ATHLE.ch VINTAGE | TIMELINE ILS MÉRITAIENT MIEUX / EPISODE 10 | Tout au long de l'Histoire de l'athlétisme suisse, de magnifiques exploits se sont produits lors des principales compétitions internationales. Hélas on doit également déplorer quelques grands ratés au cours de ces mêmes compétitions, dus à un coup malheureux qui a prétérité des athlètes qui auraient, de toute évidence, mérité mieux que ce qu'ils ont finalement récolté. Parmi les dix événements négatifs les plus marquants de l'Histoire de l'athlétisme suisse, ATHLE.ch VINTAGE retrouve Mujinga Kambundji (ST Bern) lors des championnats d'Europe de 2014 à Zurich, où un coup de témoin sur la cuisse va contrecarrer les plans de l'équipe nationale du 4 x 100 m.

Au début des années 2010, l’entraîneur national Laurent Meuwly propose un nouveau projet, ciblé sur le 4 x 100 m féminin. Cela peut paraître ambitieux car on ne peut pas dire que cette discipline ait défrayé la chronique à un quelconque moment dans l’Histoire de l’athlétisme suisse. Depuis les 51″1 du premier record national en 1949, les chronos se sont toujours améliorés, mais par période. On en est à 48″8 lors des championnats d’Europe 1954 à Berne, puis à 48″0 dix ans plus tard. Dès 1966, sous l’impulsion de Meta Antenen (LC Schaffhausen), le record suisse passe en quatre ans de 47″7 à 46″3. La situation s’améliore encore au milieu des années ’70, grâce aux sprinteuses Marie-Berthe Guisolan (CA Fribourg), Isabella Keller (LC Brühl), Judith Hein (LC Turicum), Isabella Keller-Lusti (LC Schaffhausen) et Regula Frefel (LV Winterthur), qui gagnent plus d’une seconde en deux ans en plaçant en 1976 le meilleur chrono national à 45″24. En fin de décennie, l’avènement de Vroni Werthmüller (TV Gösgen) et de Brigitte Wehrli (TV Unterstrass), conjugué à la pointe de vitesse des deux Isabella (Keller et Keller-Lusti), permet un nouveau pas en avant avec un joli 44″31 réussi le 23 juin 1979 à Brême. Pourtant, depuis ce jour-là, le record suisse va rester figé pendant 32 ans !
Il faut attendre la course d’Athletissima 2011 pour voir le projet Meuwly se mettre en place de manière concrète avec 43″90. Les championnats d’Europe 2012 à Helsinki sont un beau succès avec 43″51 lors des demi-finales et une belle sixième place finale en 43″61 pour Michelle Cueni (LC Zürich), Jacqueline Gasser (BTV Chur), Ellen Sprunger (COVA Nyon) et Lea Sprunger (COVA Nyon). La saison 2013 est explosive avec 43″48 lors d’Athletissima, puis 43″21 en demi-finales des championnats du monde à Moscou, ainsi que lors de Weltklasse. Laurent Meuwly, qui a trouvé son équipe type avec Mujinga Kambundji (ST Bern), Marisa Lavanchy (LC Zürich) et Ellen et Lea Sprunger, peut ensuite fêter un superbe 42″94 lors d’Athletissima en 2014. Tout est désormais en place pour les championnats d’Europe à Zurich.

Les championnats d’Europe 2014 à Zurich
Pour ces championnats d’Europe « à la maison », les organisateurs zurichois ont misé sur ce quatuor pour leur campagne de publicité. Il est vrai que la perspective d’une médaille n’a jamais été aussi réelle. Mais avant les séries du 4 x 100 m, les quatre relayeuses ont choisi de jouer leurs cartes personnelles. Sur 100 m, Mujinga Kambundji termine quatrième de la finale en 11″30, alors que Marisa Lavanchy est éliminée en séries en 11″65. La Bernoise se classe ensuite cinquième de la finale du 200 m en 22″83, une discipline qui permet à Lea Sprunger de courir en 23″12 lors des demi-finales. Quant à Ellen Sprunger, elle termine son heptathlon en treizième position avec 6’082 pts (13″65 – 1,73 m – 13,42 m – 24″17 | 5,95 m – 41,06 m – 2’12″93). Cette débauche d’énergie va-t-elle être préjudiciable lors du relais 4 x 100 m ? Lea Sprunger, la capitaine de l’équipe, balaie toutes les interrogations en affirmant qu’elles sont toutes prêtes.
Samedi 16 août, le moment tant attendu arrive enfin et le public suisse, à fond derrière ses sprinteuses, espère que ces séries passeront comme une lettre à la poste. C’est le cas puisque les quatre Suissesses assurent le coup avec une belle maestria, bien que le passage entre les deux sœurs Sprunger – tendu à l’extrême – a provoqué une belle frayeur dans les gradins. Troisièmes de la première course derrière la France (42″29) et les Pays-Bas (42″77), le quatuor helvétique termine à quatre centièmes du record suisse en 42″98, soit le quatrième chrono de ces séries. Si la Grande-Bretagne est bien là (42″62), l’élimination de l’Allemagne et les contre-performances de l’Ukraine et de la Russie font que l’horizon s’est passablement dégagé.
Dimanche en fin d’après-midi, le stade du Letzigrund est enfin plein et le public fait naître une ambiance de football en criant des «Hop Schwiiiz, hop Schwiiiz !» pour le moins sonores. Les Suissesses, visages de ces championnats d’Europe de Zurich, ont rendez-vous avec l’Histoire. Placée au couloir 8, l’équipe suisse va pouvoir faire sa course sans être influencée par ses adversaires et c’est très bien comme ça. Les athlètes sont maintenant prêtes derrière leurs starting-blocks et le silence qui s’abat soudain sur le Letzigrund est absolument assommant. La tension est à son comble au moment où le starter crie « on your marks ». Tous les regards sont braqués sur Mujinga Kambundji, la fusée de lancement qui doit mettre sur orbite ses coéquipières pour, espérons-le, une apothéose grandiose. Le temps de réaction de la Bernoise est excellent avec 133 millièmes. Ce sera pourtant le seul point positif de cette finale ! En effet, une scène absolument folle se produit : après une foulée, Mujinga laisse échapper le témoin et prend ses mains autour de sa tête. La course se déroule ainsi sans l’équipe suisse ! Dans les gradins, c’est la stupéfaction et l’incompréhension la plus totale, au point de se désintéresser totalement de la course, remportée finalement par les Britanniques en 42″24, devant les Françaises en 42″45, alors que ce sont les Russes qui décrochent le bronze en… 43″22. Oui, il y a une médaille à 43″22 car les Néerlandaises ont également subi un échec lors du premier passage entre Madiea Ghafoor et Dafne Schippers. Ce final, au pire scénario possible, est un véritable crève-cœur pour tous les fans helvétiques. Mais au fait, que s’est-il vraiment passé ? L’intéressée, en pleurs dans les travées du stade, explique sa mésaventure : «J’étais nerveuse, beaucoup plus nerveuse qu’au départ des finales du 100 m et du 200 mètres. Mais j’étais prête, ça oui. Je sentais l’adrénaline monter en moi. Et puis voilà, le témoin touche ma cuisse, et il s’envole…».

Les trois Nyonnaises, en larmes elles aussi, n’arrivent bien sûr pas à cacher leur déception : «J’avais tout imaginé… sauf ça !», lâche Marisa Lavanchy. «Là, je ne réalise pas encore. Ce dimanche 17 août aurait dû être une journée magnifique pour nous; il a tourné à la catastrophe». Même si cela faisait quatre qu’elles attendaient ce moment, Ellen Sprunger insiste sur le fait qu’il ne faut pas jeter la pierre à Mujinga : «Ce genre de choses peut arriver à tout le monde. Mujinga nous a déjà tellement souvent placées sur orbite… Là, je suis hyper mal pour elle». Quant à Lea Sprunger, elle s’empresse de déclarer : «Il va nous falloir du temps pour digérer. Mais notre aventure ne va pas s’arrêter là». La capitaine a cent fois raison ! Certes leur rêve a tourné au cauchemar. Oui, cette fin en queue-de-poisson est cruelle. Terrible est ce tour d’honneur, les larmes aux yeux, devant un public attendri par ce coup du sort qui s’est abattu sur leurs favorites. Alors que Mujinga sanglote encore : «Je suis désolée pour les autres, vraiment», il est certain que ce dimanche 17 août 2014 a fortement marqué les esprits du grand public.

Ce coup de témoin sur la cuisse de Mujinga Kambundji a ainsi contrecarré les bons plans du relais national et on ne saura jamais ce qu’il serait advenu à Zurich si la Bernoise était sortie de ses starting-blocks normalement. Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : l’équipe suisse du 4 x 100 m féminin méritait mieux que ce qui lui est arrivé lors de ces championnats d’Europe.

PAB

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