Photo : (c) Daniel Mitchell
Qualification pour les JO de Tokyo 2020
- L’IAAF veut 1900 athlètes aux Jeux, contre 2268 à Rio 2016, soit une réduction de 16%
- Les minima sont considérablement plus exigeants que lors des dernières éditions (voir ici)
- La période de qualification a été étendue du 1er mai 2019 au 29 juin 2020
- L’objectif est d’atteindre le Target number d’athlètes sélectionnés à 50% via les minima et à 50% via le nouveau Ranking de l’IAAF
Commentaires | Les pays (petit) pays riches avantagés
L’enjeu est de promouvoir son nouveau système de Ranking. Pour rappel : ce dernier devait déterminer les qualifications pour les Mondiaux 2019 à Doha, avant que l’IAAF fasse marche arrière. Le mode de qualification pour Tokyo 2020 est une forme de compromis entre l’ancien et le nouveau système. Le « remplissage » pour atteindre le quota de 1900 athlètes ne se fera plus en fonction des performances, mais du nouveau Ranking.
En plus des performances (chrono)métriques, le Ranking (mis à jour chaque semaine ici) attribue des points de rang en fonction de la valeur du meeting : de championnats du monde à meeting national, en passant par finale de Diamond League, meeting international et championnat national.
A ce jeu-là, les athlètes suisses sont privilégiés, avec un nombre d’opportunités unique de marquer des points. Non seulement parce que les championnats suisses donnent droits au même nombre de points que les championnats des Etats-Unis, du Kenya ou de Jamaïque ; mais aussi parce que notre petit pays compte une plus densité exceptionnelle de meetings de hauts rangs, auxquels les Helvètes sont avantagés quant à l’attribution des places de départ : en Diamond League (Lausanne, Zurich) ou dans une rencontre bien dotée (Genève, Chaux-de-Fonds, Lucerne, Bellinzone, Berne). A l’inverse, les représentants des grandes nations athlétiques se voient durement sanctionnés, d’autant plus s’ils n’ont pas les moyens financiers de voyager pour accumuler des points.
Dans un article très intéressant, The Sport Examiner affirme que : « Il y a bien plus derrière l’utilisation du Ranking qu’un nouveau système de qualification. Il s’agit d’un outil permettant à l’IAAF d’encourager les athlètes à participer à la Diamond League, d’attirer plus de spectateurs et de téléspectateurs à ces meetings et d’ainsi augmenter les rentrées financières des droits TV et du sponsoring ».
Réformes de la Diamond League pour 2020
- Il n’y aura plus que 12 meetings au lieu de 14 actuellement (sauf surprise avec Lausanne et Zurich)
- Il n’y aura plus qu’une seule finale au lieu de 2 actuellement (sauf surprise à Zurich)
- Il n’y aura plus que 24 disciplines au lieu de 32 actuellement
- La retransmission internationale de chaque meeting passera de 2h à 1h30
- Il n’y aura plus de courses plus longues que le 3000 m
Commentaire | L’IAAF estime-t-elle que l’athlétisme n’est pas un sport intéressant ?
Sur les 9 disciplines de course (100 m, 200 m, 400 m, 800 m, 1500 m, 5000 m, 110 m haies, 400 m haies et 3000 m steeple) et 7 disciplines techniques (hauteur, perche, longueur, triple, poids, disque et javelot), 4 (!) vont disparaître du programme de la Diamond League (8 entre les hommes et les femmes). On ne sait pas encore lesquels. Une seule indication, qui a provoqué des réactions virulentes sur le web : « Il n’y aura plus de disciplines plus longues que 3000 m ».
Référence mondiale en matière de course de fond et de running, le site américain www.letsrun.com s’est scandalisé de cette décision dans toute une série d’articles et de débats. La plateforme revendique entre 1 et 1,5 millions de visiteurs par mois, soit certainement plus que tous les meetings de Diamond League réunis. Une communauté acquise à la course à pied (dès 800 m) et pour qui la décision de la Diamond League de supprimer les 5000 m « pour un gain de 6 minutes de course » est totalement scandaleuse. Le site évoque les grandes légendes d’athlétisme que sont : Emil Zátopek, Mo Farah en passant par Lasse Virén, Haile Gebrselassie, Tirunesh Dibaba, Hicham El Guerrouj ou encore Kenenisa Bekele, sans même parler de l’Américain Steve Prefontaine qui a donné son nom à la seule étape américaine de la Ligue de diamants. Il rappelle aussi les moments de transe uniques créés dans les stades par les exploits de longues distances (ici les 26’27 de Paul Tergat sur 10’000 m à Bruxelles en 1997).
En plus d’écarter ces disciplines très populaires – les seules à relier l’athlétisme de haut niveau à la pratique sportive de millions de coureurs à travers le monde –, la décision de la Diamond League est terrible pour les nations fortes du fond que sont le Kenya et l’Ethiopie. Tendance pour les coureurs des Haut-plateaux : se tourner encore plus vers la route et le marathon, beaucoup plus lucratifs. Le bloggeur Toni Reavis pense en termes d’indépendance : « La communauté de course à pied va-t-elle continuer à encaisser les coups ? Il y a une opportunité et un besoin, n’est-ce pas le moment d’en profiter ? Arrêtons de demander à l’IAAF de nous reprendre, c’est le moment d’avancer. »
ATHLE.ch défend l’athlétisme et la course à pied comme seul et même sport et déplore également cette décision. Non sans être convaincu qu’au lieu de raccourcir les meetings, l’enjeu est de les rendre plus attractifs. Le football, le basket-ball ou le hockey n’ont jamais pensé à raccourcir leurs temps de jeu pour ne pas ennuyer les fans… A croire que l’IAAF elle-même estime son sport moins intéressant que d’autres… La piste que nous suivrions est celle de la valorisation des nations des athlètes par-delà la luttes entre fournisseurs vestimentaires.
Rien de neuf pour la Russie
Pas de changement pour la Russie, toujours bannie des compétitions internationales d’athlétisme, alors qu’elle continue à glaner les médailles dans tous les autres sports. De nouvelles révélations obtenues de la part de la chaîne allemande ARD et des problèmes administratifs et financiers non-résolus sont de nouveau mentionnés.
Commentaire | Question d’ombre et de lumière
Depuis plusieurs années, la Russie est la bête noire de l’athlétisme mondial, comme d’ailleurs de la politique mondiale. Pas loin derrière, le Kenya et l’Ethiopie. Pour les trois nations, les obstacles se multiplient pour figurer dans les meetings et les grands championnats, ce qui prive un grand nombre d’athlètes d’exception de faire carrière – et de l’ombre aux autres nations.