Photo : (c) Daniel Mitchell/ATHLE.ch
Face à une maigre concurrence, le recordman d’Europe Julien Wanders a remporté – suite à une nouvelle démonstration de force avec une impressionnante accélération juste avant la mi-course – sa deuxième victoire de rang à Bâle, après 6 triomphes successifs du Genevois d’adoption Tadesse Abraham. Au deuxième rang, à 44 secondes (toutes perdues en deuxième partie de course), on retrouve le Kenyan basé dans le Jura bernois Bernard Matheka (7e de la Corrida bulloise), dont le prénom a été germanisé en « Bernhard » sur les listes et qui s’est vu flanqué du dossard 43, loin des numéros 1 à 28 attribués aux coureurs à passeport suisse.
Mis à part le fidèle Sylvester Kipchirchir Kiptoo (6e à 1’13 secondes), les partenaires d’entraînement kenyans de Wanders n’ont pas eu le droit de prendre le départ. Idem pour Patrick Ereng, figure de proue des courses à pied suisses depuis de nombreuses années. Comme de nombreux autres, ils ont dû se contenter de participer aux Foulées automnales de Meyrin : course très sympa, mais beaucoup moins lucrative. L’an dernier, lorsque nous avions pris contact avec l’organisateur pour qu’il accepte deux des sparrings de Wanders, nous avions reçu pour réponse dans un mail des plus secs : « Il nous tient très à cœur de composer nos pelotons élite sur invitation et que les athlètes ou managers ne nous imposent pas les sportifs. Notre but est de distribuer les places de départ aux Suisses et aux athlètes vivant en Suisse et de donner par là à ces derniers la chance de récolter les primes de notre manifestation ». Position problématique vis-à-vis des valeurs de notre sport.
La course à pied : sport universel
La course à pied est sans conteste l’activité sportive la plus universelle qui soit, à l’entraînement comme en compétition. Elle se distingue notamment des autres sports par son accessibilité et son faible coût, permettant à tout un chacun, quelle que soit son origine, sa nationalité, sa classe sociale, de tenter sa chance, de s’entraîner et d’atteindre le haut niveau ; phénomène qui rend la compétition plus rude et plus belle que partout ailleurs.
En verrouillant leur course, les organisateurs font certes le bonheur des bourses helvétiques, mais témoignent d’un repli communautaire qui interroge et inquiète. Sans même parler du niveau, du spectacle, de l’essence et des valeurs mêmes de notre sport. Bonne nouvelle, les choses sérieuses recommencent dimanche prochain à Genève (2 décembre) et samedi d’après à Sion (8 décembre).
Un pas de plus que la « Post-Cup »
Dans une lettre adressée à Swiss Athletics en 2014, la légende du journalisme suisse Yves Jeannotat pointait déjà cette question eu égard à l’ancienne série de courses qu’était la « Post-Cup », qui récompensait uniquement les athlètes helvétiques : « Telle qu’elle est conçue actuellement, la formule de la Post-Cup inflige, lors de chaque course « sélectionnée » par les SwissRunners en accord avec La Poste, un camouflet à tous les coureurs étrangers qui y participent. Cette remise parallèle de prix spéciaux sur place sous les yeux des vrais vainqueurs qui n’y comprennent rien est violemment choquante, alors que la course à pied se veut un moyen universel de développement, de rapprochement et d’intégration ». Bâle fait un pas de plus en interdisant aux coureurs étrangers élite de participer à son épreuve.
