S’il y a actuellement un athlète helvétique qui peut revendiquer l’étiquette du « couteau suisse par excellence », c’est bien Simon Ehammer (TV Teufen). Médaillé de bronze du décathlon lors des championnats du monde U20 2018 à Tampere, champion d’Europe 
U20 en 2019 à Borås où il établit un nouveau record suisse junior avec 7’851 points, on pense alors que le jeune Appenzellois a tout pour devenir la star de notre pays. Confirmation dès 2020 quand il frôle le record suisse à Langenthal avec 8’231 points, ce qui lui vaut d’être élu athlète suisse de l’année. Il brille l’année suivante lors de l’heptathlon lors des championnats d’Europe en salle à Torun, mais un zéro à la perche vient contrecarrer ses plans. Peu importe, il se relance brillamment l’été venu à Schaffhouse en sautant à 8,15 m en longueur, puis en devenant champion d’Europe U23 à Tallinn avec 8,10 m. McGyver ne nous contredira pas, posséder un couteau suisse est primordial. Bien sûr dans ce genre d’outil polyvalent, il y a toujours des accessoires qui ne sont pas de grande utilité. Pour Simon Ehammer, il s’agit du lancer du disque et du 1500 m. En revanche, la majore partie de ses fonctions sont de première qualité avec le 100 m, le saut en hauteur, le 110 m haies et le saut à la perche. Quant à sa lame principale, le saut en longueur, elle est tellement tranchante qu’elle va découper la hiérarchie mondiale dans la discipline lors d’un concours multiple; et plutôt trois fois qu’une !
Le premier acte se déroule le 29 janvier 2022 à Aubière lors de l’heptathlon du X-Athletics. L’équipe suisse y est venue en force avec Andri Oberholzer (Amriswil Athletics), Finley Gaio (SC Liestal) et Mathias Steinmann (LV Frenke) entourant Simon Ehammer en apparemment en feu. Après un 60 m couru en 6″83 qui lui permet de laisser le recordman du monde Kevin Mayer un mètre derrière lui, l’Appenzellois se prépare maintenant pour le saut en longueur. Son ultime saut d’essai avait certes été mordu, mais il avait fait réagir le public car il était retombé bien au-delà de la ligne des huit mètres. On espère que Simon ait reculé judicieusement ses marques lorsqu’il s’élance pour sa première tentative. Sa course est rapide et fluide, l’appel claque idéalement sur la planche et le Suisse s’envole tel un oiseau planeur pour retomber tout au bout du bac à sable. Eberlué par sa propre performance, sous le ravissement du public qui a compris qu’un exploit venait de se produire sous ses yeux, le Suisse s’approche en sautillant vers les juges qui sont en train de mesurer son saut. Soudain il se prend la tête entre ses mains et se retourne vers ses amis Steinmann et Gaio présents au bord du sautoir et leur annonce : «Acht sechs und zwanzig !!!». Les deux potes l’enlacent dans un mouvement de communion et le public s’exclame bruyamment en voyant les 8,26 m qui s’affichent sur le panneau. Ivre de joie, Simon court à travers la salle, n’en revenant pas. Au bord de la piste, Mayer écarte les bras dans un étonnement qui partage la joie de Simon. Le visage totalement illuminé, Ehammer sait qui vient de pulvériser le record suisse en salle de 25 centimètres, mais surtout il dépasse de dix centimètres la performance de l’Américain Ashton Eaton, les 8,16 m établis lors de son dernier record du monde de l’heptathlon en salle à Istanbul le 9 mars 2012 et qui avaient alors valeur de meilleure performance mondiale de tous les temps lors d’un concours multiple en salle. En terminant son heptathlon avec 6’285 points, Ehammer détient à ce moment-là la meilleure performance mondiale de la saison indoor 2022.
La suite logique se déroule le 19 mars à Belgrade où il devient vice-champion du monde de l’heptathlon lors des Mondiaux indoor. Auteur d’un nouveau record national avec 6’363 points, Simon n’est devancé que par le Canadien Damian Warner, qui établit la meilleure performance mondiale de l’année avec 6’489 points. Le Suisse améliore trois de ses records personnels : le 60 m en 7″75, le saut en hauteur avec 2,05 m et le saut à la perche avec 5,10 m.
Le deuxième acte des prodiges de Simon Ehammer se déroule tôt dans la saison estivale 2022. Le 7 mai lors du meeting d’épreuves combinées de Ratingen, l’Appenzellois prend part à un premier décathlon qui s’apparente plutôt à un test grandeur nature qui vient se greffer trois semaines avant le premier haut point de sa saison, le meeting de Götzis. En Allemagne, le vent souffle de face dans la ligne droite du stade, mais son 100 m est bon avec 10″65 (-0,5 m/s). Tout cela est prometteur, ceci d’autant plus que le saut en longueur se déroule dans la ligne opposée. Il faut pourtant être patient car Ehammer ouvre son concours avec 7,69 m. Il s’améliore nettement au deuxième essai avec 7,97 m et le voilà maintenant en bout de piste en train de préparer mentalement son ultime tentative. Le vent souffle idéalement au moment où il s’élance et la tribune entière retient son souffle. La planche est bonne et l’ellipse décrite par Ehammer dans les airs de 
Ratingen est impressionnante. Le ramené laisse une marque homogène dans le sable, tandis qu’un « ooooooh! » admiratif rugit depuis les gradins. Conscient d’avoir réalisé un saut exceptionnel, Simon attend le verdict qui, comme souvent, met du temps à être délivré. Ce bond gigantesque est finalement annoncé à 8,30 m ! Il améliore ainsi de trois centimètres le record suisse en plein air que Julien Fivaz (SEP Olympic La Chaux-de-Fonds) détenait depuis le 2 août 2003 à Ebensee. Surtout, comme à Aubière cet hiver, il établit la meilleure performance mondiale de tous les temps au saut en longueur dans le cadre d’un décathlon, l’ancienne marque appartenant au Canadien Damian Warner avec ses 8,28 m qu’il avait réussi l’an dernier à Götzis. Tout au long du week-end, ce simple test se transforme en un magnifique chef-d’œuvre pour Simon Ehammer, qui conclut son périple sur la plus haute marche du podium avec un nouveau record suisse à 8’354 points (10″65 – 8,30 m – 14,68 m – 2,04 m – 48″30 | 13″75 – 39,13 m – 5,00 m – 53,01 m – 4’57″55). Est-ce nécessaire de dire que l’Appenzellois est fin prêt pour Götzis ?
Le troisième acte de cette merveilleuse histoire se déroule donc le 29 mai en Autriche, où les meilleurs athlètes mondiaux des concours multiples se retrouvent à l’occasion du 47ème Hypo-meeting de Götzis. Les conditions atmosphériques dans le Rheintal semblent parfaites, ce qui fait saliver le public connaisseur du Mösle-Stadion. Simon Ehammer est là souriant car sûr d’être l’un des athlètes que le public va suivre avec attention. Comme toujours, le 100 m est censé donner le ton : que dire en voyant Simon battre de quatre centièmes son record personnel en 10″46 ? Rien; seulement attendre le saut en longueur… Cette discipline est l’attraction du jour car maintenant plus personne ne peut être pris au dépourvu en voyant sauter le Suisse. Légèrement penché en bout de piste, sentant un petit vent souffler dans son dos, l’Appenzellois se nourrit des battements de mains cadencés venant de l’ensemble du stade. Remonté comme jamais un coucou suisse ne l’a été, Ehammer déboule devant la tribune dans une débauche d’énergie fantastique. On scrute la planche au moment où son pied déclenche son saut; tout est OK. Son corps, tel un missile, est propulsé dans le ciel et il semble presque en apesanteur. Sentant le saut parfait, Simon s’applique à ramener ses jambes bien devant lui. Wouaw ! Pas de doute, il vient de se produire un exploit monumental à Götzis. Le décathlonien du TV Teufen regarde sa marque laissée dans le sable et exulte déjà, il sait qu’il vient d’écrire un morceau d’anthologie. Il ne tient plus en place, mais fixe sans arrêt le panneau d’affichage, qui s’illumine d’un coup avec trois chiffres incroyables : 8 4 5 ! Oui, l’Appenzellois de 22 ans vient d’améliorer son record suisse de quinze centimètres avec un saut de 8,45 m venu d’ailleurs. Après une petite course sur la piste en se prenant la tête dans ses mains, il a vite fait de s’agenouiller sur la ligne d’arrivée. Incrédule et dans un état second, il revient ensuite devant la tribune, les bras en l’air, sous les vivats d’un public absolument comblé d’avoir vu ce qu’il espérait. Cette nouvelle meilleure performance mondiale de tous les temps en décathlon est absolument folle, mais elle témoigne également de l’incroyable talent du décathlonien suisse. Songez qu’avec ces 8,45 m, il aurait remporté l’or olympique en 2008 à Pékin, en 2012 à Londres, en 2016 à Rio et en 2021 à Tokyo ! Après son immense saut, réalisé avec seulement 0,2 m/s de vent favorable, il renonce à ses deux essais suivants. En tête à l’issue de la première journée, son total intermédiaire de 4’636 points lui donne l’espoir de battre une nouvelle fois le record national. Ce sera chose faite au terme d’un week-end mémorable dans le Vorarlberg avec 8’377 points (10″46 – 8,45 m – 14,42 m – 2,03 m – 48″44 | 13″75 – 36,98 m – 5,10 m – 55,98 m – 5’08″51), tout en laissant une marge de manœuvre très intéressante en vue de son prochain décathlon, prévu pour la fin août à Munich.
Mais avant les championnats d’Europe, Simon Ehammer se fixe un objectif ambitieux : défier les meilleurs sauteurs en longueur du monde lors des championnats du monde à Eugene ! Idée saugrenue ? Pas du tout puisqu’il se présente en Oregon en étant le leader de la discipline. Ce concours de ces Mondiaux est intense, mais il ne décolle pas vraiment. Longtemps en deuxième position avec un saut à 8,16 m, Ehammer cherche à revenir sur le Grec Miltiadis Tentoglou et ses 8,32 m. Il ne parvient pas à faire mieux et, pire, il se fait dépasser par le Chinois Wang Jianan, qui réussit 8,36 m au dernier essai. Cette médaille de bronze est tout de même un très grand exploit car elle représente l’une des neuf médailles mondiales de l’athlétisme suisse.
Pour terminer son héroïque saison 2022, Simon Ehammer s’empare de la médaille d’argent au décathlon des championnats d’Europe à Munich avec un total record de 8’468 points. Ses performances, notamment 8,31 m en longueur et 2,08 m en hauteur, lui ont longtemps permis de rêver au titre européen. Il est cependant encore trop faible au disque, au javelot et au 1500 m pour espérer tenir tête jusqu’au bout aux gros bras du décathlon. Leader depuis la première épreuve, le 100 m couru en 10 »56, l’Appenzellois termine la première journée avec 4’661 points et une avance de plus de 300 points sur l’Italien Dario Dester et le Norvégien Sander Skotheim. Facile ont dit certains… Mais c’était sans compter l’Allemand Niklas Kaul, capable de réaliser des miracles lors de la seconde journée. Simon lance pourtant parfaitement la journée décisive en remportant le 110 m haies en 13″75. Il se rate complètement au disque avec 34,92 m, mais il se ressaisit brillamment en améliorant son record personnel au saut à la perche, passant une barre à 5,20 m. Le javelot remet en cause sa suprématie après un 53,46 m qui ne pèse pas bien lourd face aux 76,05 m de Kaul. Avant le 1500 m, Ehammer ne possède plus que 178 points d’avance sur l’Allemand, ce qui représente une marge de 28 secondes. Cet énorme avantage ne suffit pourtant pas et Simon est battu de 87 points, mais avec tout de même un nouveau record suisse à 8’468 points (10″56 – 8,31 m – 14,24 m – 2,08 m – 47″70 | 13″75 – 34,92 m – 5,20 m – 53,46 m – 4’48″72). La légende de Simon Ehammer est en marche et on se réjouit de suivre ses prochaines aventures.
PAB
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Les records du monde de l'athlétisme suisse
| Episode | Athlète | Record | Année | Site | |
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| Accueil | Les records du monde suisses |  |  |
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| Episode 1 | Josef Imbach | 100 m 400 m | 1920 1924 | | |
| Episode 2 | Paul Martin | 600 m | 1925 | | |
| Episode 3 | Francesca Pianzola Louise Groslimond Adrienne Kaenel | Javelot "two-handed" Disque"two-handed" Triple | 1922-1925 | | |
| Episode 4 | Ilsebill Pfenning | Hauteur | 1941 | | |
| Episode 5 | Meta Antenen | Pentathlon | 1969 | | |
| Episode 6 | Edy Hubacher | Poids (décathlon) | 1969 | | |
| Episode 7 | Werner Günthör | Poids en salle | 1987 | | |
| Episode 8 | Julien Wanders | 5 km sur route | 2019 | | |
| Episode 9 | Simon Ehammer | Longueur (heptathlon en salle) Longueur (décathlon) | 2022 | | |
