Le mois de juin voit encore trois belles sorties avec le 14 juin Spitzenleichtathletik à Lucerne et une magnifique victoire grâce à son saut réussi à 4,70 m. Le 25 juin elle s’envole vers une nouvelle victoire avec un excellent 4,72 m lors des Kuortane Games, puis le 29 juin elle termine à la deuxième place du concours des Paavo Nurmi Games à Turku avec 5,52 m. Hélas durant cette compétition, un muscle de la cuisse gauche de Nicole s’est froissé lors de sa première tentative à 5,62 m. De retour en Suisse, les médecins diagnostiquent une légère lésion musculaire lors de l’examen IRM et ont donné le feu vert. La blessure n’est pas grave assure Büchler, mais sa participation aux championnats d’Europe est-elle certaine ? Bien que présente à Amsterdam, la Seelandaise doit toutefois se résoudre à renoncer à cette compétition, où un podium lui était promis. Il s’agit là d’un revers majeur après la saison qui avait jusqu’à présent été quasi optimale. L’expérience acquise dans ces situations malheureuses pourrait éventuellement profiter à Nicole Büchler. Malgré cette blessure intempestive, la recordwoman suisse du saut à la perche ne pense pas qu’elle sera prétéritée en vue des Jeux Olympiques. Elle va prendre le temps nécessaire afin de guérir complètement, tout en espérant que ce processus sera rapide et efficace. C’est la raison pour laquelle elle renonce au meeting de Monaco et de Londres, ainsi qu’aux championnats suisses à Genève. Durant cette période, elle fait l’objet d’un bel article de Steve Landells, paru sur le site Internet de l’I.A.A.F. et qui récapitule sa carrière, puis se focalise sur sa magnifique prestation aux championnats du monde en salle cet hiver à Portland, tout en se demandant comment elle fait pour sauter si haut avec de si petites perches. Quant aux Jeux Olympiques de Rio, le journaliste lui demande si elle croit faire partie des meilleures : «C’est difficile à dire», admet Nicole. «Je saute bien dans la Diamond League, alors je devrais croire que je pourrai concourir au sommet lors des Jeux Olympiques. Je me sens toujours comme l’opprimé, mais je peux défier les meilleures filles».
La plupart des athlètes olympiques sont déjà à Rio, mais Nicole Büchler n’arrivera que dans une semaine. En ce moment, on est en droit de se demander si la sauteuse à la perche de Bienne pourra vraiment participer à la compétition. En effet la dernière photo parue dans le « Bieler Tagblatt » montre Nicole Büchler pensive dans un pré, avec une grosse cuissarde autour de sa jambe gauche et un titre qui résume toute la situation : Voyage vers l’inconnu. Il est écrit qu’elle ne participera pas à la cérémonie d’ouverture et qu’elle ne se rendra au village olympique de Rio que le 10 août. En ce qui concerne son état de santé, la Biennoise ne peut toujours pas être sûre d’obtenir le feu vert de son médecin : «Non, le muscle n’est pas encore rétabli. Les examens médicaux de mardi dernier ont révélé que les muscles de ma cuisse sont bien approvisionnés en sang et sont donc toujours en phase de guérison. La blessure a été initialement jugée moins grave qu’elle ne l’était vraiment». Afin de soulager ses jambes, Büchler a complètement changé son plan d’entraînement. Elle plaisante en disant qu’elle n’a probablement jamais eu le haut du corps aussi tonique de sa vie. Elle veut aussi tirer le meilleur parti de cette situation difficile : «Bien sûr, j’aurais aimé que ce soit différent. Mais il ne sert à rien d’enterrer ma tête dans le sable, sinon je n’aurais même pas à m’envoler là-bas». Les qualifications du saut à la perche se disputeront le 16 août. Il est fort possible que si Büchler devait ressentir toujours la blessure à Rio, elle fera l’impasse sur les sauts d’entraînement : «Bien que ce soit une préparation tronquée, ce n’est pas la fin du monde non plus. Le saut à la perche est un sport très technique, mais on ne l’oublie pas si facilement». Il y a quatre ans, Nicole Büchler était dans une situation similaire. Blessée peu de temps avant les Jeux Olympiques de Londres, elle avait concouru en étant loin de sa forme. «Ce n’était pas une belle compétition. J’étais très tendue à cause de la blessure et je ne pouvais pas me concentrer sur mon concours. J’en ai tiré les leçons et je ne me mettrai pas sous pression inutile à Rio».
Les Jeux Olympiques 2016 à Rio
À l’approche des Jeux Olympiques, on ne savait pas si Nicole Büchler serait capable de concourir à Rio. La faute à une blessure à l’ischio de la cuisse gauche contractée le 29 juin à Turku. Jugé anodin, le mal était en fait bien plus grave, au point d’immobiliser pendant six semaines la recordwoman suisse. Le processus de guérison a été lent, mais des signes de progression relativement favorables ont poussé les médecins à donner, au dernier moment, leur feu vert. Ouf !
Le concours de qualifications du saut à la perche des femmes se déroule le mardi 16 août à 9:45. Comme l’an dernier à Pékin, l’horaire et le décalage horaire ont fait partie d’une attention particulière afin que la perchiste se retrouve dans les meilleures conditions possibles à ce moment-là. Mais le souci principal réside surtout dans le fait de voir si Nicole est capable de courir à fond et sans douleurs. Le ticket pour obtenir une place en finale est placé à 4,60 m, mais comme d’habitude aux J.O. ou aux Mondiaux, une barre franchie à 4,55 m peut suffire si elle est effacée au premier ou au deuxième essai. Les 36 concurrentes sont réparties en deux groupes et on constate d’entrée que toutes celles qui avaient fait le show à Portland cet hiver sont présentes. Placée dans le groupe B, Nicole Büchler entame ses qualifications olympiques à 4,45 m, une barre maîtrisée au premier essai. Le clan suisse respire déjà un peu mieux suite à cette première belle prestation. Il ne faut pourtant rien relâcher car cette fameuse barre couperet de 4,55 m est maintenant installée et 22 athlètes vont tenter de la dompter, dont la jeune prodige helvétique de 19 ans Angelica Moser (LC Zürich) qui a battu récemment le record suisse U20 à 4,57 m lors du meeting de Frauenkappelen. Sept concurrentes parviennent à leurs fins dès le premier essai, dont Sandi Morris et Nicole Büchler. Cette situation est absolument optimale pour la Seelandaise qui, apparemment, peut même se contenter de ce saut pour être qualifiée pour la finale. Sept autres athlètes franchissent ces 4,55 m au deuxième essai, dont Jennifer Suhr et Eliza McCartney, mais à cause de leur premier échec, elles devront en découdre à 4,60 m. Enfin seule Yarisley Silva parvient à sauver sa peau au troisième essai, ce qui fait qu’elles sont 16 (15 + Katerina Stefanidi qui n’a pas encore sauté) en lice à 4,60 m. Cependant, comme imaginé, les cinq athlètes qui ont franchi toutes les barres au premier essai (Kelsie Ahbe, Alana Boyd, Nicole Büchler, Sandi Morris et Tina Sutej) font l’impasse. Les six ténors (Katerina Stefanidi, Holly Bradshaw, Lisa Ryzih, Jennifer Suhr, Eliza McCartney et Yarisley Silva) assurent le coup à leur première tentative et elles sont rejointes ensuite par Martina Strutz, alors que c’est la Finlandaise Minna Nikkanen qui est la première non-qualifiée avec ses 4,55 m pourtant franchis d’entrée (mais prétérité par son accroc à 4,45 m). Tout cela pour expliquer que ce concours de qualification a été d’un niveau jamais vu et que la cruauté du verdict est toujours très tranchante. Pour la première fois depuis des lustres, Nicole Büchler a passé l’écueil haut la main et cette performance est vraiment à souligner et même à applaudir !
Il se passe trois jours entre les qualifications et la finale. Un temps inhabituel – d’habitude il y a deux jours – qui s’avère être favorable à la Suissesse car elle peut ainsi mieux récupérer des sollicitations qu’elle a fait subir à son ischio. Le vendredi 19 août sera-t-il le jour le plus important dans la carrière de Nicole Büchler ? Ce qui est sûr, c’est que l’aspect tactique durant cette soirée sera tout aussi déterminant que l’aspect physique. À l’exception de Stefanidi et Suhr, toutes les finalistes sont en lice à 4,50 m et huit d’entre-elles franchissent la barre dès leur premier essai, dont Büchler qui n’éprouve aucun problème. À part Ryzih qui fait l’impasse, elles sont toutes là à 4,60 m. Stefanidi, Morris, McCartney et Boyd réussissent un bon coup en effaçant d’entrée la latte blanche et noire. Bradshaw, Suhr et Silva doivent avoir recours à une seconde tentative pour passer également cette hauteur. Enfin Strutz et Büchler se reprennent à leur troisième saut et continuent leur progression. Elles sont encore dix à 4,70 m, donc tout peut arriver. Stefanidi, McCartney et Bradshaw semblent être dans un bon jour puisqu’on les voit passer d’entrée. Elles sont rejointes par Büchler qui réussit elle aussi un magnifique saut à 4,70 m, très haut même si elle fait légèrement trembler la barre en retombant un peu dessus. Si Morris au deuxième et Boyd au troisième essai se rassurent, ce qui n’est pas le cas du quatuor formé de Suhr, Silva, Strutz et Ryzih, qui doivent toutes déchanter.
La lutte continue à 4,80 m avec six concurrentes. Le classement provisoire voit le duo Stefanidi / McCartney en tête, suivi de Bradshaw, de Büchler qui est une brillante quatrième devant Morris et Boyd. Il se passe beaucoup de chose à cette hauteur. McCartney passe au premier essai et prend seule la tête de ce concours olympique. Büchler manque son premier saut et décide de garder ses deux chances pour 4,85 m, alors que Stefanidi, Morris et Boyd effacent ces 4,80 m au deuxième essai et Bradshaw est éliminée. Avant de tenter 4,85 m, Nicole Büchler se retrouve en 6ème position et, quoi qu’il arrive, elle a déjà un diplôme olympique dans son escarcelle ! On entre dans le money time de cette passionnante finale olympique avec cinq femmes assoiffées d’or. La première série d’essais débouche sur un statu quo, donc tout reste possible pour chacune des cinq perchistes. En bout de piste d’élan – c’est fou de le penser, mais c’est pourtant une réalité – Nicole Büchler a l’occasion de devenir championne olympique en cas de saut victorieux ! Il s’agit de son huitième saut de la soirée, donc la fraîcheur physique n’est forcément plus trop au top. Elle donne tout dans sa course d’élan, mais à 4,85 m la barre est placée trop haut et elle doit malheureusement s’en tenir à sa sixième place. La finale se poursuit avec les réussites de Stefanidi et de Morris au deuxième essai et les éliminations des deux perchistes Down Under que sont McCartney et Boyd. Aucune barre n’étant franchie à 4,90 m, le classement final du saut à la perche des femmes aux Jeux Olympiques 2016 est donc le suivant :
Après la compétition, Nicole Büchler déclare à la télévision suisse SRF : «Le rang 6 est plus que je n’aurais jamais pu rêver. C’est incroyable après toute mon histoire de blessures. Bien sûr on ne peut pas savoir ce qui aurait été possible ici si j’avais pu m’entraîner normalement ces six dernières semaines». Ce qui est en revanche sûr et certain, c’est que Nicole est la troisième femme de l’Histoire de l’athlétisme suisse à avoir réussi à décrocher un diplôme olympique (top 8) après Meta Antenen (8ème du pentathlon en 1968 à Mexico et 6ème du saut en longueur en 1972 à Munich) et Cornelia Bürki (5ème du 3000 m en 1984 à Los Angeles).
Nicole Büchler a reçu énormément de messages de félicitations et tout un lot d’éloges pour son saut de 4,70 m et son diplôme décroché à l’issue de la finale olympique du saut à la perche. Le 6 septembre, la ville de Bienne ne perd pas de temps pour honorer leur perchiste lors d’une réception au Blöschhaus. Le maire Erich Fehr (à gauche) et Cédric Némitz, directeur de l’éducation, de la culture et des sports, lui ont remis des fleurs et un certificat.
PAB
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