La blessure au pied qui a éloigné Nicole Büchler des sautoirs durant l’ensemble de la saison 2010 été très longue à se résorber, puis à guérir complètement. Le ressort n’est pas vraiment cassé, mais il est tout de même bien distendu et c’est la raison pour laquelle aucune prise de risque n’est tentée. Ainsi la saison 2011 en salle est sagement et fort logiquement zappée, surtout dans le but de pouvoir reprendre la préparation physique et technique sans la moindre pression due au temps.
Le retour de la championne de Macolin en compétition se déroule le 4 juin lors de la finale CSI à Genève. En passant 4,30 m, on peut constater avec soulagement que les affaires sont sur le point de reprendre leur cours normal. C’est d’autant plus vrai le 13 juin à l’occasion du meeting Mémorial Susanne Meier à Bâle avec 4,40 m. Après un déplacement à Izmir avec l’équipe suisse (2ème avec 4,15 m), Nicole parvient à retrouver son niveau de 2009 grâce à son record suisse égalé à 4,50 m réussi le 25 juin à Berne. Ensuite, comme souvent lors du Spitzenleichtathletik de Lucerne, la performance est au rendez-vous avec 4,40 m. La préparation pour les championnats du monde est assez intense, puis une série de compétitions forcément un peu moins performantes se déroule durant la première quinzaine du mois d’août avec 4,01 m le 30 juillet à Fribourg, puis 4,30 m lors du meeting du 1er août à Frauenkappelen et une défaite aux championnats suisses le 5 août à Bâle avec 4,15 m; il faut dire qu’Anna Katharina Schmid est absolument impériale ce jour-là et son titre assorti à un record personnel à 4,45 m est absolument superbe. Deux compétitions de préparation sont encore au programme de la Seelandaise avant de s’envoler pour les championnats du monde à Daegu : le 13 août à Lausanne (4,30 m) et le 16 août à Regensdorf (4,20 m).
Les championnats du monde 2011 à Daegu
Le long voyage vers la Corée du Sud permet à Nicole Büchler de débarquer à Daegu pour participer à ses seconds championnats du monde. Berlin 2009 avait excellent et seul un manque de réussite l’avait privée d’une place en finale. Cette année, il faut constater que le niveau général est encore plus solide qu’il y a deux ans. Le mode de qualification étant le même qu’à Berlin (4,60 m), il faudra sortir le meilleur pour espérer avoir une chance de passer en finale. Le concours débute bien avec 4,10 m et 4,25 m au premier essai, mais il lui faut trois tentatives pour franchir 4,40 m. Une fois de plus le money time du concours se déroule à 4,50 m. En passant à son premier saut, les chances de qualification serait grandes; mais ce n’est qu’au troisième essai qu’elle franchit cette hauteur, ceci pour la cinquième fois de sa carrière. Classée dixième ex-aequo sans que les meilleures n’aient encore sauté, elle sait qu’elle est condamnée à l’exploit à 4,55 m. Dix athlètes parviennent à maîtriser cette hauteur, par conséquent celles qui ont passé en premier les 4,50 m sont qualifiées. Et encore une fois c’est Kristina Gadschiew qui décroche la dernière place qualificative. Nicole Büchler termine ces qualifications au 16ème rang avec ses 4,50 m et Anna Katharina Schmid juste un rang derrière avec 4,40 m. L’histoire se répète donc pour Nicole Büchler, mais il n’est pas question de s’apitoyer, comme elle le relève en zone mixte : «Je suis fière de moi car j’ai pu surmonter au moment décisif ce blocage psychologique qui m’a empêché durant tout l’été de sauter comme il faut. Ma technique est bonne, mais je manque de sauts à l’entraînement». Bien que la qualification n’ait à nouveau pas souri à la Suissesse, les spécialistes sont d’avis que le potentiel semble être bien là. Après la saison blanche de l’an dernier, elle avait juste besoin de temps pour tout remettre en place. Le timing a hélas été un poil trop juste pour être au top à Daegu. Pourtant elle fait bien partie du gotha mondial du saut à la perche et elle le prouve le 8 septembre lors de la finale de la Diamond League à Zurich avec une 8ème place grâce à ses 4,42 m.
Saison 2012 en salle
La préparation pour l’année olympique s’est bien déroulée et on attend une concrétisation dès la saison 2012 en salle, pour laquelle sept compétitions sont au programme et dont les championnats du monde indoor à Istanbul constitueront le sommet de l’hiver. Tout commence bien le 21 janvier à Wuppertal avec une victoire à 4,46 m. Elle enchaîne avec deux concours à Macolin qui se soldent par un saut réussi à 4,32 m, puis le 12 février elle se classe troisième avec 4,42 m, tout en manquant de peu ses tentatives contre le record suisse. Pas de panique, le fruit est mûr et il tombe naturellement le 19 février lors des championnats suisses en salle à Saint-Gall. Son saut victorieux à 4,52 m est magnifique d’aisance et on a tous vu qu’il y a encore de la marge. Quatre jours plus tard elle se rend à Stockholm pour disputer le meeting XL Galan. Malgré une belle concurrence, elle termine cinquième avec 4,52 m à nouveau. Tous les voyants sont donc au vert au moment d’aborder les championnats du monde en salle à Istanbul.
Les championnats du monde 2012 en salle à Istanbul
Le dimanche 11 mars se déroule dans l’Ataköy Athletics Arena une finale directe à seize athlètes. Yelena Isinbayeva – qui vient de porter le record du monde indoor à 5,01 m – est bien sûr la grande favorite, mais derrière elle on sent que tout peut arriver. Le concours débute à 4,30 m, puis passe par 4,45 m, deux barres totalement bien maîtrisées par la Suissesse au premier essai. On est tout de suite dans le vif du sujet de cette finale puisqu’on en est maintenant à 4,55 m. L’occasion est trop belle pour Büchler et elle ne tremble pas le moins du monde lors de sa seconde tentative pour améliorer le record suisse de trois centimètres, une performance qui lui rapporte finalement le 8ème rang de ces Mondiaux indoor.
Un couac impensable à Helsinki
La saison estivale 2012 est marquée par les Jeux Olympiques, mais juste avant les championnats d’Europe à Helsinki seront également d’une grande importance pour Nicole Büchler. La première compétition se déroule le 11 mai à Winterthour avec un saut prometteur à 4,40 m, mais la suite l’est un tout petit peu moins avec quatre concours entre 4,20 m et 4,26 m. Alors qu’on commence à se poser quelques questions, la Seelandaise surprend tout le monde le 17 juin à Riehen en battant une nouvelle fois le record suisse avec un magnifique au saut à 4,60 m qui représente la 8ème performance mondiale de l’année et la 37ème de tous les temps. Elle étrenne son nouveau record en débarquant aux championnats d’Europe à Helsinki avec le statut de grande outsider. Le concours de qualification du 28 juin réunit 31 concurrentes, prêtes à passer les 4,45 m demandés pour obtenir le ticket pour la finale. Nicole Büchler débute son concours modestement à 4,15 m, mais sa première tentative est manquée, tout comme sa deuxième d’ailleurs. Le dos au mur, elle s’élance pour rectifier le tir; mais l’impensable se produit : Nicole est éliminée avec trois essais nuls ! C’est vraiment dommage si l’on songe que les trois places du podium se sont vendues à 4,60 m. Elle se console (un peu) et se rassure (surtout) le 7 juillet lors des championnats suisses à Berne en décrochant un second titre national en plein air avec 4,45 m. Elle peut désormais peaufiner sa préparation en vue des Jeux Olympiques de Londres. Mais le meeting de Lucerne et celui de Monaco, qui devaient faire partie de ce processus, doivent être abandonnés à cause d’un durcissement au mollet. Il s’agit de ne prendre aucun risque et d’arriver au stade Olympique de Londres en bonne santé physique.
Les Jeux Olympiques 2012 à Londres
L’expérience des Jeux Olympiques 2008 à Pékin, ainsi que la dure leçon subie récemment à Helsinki pourront-elles permettre à Nicole Büchler de briller lors des Jeux Olympiques de Londres ? Il faut bien comprendre que le saut à la perche reste un pari perpétuel et que tout peut arriver, notamment en fonction des conditions atmosphériques. Bien sûr au final, le but est toujours de sauter le plus haut possible. La 22ème du concours de Pékin attend cet événement londonien depuis quatre ans et rêve de décrocher un diplôme (top-8). Mais avant cela, il faut passer par ces satanées qualifications qui se disputent le 4 août à 10:20 du matin. Mitch Greeley, resté aux États-Unis, tente de trouver une chaîne de télévision sur Internet qui diffuse ce concours, mais sans succès. Il reçoit pourtant un SMS qui l’informe que sa femme a manqué ses deux premiers essais à 4,10 m. Le spectre d’un nouveau zéro se profile devant elle, mais Nicole reste forte et elle assure parfaitement le coup lors de sa troisième tentative. Elle se sent nettement mieux à 4,25 m, puisqu’elle passe au premier essai. Hélas cette impression n’est pas aussi visible à la hauteur suivante. Mitch trouve enfin une diffusion TV de ce concours et voit sa chère femme dans le stade Olympique en découdre face au vent lors de sa première tentative à 4,40 m. Strappée derrière la cuisse et le genou de sa jambe droite, Nicole donne tout ce qu’elle a dans cet essai mais la barre tombe. «Elle a attendu trop longtemps pour décoller», analyse-t-il. Nicole Büchler a encore deux tentatives, mais l’Américain ne peut pas voir le deuxième essai car il y a un bloc publicitaire en cours… Un peu plus tard, la troisième tentative de Büchler démarre et s’arrête sans sauter. L’aventure olympique de la Seelandaise est ainsi terminée. «C’est dommage», dit Greeley, mais ajoute immédiatement qu’il est très fier d’elle. «Nicole sera assez déçue, alors je n’ai pas à l’être aussi», ajoute-t-il. Le bilan de ce concours olympique place la Suissesse au 25ème rang sur 39 participantes. La déception de Nicole Büchler est réelle et bien évidemment fort compréhensible : «C’est le reflet de cette saison avec des hauts et des bas. C’est une déception, mais pas venue de nulle part. Je ne peux vraiment pas parler d’une bonne préparation. Mais nous avons essayé le meilleur. Bien sûr, prendre encore et encore des analgésiques n’était pas non plus idéal». Nicole Büchler va maintenant devoir faire une pause et se soigner efficacement : «Je dois découvrir exactement ce qui ne va pas avec cette blessure. Dernièrement, il y avait aussi une accumulation de liquide. Cela n’a pas de sens de cette façon».
Au mois d’octobre, les coulisses du saut à la perche helvétique s’affolent un peu car l’entraîneur Raynald Mury a donné sa démission, pour raisons professionnelles et ceci en même temps que le retrait de la compétition de Nadine Rohr. Peter Haas, le chef technique de Swiss Athletics, est donc à la recherche d’un nouvel entraîneur, avec des vues en direction de l’Allemagne. Cet oiseau rare, qui doit bénéficier de compétences qui s’étendent tant sur l’aspect physique que technique, est pourtant rapidement trouvé : il s’agit de Herbert Czingon, un véritable spécialiste du saut à la perche. «Il a une expérience incroyable et ses séances d’entraînement sont vraiment très bonnes», déclare Büchler avec un certain enthousiasme.
PAB
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