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Or donc, un titre de champion d’Europe de semi-marathon, une 7e place au marathon olympique et un record de Suisse du marathon ne valent pas grand-chose, aux yeux des „experts“ du sport. Tadesse Abraham ne figure pas dans la liste des six candidats choisis pour le titre de « sportif suisse de l’année », qui sera attribué dimanche prochain à Zurich dans le cadre des « Credit Suisse Sports Awards 2016 ».
Cette récompense couronnera la saison soit d’un tennisman (Stan Wawrinka ou Roger Federer), d’un lutteur à la culotte (Matthias Glarner), d’un handballeur (Andy Schmid), d’un vététiste (Nino Schurter) ou d’un cycliste (Fabian Cancellara), comme en ont décidé les journalistes du pays chargés de désigner les six finalistes.
Comme devant tout choix « hautement démocratique », on s’incline et on respecte. Nous n’allons pas « jouer » les sports les uns contre les autres. Les six hommes précités sont tous de beaux champions, et leur engagement comme leur passion méritent bien sûr un coup de chapeau.
Mais les comparaisons entre les sports – entre les adeptes de différentes disciplines – ont-elles un sens ? Choisir le sportif – et la sportive – de l’année suppose de peser des critères objectifs et multiples, tant que faire se peut. L’exercice est hautement délicat.
Chez les femmes, Heidi Diethelm Gerber (47 ans), choisie parmi les six finalistes après sa médaille de bronze au tir au pistolet à Rio, a commencé son sport à 33 ans. Il est inimaginable, dans des sports universels comme l’athlétisme, la natation ou le football, de pouvoir prétendre aux sommets en débutant aussi tard. Tout cela pour dire que ces traditionnelles récompenses de fin d’année comparent des pommes et des poires. D’autant plus lorsque les choix sont influencés par des préférences et des affinités personnelles, liées par exemple à la « sympathie » que dégagerait tel ou tel candidat, ou à la spécialisation professionnelle des votants.
Franchement, c’est une insulte à l’immense talent de Roger Federer que de l’avoir (encore) choisi parmi les finalistes. Déjà six fois couronné sportif suisse de l’année, le Bâlois n’a pas gagné le moindre tournoi en 2016. Il eût sans doute été le dernier à s’offusquer s’il n’avait pas été choisi parmi les candidats. De même, Jolanda Neff a été désignée chez les femmes alors qu’elle a manqué ses Jeux (6e en VTT, 8e de la course sur route). Et que dire de Matthias Glarner, héros alémanique d’un sport ancestral que la Suisse est la seule à pratiquer, et qui ferait sans doute un excellent lanceur de poids (par exemple) s’il quittait les ronds de sciure.
Immense respect, bien sûr, à tous ces champions. Mais respect tout aussi grand à ceux qui, comme Tadesse Abraham ou Nicole Büchler (également ignorée), auraient mérité à nos yeux d’être mieux considérés par les « faiseurs de roi » de ces Sports Awards, dont le grand public jugera de la crédibilité.
Olivier Petitjean
Cher Olivier
Je vois que l’athlétisme continue de retenir ton intérêt!