique qui entre en jeu lors de ce dernier jour de compétition. Le Britannique Harold Abrahams, par exemple, en est à sa onzième course en une semaine (100 m, 200 m et 4 x 100 m), alors que l’Américain Loren Murchison en totalise sept (100 m et 4 x 100 m), tout comme le Suisse Josef Imbach (400 m et 4 x 100 m). Malgré son titre de champion olympique du 100 m, Abrahams n’est pas le plus rapide dans la ligne opposée. C’est l’Américain Louis Clarke qui lance les États-Unis sur la bonne trajectoire. Et bien que Murchison ait faibli sur la fin, les USA remportent la victoire en égalant leur record du monde en 41″0. Les sprinters British se sont bien accrochés en terminant deuxièmes en 41″2, nouveau record d’Europe. Derrière, la bagarre a fait rage entre les Pays-Bas, la Suisse et la Hongrie. On l’a dit, il fallait prendre tous les risques en tendant les passages de témoin au maximum. À ce jeu-là, les Néerlandais sont très forts et ils parviennent à arracher la médaille de bronze en 41″8, au détriment des Suisses et des Hongrois. Le quatuor helvétique a longtemps pu croire en ses chances. Karl Borner et Heinz Hemmi ont été dans le coup. Hélas lors de l’ultime charnière, entre les deux Genevois Josef Imbach et Victor Moriaud, la transmission du témoin semble avoir été un peu longue. Moriaud s’est battu jusqu’au bout, remontant le Hongrois et restant à un souffle du Hollandais. La Suisse a terminé quatrième de cette finale olympique, mais le jury avait bien vu que le passage entre Imbach et Moriaud était hors zone, tant et si bien que les Helvètes ont été disqualifiés. Il n’y a pas de regrets car il faut reconnaître la supériorité des sprinters Bataves.
Les Etats-Unis remportent le 4 x 100 m devant la Grande-Bretagne. La Suisse (masquée) termine 4e, mais elle sera disqualifiée
C’était bien de tendre au maximum les passages, mais il aurait fallu aussi tenir compte de l’état de fatigue de Josef Imbach, qui n’est pas arrivé aussi vite que d’habitude sur Victor Moriaud. Malgré cette mésaventure, les sprinters suisses ont prouvé que leur technique de transmission pouvait partiellement compenser leur manque de vitesse individuelle. La méthode mise en place par Heinz Hemmi a le mérite d’avoir fait ses preuves quasiment jusqu’au bout et ces trois courses de Paris ont montré la voie à suivre pour que la Suisse se fraye un chemin en direction du plus haut niveau.
PAB
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