Samedi 5 juillet 1924, le grand jour est arrivé. La délégation suisse se prépare à prendre part à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques. Pourtant avant de défiler dans le stade de Colombes, le chef de mission a à cœur de se rendre avec toute l’équipe sous l’Arc de Triomphe de l’Étoile afin de déposer une couronne sur la tombe du soldat inconnu. En défilant devant cette tombe, les athlètes suisses, entourés de la colonie suisse de Paris, ont voulu témoigner leur vive sympathie à la France et rendre un pieux hommage à ses morts, parmi lesquels figurèrent de nombreux athlètes de la dernière guerre. Une croix blanche confectionnée en edelweiss et placée sur un coussin de soie rouge est déposée par les athlètes suisses sur la tombe du soldat inconnu.
La cérémonie d’ouverture dans le stade de Colombes
Après ce moment intense, il est temps de rejoindre les abords du stade Yves-du-Manoir à Colombes, d’où les délégations partent pour ensuite parader dans le stade olympique. La cérémonie d’ouverture des Jeux de la VIIIe Olympiade se déroule par un temps superbe. Tout le gratin politique est présent : le Président de la République, le président et les membres du Conseil des ministres, les présidents du Sénat, de la Chambre, etc. Les comités nationaux olympiques tiennent à ce que leur délégation soit la plus flamboyante possible. Il est vrai que, pour la première fois aux Jeux Olympiques, pas moins de mille journalistes se sont amassées dans la tribune de presse. Ce retentissement médiatique va mettre un peu plus de pression aux 660 athlètes, exclusivement masculins, qui vont prendre part durant cette semaine du 6 au 13 juillet aux 27 épreuves du programme olympique. Le président du C.I.O., le baron Pierre de Coubertin, foule fièrement la pelouse du stade en compagnie de prestigieux invités tels le prince de Galles, le prince Henry d’Angleterre, le prince de Roumanie ou le Shah de Perse. Au son de quatre musiques, accompagnées par une chorale de 700 participants, le cortège des athlètes se met en route en pénétrant par la porte du Marathon. Successivement, les délégations défilent devant plus de 50000 spectateurs. Voici l’imposante masse des athlètes américains, les plus nombreux, qui défilent en ordre parfait : leur tenue uniforme et leur allure martiale en imposent au public. Derrière, viennent les Finlandais, puis les Français à l’allure alerte. La Grande-Bretagne fait elle aussi belle impression. D’autres pays suivent, la Grèce, Haïti, la Hollande, la Hongrie, l’Inde, l’Irlande, chaque nation présente son originalité. Les Italiens qui défilent en faisant le salut fasciste sont suivis d’une délégation de petits Japonais. Enfin, derrière les Suédois, voici le drapeau suisse… C’est le Bâlois Otto Garnus qui ouvre le cortège helvétique en portant un panonceau; derrière lui vient M. Max Sillig de Vevey, portant l’étendard national, puis le Docteur Francis-Marius Messerli et de Professeur Richème représentant le Comité Olympique Suisse. Nos dirigeants sont suivis de nos athlètes défilant en rangs de quatre. Athlètes et escrimeurs, vêtus de blanc, précèdent une équipe de football portant le maillot rouge. Et derrière, pour finir, une section impressionnante de 48 gymnastes. La centaine de Suisses est ovationnée de tous les gradins. Derrière les Suisses, viennent les Tchécoslovaques, les Turcs munis de leur fez, l’Uruguay représenté par sa redoutable équipe de football et quelques athlètes, et enfin la Yougoslavie.
Le défilé terminé, les délégations arrivent sur la pelouse centrale. Après un discours de M. le comte Clary, le président du Comité Olympique Français, c’est M. Doumergue qui prononce les paroles désormais traditionnelles : «Je proclame l’ouverture des Jeux de Olympiques de Paris, célébrant la VIIIe Olympiade de l’ère moderne». Aussitôt après, une sonnerie des trompettes se fait entendre, le canon tonne et un lâcher de pigeons a lieu pendant que le drapeau olympique, les cinq anneaux symboliques sur fond blanc, est hissé au sommet du mât olympique d’où il ne sera redescendu que le jour de clôture de ces Jeux Olympiques de Paris. Puis les chœurs chantent la Marche héroïque de Saint-Saëns et les porte-drapeaux viennent se ranger en demi-cercle devant la tribune présidentielle. Alors que tous les drapeaux sont inclinés et que les athlètes lèvent le bras droit, l’athlète Géo André, porte-drapeau de la délégation française, prononce à haute voix le serment de l’athlète : «Nous jurons que nous nous présentons aux Jeux olympiques en concurrents loyaux, respectueux du règlement qui les régit, et désireux d’y participer dans un esprit chevaleresque pour l’honneur de nos pays et la gloire du sport». Et après un nouveau et magnifique chœur, « Saint-Sébastien » de Claude Debussy, le cortège se remet en marche en effectuant un tour et demi de piste pour ressortir par la porte du Marathon. Et alors que la dernière délégation passe sous la porte, le public évacue le stade après avoir assisté à un spectacle de près de deux heures. Le drapeau olympique et ceux des 45 nations engagées continuent à flotter gaiement, éclairés par un beau soleil. Semblables à des gouttes d’eau dans cet océan hautement symbolique, les Suisses ont bien sûr apprécié ce moment exceptionnel. Du côté des athlètes, ils ne sont que cinq avoir connu les mêmes sensations quatre ans plus tôt à Anvers : Ernst Gerspach, Willi Moser, Josef Imbach, Constant Bucher, ainsi que Paul Martin, très certainement l’un des plus touchés de tous les athlètes suisses.
PAB
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