Dopage | Pourquoi la Russie ? PENSÉE ATHLÉTIQUE | Vendredi 17 juin, la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) a annoncé le prolongement de la suspension de la Fédération russe en cours depuis novembre 2015. Les progrès de la Russie en matière de lutte antidopage sont insuffisants pour permettre au pays de concourir à l’étranger. Conséquence : une des plus grandes nations d’athlétisme ne sera présente ni aux CE, ni aux JO. ATHLE.ch rappelle les faits et s’interroge.

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Les choses ne tournent pas rond sur la planète athlétisme, plongée dans un effrayant climat de suspicion, de dévoilement, de tricherie et de corruption. Alors que la suspension de la Russie s’est vue prolongée, nombreuses sont les questions ouvertes : sur l’avenir des athlètes russes, la réaction du Comité international olympique (CIO), l’intégrité du président de l’IAAF Sebastian Coe, le dopage dans les autres pays, Kenya, Jamaïque, Ukraine, Turquie en tête.

Rappel des faits

  • Décembre 2014
    Dans un documentaire intitulé « Geheimsache Doping: Wie Russland seine Sieger macht », le journaliste ARD Hajo Seppelt dévoile un dopage systématique en Russie. Plusieurs personnes se retirent ou sont privées de leur fonction dans diverses organisations nationales et internationales.
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  • Août 2015
    ARD diffuse un deuxième volet du documentaire de Seppelt : « Geheimsache Doping: Im Schattenreich der Leichtathletik ». Outre de nouvelles découvertes sur la Russie, le film pointe une large pratique de dopage au Kenya et dévoile une base de données de l’IAAF comportant des milliers de valeurs sanguines d’athlètes du monde entier, dont bon nombre témoignent, selon deux experts, de dopage sanguin. Indignation de l’IAAF et déni des résultats de l’expertise. Alors candidat à la présidence de l’IAAF, Sebastian Coe rétorque en termes de « déclaration de guerre » à l’athlétisme.
  • Novembre 2015
    Une commission d’enquête indépendante de l’Agence mondiale antidopage (AMA) reconnaît une pratique de corruption et de camouflage généralisée chez certains hauts-fonctionnaires de l’IAAF et de la Fédération de Russie. Elle dénie toutefois les résultats des experts concernant les valeurs sanguines. Quelques jours plus tard, l’IAAF suspend la Fédération russe d’athlétisme et pose toute une série de conditions pour la levée de la suspension.
  • Mars 2016
    Troisième volet de Seppelt : « Geheimsache Doping: Russlands Täuschungsmanöver », qui montre comment les entraîneurs et fonctionnaires russes échappent toujours et encore aux conditions posées par l’IAAF et l’AMA, empêchent l’accomplissement de certains contrôles et poursuivent la pratique de dopage.
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  • Mai 2016
    L’ancien chef du laboratoire antidopage de Moscou Gregori Rodschenkov témoigne dans le New York Times d’un dopage étatique en Russie pendant les JO de Sotchi.
  • Juin 2016
    L’AMA annonce que 736 contrôles antidopage n’ont pas pu être menés à bien en Russie ces derniers mois. La BBC dévoile que Sebastian Coe a été élu au poste de président grâce aux voix de Papa Massata Diack (fils de Lamine Diack, son prédécesseur à la tête de l’IAAF), actuellement sous le coup d’un mandat d’arrêt international pour son rôle dans le scandale du dopage en Russie. De plus Coe aurait menti sur la date à laquelle il a pris connaissance du scandale. L’IAAF prolonge l’interdiction de compétition internationale à la Fédération russe d’athlétisme, privant celle-ci de CE et de JO.

Interrogations en vrac

Quelle décision du CIO mardi prochain à Lausanne ?
Au vu des dernières informations, le CIO va conforter la position de l’IAAF. Certains athlètes russes pourraient malgré tout participer aux JO, sous la bannière du CIO : ceux capables de démontrer être parfaitement propres (parce que s’entraînant et ayant été contrôlés régulièrement hors de leur pays). Question : les contrôles négatifs sont-ils vraiment gage de propreté ? Et Marion Jones, Lance Armstrong, etc. ?

Quid des autres sports en Russie ?
Si le dopage est systématique dans l’athlétisme russe, il n’y a aucune raison qu’il n’en soit pas de même dans les autres sports. Y aura-t-il deux poids deux mesures ? Le CIO va-t-il suspendre tous les sportifs russes ?

Enjeu sportif – ou bien plutôt géopolitique, idéologique ?
Depuis les premiers dévoilements, il n’est guère question de sport, de performance, de médailles. Les enjeux sont ailleurs. Ils ont des relents de guerre froide. Patrick Clastres, historien de l’olympisme, prof. à l’Université de Lausanne, parle de « diplomatie des muscles ». « Pour frapper l’opinion publique mondiale, rien de tel que le sport, son éthique, et de dénoncer la tricherie des Russes », explique Clastres sur RTL.fr. « Car le dopage existe également aux Etats-Unis à grande échelle, il est le produit de laboratoires qui se sont spécialisés ». Ce qui est dénoncé, c’est « un dopage orchestré par l’Etat qui s’infiltrerait dans le quotidien des individus, qui les fabriquerait quasiment dès la naissance ». Autrement dit : tricher pour son pays, oui, mais en toute liberté.

Conséquences pour l’athlétisme, les autres nations, la Suisse ?
L’athlétisme en général se trouve plongé dans un climat de suspicion. Quiconque ne met pas les choses en perspective se satisfera de l’exclusion des athlètes russes sans s’interroger sur les performances semblables des athlètes des autres nations, forcément heureuses d’avoir quelques bons adversaires en moins. Médailles au rabais ?

Retrouvez ici notre série sur le dopage

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