ATHLE.ch VINTAGE | TIMELINE LES RECORDS DU MONDE DE L'ATHLÉTISME SUISSE / EPISODE 5 | Tout au long de l'Histoire de l'athlétisme suisse, de magnifiques performances ont été réalisées, mais rarement au point d'en devenir un record du monde. ATHLE.ch VINTAGE revient sur la carrière des onze athlètes suisses qui ont réussi à graver une fois ou l'autre leur nom sur les tablettes sacrées de l'athlétisme mondial. Le cinquième des neuf épisodes de ce dossier est consacré à Meta Antenen, qui a battu le record du monde du pentathlon en 1969.

La première semaine de juillet 1969 a été marquante pour l’athlétisme suisse. Le vendredi 4 juillet, l’apothéose du meeting international de Zurich est assurée par Philippe Clerc (Stade Lausanne) lors d’un 200 m d’anthologie. Le sprinter lausannois de vingt-trois ans a littéralement conquis le cœur du public zurichois en égalant d’abord le record suisse du 100 m en 10″2, puis en battant le record d’Europe du 200 m en 20″3. Au sommet de son art, Philippe Clerc doit dès ce moment-là trouver la sérénité dans sa préparation en vue des championnats d’Europe d’Athènes, prévus à la mi-septembre 1969. Le lendemain ont lieu à Liestal les championnats suisses de pentathlon féminin. À priori, ce devait être un petit championnat suisse réunissant les quelques athlètes féminines les plus complètes du pays. Sauf que cette petite compétition helvétique va devenir le théâtre d’un exploit retentissant au niveau mondial d’une jeune athlète : Meta Antenen (LC Schaffhausen). À 20 ans, la pétillante blonde n’en est pas à son coup d’essai puisqu’elle est déjà détentrice de seize records nationaux. Mais c’est insuffisant pour elle, qui aspire à de plus grandes ambitions. Née à Orpund le 7 avril 1949, Meta Antenen a été découverte par l’entraîneur schaffhousois Jack Müller. Cet ancien décathlète a pris sous sa coupe l’écolière de onze ans en 1960. Il s’est appliqué dès lors à établir un programme de travail parfaitement adapté aux caractéristiques de son élève, sans jamais brûler les étapes. Meta se fait remarquer pour la première fois sur le plan international en 1966 à Budapest lors des championnats d’Europe; elle n’a alors que dix-sept ans. La même année, elle enlève à Odessa les titres européens juniors du pentathlon et du 80 m haies. Subjugués par tant de grâce et de talent, les journalistes suisses n’hésitent pas à la désigner « sportive suisse de l’année » ! En constante progression, elle prend part en 1968 aux Jeux Olympiques de Mexico où elle décroche la huitième place du pentathlon. Avant cette compétition à Liestal, le palmarès de Meta Antenen comprend seize titres nationaux en élite : sur 100 m en 1965 et 1966, sur 80 m haies en 1965, 1966 et 1968, au saut en hauteur en 1965 et 1966, au saut en longueur en 1964, 1965 et 1966, au pentathlon de façon interrompue de 1965 à 1968 et sur 4 x 100 m en 1965 avec l’équipe du LC Schaffhausen pour un duel épique à Thoune face au LC Zürich.

À Liestal, elles ne sont qu’une quinzaine d’athlètes en lice pour ces championnats suisses de pentathlon des femmes. Il faut savoir la discipline vient de subir un lifting important puisque le 80 m haies a été supprimé du programme international au profit du 100 m haies. Ainsi le pentathlon féminin se déroule sur deux jours avec le 100 m haies, le lancer du poids et le saut en hauteur le premier jour, puis le saut en longueur et le 200 m la seconde journée. C’est l’excellente Heide Rosendahl (Allemagne de l’Ouest) qui a d’abord établi la première référence le 11 mai 1969 à Leverkusen avec 4’995 points. Elle a consolidé son total vingt jours plus tard à Heidelberg avec 5’023 points (13″6 – 13,26 m – 1,65 m / 6,21 m – 24″8). Ces informations ne sont à la base pas trop importantes. Cependant, au fur et à mesure que le week-end va avancer, tout le monde va vouloir connaître le détail de ce record mondial. Pour l’heure, au moment de l’échauffement des concurrentes, il n’y a pas la grande foule le long des barrières du Liestaler Gitterli. Meta Antenen, comme à son habitude très concentrée, refait ses gammes sur les haies, d’abord de côté, puis de face. Elle se sent en bonne forme, mais elle doit également constater que le vent souffle de manière défavorable dans la ligne droite. Mais peu importe, Meta y va, quoi qu’il arrive, toujours à fond. Depuis de nombreuses années, elle a la grande chance de pouvoir compter sur la concurrence de très bonne valeur d’Elisabeth Waldburger (LC Zürich). Les deux athlètes sont de solides jeunes femmes, pétries de talent et de tempérament. Et une fois de plus à Liestal, la course de haies a été de toute beauté avec un départ en boulet de canon de Meta, que sa rivale a réussi à contrer. Plus sûre de sa technique, la Schaffhousoise se détache sur la fin et termine son 100 m haies en 13″5, à un dixième de son record suisse, ceci malgré un vent contraire de -2,3 m/s ! Ce n’est certainement pas trop présomptueux de dire que par temps calme, le record suisse aurait volé en éclats. Avec ses bons 14″1, Waldburger a égalisé sa meilleure performance de la saison. Malgré de mauvaises conditions de vent, ce pentathlon est tout de même rudement bien parti pour Meta Antenen, avec un dixième de mieux que le record du monde. Mais pas de joies trop hâtives car il est venu le temps pour elle de manger son pain noir. En effet, avec ses 1,68 m et ses 56 kg, elle n’a pas vraiment le profil d’une lanceuse de poids. Elle va tout de même réussir à limiter les dégâts en améliorant son record personnel de vingt-cinq centimètres avec 11,28 m. Auteur d’un très bon 13,09 m, la Zurichoise Elisabeth Waldburger a désormais pris la tête dans ce championnat suisse de pentathlon, avec trente-six points d’avance. Dans son duel à distance avec Heide Rosendahl, Meta Antenen a quand même pris là une sacrée grosse mine face aux 13,26 m de sa rivale Allemande. Le poids n’a pas été compétitif, mais tout cela est en connaissance de cause pour Jack Müller, l’entraîneur de la Schaffhousoise. Il sait que sa protégée possède un bel atout pour la prochaine épreuve, le saut en hauteur. Spectateur très attentif lors des Jeux Olympiques 1968 à Mexico, Jack n’est de loin pas resté insensible aux événements qui se sont produits lors de la finale du saut en hauteur. Il a étudié sous toutes les coutures le style du nouveau champion olympique Américain Dick Fosbury. Immédiatement convaincu que cela pourrait aussi être un style pour les femmes, il va l’inculquer dès son retour en Suisse. Et effectivement le Fosbury flop a conquis les jeunes sauteuses dès la mi-novembre. C’est René Maurer, l’ancien recordman suisse (2,07 m en 1966), qui a démontré ce style très habilement lors d’un cours à Macolin et les filles présentes étaient après quelques sauts et en survêtement déjà au niveau de leur record personnel ! Meta Antenen a vite fait de s’approprier les rudiments de cette nouvelle technique. C’est avec un record personnel à 1,64 m (en ciseau) qu’elle se présente sur le sautoir de Liestal. En prenant ses marques, elle s’aperçoit qu’un public désormais assez nombreux va suivre ce concours du saut en hauteur, avec un enthousiasme débordant. Meta Antenen bondi comme jamais, sous les encouragements du public. Elle touche coup sur coup à de nouveaux sommets avec 1,65 m, puis 1,68 m et même 1,71 m, tous franchis au premier essai. En pulvérisant son record personnel de sept centimètres, elle s’est parfaitement relancée. Cependant sur les conseils de son entraîneur, elle n’a pas tenté la barre suivante à 1,74 m, ceci dans le but de préserver les réserves de force requises pour le deuxième jour de la compétition. Avec 2’980 points pour Meta et 2’872 points pour Elisabeth Waldburger, les objectifs sont atteints pour les deux jeunes femmes. La Schaffhousoise est revenue plus que jamais dans la course au record du monde.

La seconde journée de ce pentathlon reprend avec le saut en longueur, la discipline de parade de Meta. Détentrice du record suisse avec ses 6,30 m réalisés à Mexico, Meta a de quoi marquer de gros points dans sa lutte face au total de Rosendahl. À cela près que l’Allemande est également une bonne sauteuse en longueur. Les nouvelles du soir et les journaux du dimanche ont largement relayé ce qui était en train de se passer à Liestal, tant et si bien que la foule, composée de spécialistes mais aussi de profanes et de curieux sont venus voir sur place qui était cette Meta Antenen. Ils en ont eu pour leur compte dès le premier essai avec une belle entrée en matière mesurée à 6,28 m. C’est sept centimètres de mieux que le saut de Rosendahl à Heidelberg, mais ce n’est pas fini. Meta se concentre à nouveau longuement en bout de la piste, puis entame la course d’élan de son deuxième essai. L’appel, précis, claque sur la planche et l’envolée est cette fois-ci magistrale. Le public crie car il a vu que le saut est allé très loin. C’est le cas car le préposé à la mesure indique 6,49 m ! Un juge-arbitre doit venir tout de suite remesurer la marque car il s’agit bien là d’un nouveau record suisse, battu de dix-neuf centimètres. C’est l’allégresse autour du sautoir. 6,49 m, mais c’est une des meilleures performances mondiales de l’année ! Déterminée à faire mieux encore, Meta remet les gaz pour une ultime tentative, qui est mesurée à 6,33 m, soit encore une fois au-delà de son ancien record suisse de Mexico. Le coup est fantastique car la blonde Schaffhousoise possède désormais cinq points d’avance sur le record d’Heide Rosendahl. Même les plus sceptiques s’attendent à présent à une amélioration du record mondial.

Le bouche à oreille a bien fonctionné en ce dimanche après-midi, puisqu’il y a maintenant 1200 spectateurs dans le Liestaler Gitterli. Chacun veut être témoin d’un record du monde; c’est en tout cas ce qui se trame dans le chef-lieu de Bâle-Campagne. Mais entre le désir du grand public et l’état de forme d’une athlète, il y a tout de même un monde d’écart que seuls les spécialistes savent apprécier. Les données sont pourtant très claires : Meta Antenen, qui possède un record personnel à 24″9, doit courir au moins en 24″8 si elle veut s’approprier le record du monde du pentathlon. Elle sera en cela bien aidée par Waldburger car elle est bien meilleure sprinteuse. La Zurichoise va pourtant créer deux faux-départs et ainsi augmenter la tension déjà bien haute. Néanmoins, dans un calme éolien absolu et sous un soleil de plomb, Meta a très bien réussi son troisième départ. Dans le virage, la puissance d’Elisabeth mène les deux jeunes femmes dans un magnifique duel. La logique est respectée avec la victoire de Waldburger, mais la Schaffhousoise parvient à tenir le rythme dans la ligne droite. Les chronométreurs, au nombre de trois par athlètes, sont unanimes : 24″4 pour la Zurichoise et… 24″6 pour Meta Antenen. Ça y est, le record du monde du pentathlon féminin est désormais sa propriété avec 5’046 points, soit vingt-trois unités de mieux que le total d’Heide Rosendahl. C’est la liesse sur le Gitterli ! Immédiatement après sa course, Meta déclare : «Je suis toujours à bout de souffle et je veux juste prendre une douche. Cette compétition de Liestal a été fantastique, le public tout simplement fantastique». Et quelques minutes plus tard : «Je suis satisfaite de ce record du monde, mais je sais que le record du monde du pentathlon est encore très jeune. Chaque jour, d’autres peuvent surpasser mon total». La concurrence promet d’être féroce en septembre prochain lors des championnats d’Europe à Athènes. Mais ça c’est une autre histoire; et on ne vous parle même pas d’Helsinki 1971…

PAB

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1924
Episode 2Paul Martin600 m1925
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Disque"two-handed"
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1922-1925
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Episode 5Meta AntenenPentathlon1969
Episode 6Edy HubacherPoids (décathlon)1969
Episode 7Werner GünthörPoids en salle1987
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Episode 9Simon EhammerLongueur (heptathlon en salle)
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