Le perfectionniste Wanders tout proche du sommet COMMENTAIRE | Julien Wanders a réussi une performance d’exception vendredi matin aux Emirats arabes unis. Il a abaissé le record d’Europe du semi-marathon de la star Mo Farah à 59’13.

Photo : (c) ATHLE.ch/Article publié dans le 24heures et la Tribune de Genève du samedi 9 février.

Il y a deux ans, à 20 ans, Julien Wanders s’est mis à battre des records suisses, ceux de Markus Ryffel, puis de Tadesse Abraham. Et puis, en fin d’année dernière, ce sont les records continentaux qui se sont mis à tomber, ceux de la légende britannique Mo Farah. Vendredi à Ras Al Khaimah, il a réussi un monstrueux 59’13 sur semi-marathon : le jeune coureur fougueux de ses débuts est par là officiellement devenu une force majeure de la course à pied mondiale. Le 5e Européen seulement à passer sous la barrière de l’heure, le meilleur non-Africain de tous les temps et le 38e performeur mondial de l’histoire. Complétement fou.

Un perfectionniste enthousiaste
Souvent décrit comme bourreau de travail, Wanders n’est pas une tête brulée, mais un perfectionniste. Comme il aime à le répéter, s’il est parti au Kenya, il y maintenant 5 ans, c’est d’abord pour « apprendre des meilleurs ». Vendredi matin, celui qui porte mieux que personne le surnom de « Kenyan blanc » avait réglé son réveil à 2h30. Au programme : footing de 20 minutes, d’abord tout lentement, puis à peine plus vite, tout en souplesse et en musique avec le rappeur Moha La Squale dans les oreilles. Suivi de 10 minutes d’exercices : assouplissements en mouvements, mise en tension, méticuleusement. Ensuite : déjeuner avec un shaker protéiné pour accompagner trois petits pains récupérés la veille au buffet. Repos jusqu’à 5h45, échauffement dès 6h et départ à 7h.

Le haut niveau qui fascine Wanders vient d’Afrique, là où la course à pied va de soi. Tendu vendredi à 45 minutes de son départ, il s’étonnait de voir les athlètes féminines des Haut plateaux pas encore parties à l’échauffement à 30 minutes du leur, avant de murmurer : « Elles ne stressent jamais, c’est ça leur force ». Une envie d’apprendre, un côté réfléchi et méticuleux qui volent en éclat dès le coup de pistolet, avec un enthousiasme fou, une générosité dans l’effort sans limite, un plaisir unique à aller au bout de soi-même.

Humble et ambitieux
Wanders a intégré le mode de vie des coureurs africains : quand il ne court pas, il canalise son énergie. En public comme dans le privé, il est humble et discret, parle d’une voix douce et détourne volontiers le regard. Tout le contraire de quand il court, ou il ne cache pas ses ambitions. Jeudi en conférence de presse, lorsqu’on lui demande si son rêve est de courir en 59’30, il sourit avant de répondre : « Peut-être que je rêve de beaucoup plus, qui sait ». Même sourire gêné lorsqu’on lui demande si Viktor Röthlin a été un modèle pour lui : « un peu », « pas vraiment », il esquive. En revanche, lorsqu’on lui souffle le nom du grand Eliud Kipchoge, son regard s’illumine. Vendredi, après la course il a répété à qui voulait l’entendre qu’être le meilleur coureur non-africain de l’histoire n’était pas ce qui l’intéressait vraiment ; qu’il voulait être le meilleur, un point c’est tout. Humilité et ambition illimitées : deux qualités qu’il marie aussi bien que perfectionnisme et enthousiasme.

Longtemps critiqué
Des années durant, le grand talent Julien Wanders a été la proie de la critique, de sourires mesquins, tant de la part des spécialistes que de la fédération nationale (Swiss Athletics). Pourquoi ? Parce qu’il n’a jamais été dans le cadre, n’a jamais fait les choses comme les autres ; parce qu’il en faisait beaucoup, parfois énormément, à l’entraînement ; parce qu’il était à l’écoute de son instinct, parfois même plus que de son entraîneur Marco Jäger ; parce qu’il ne s’est jamais fixé de limites ; parce que son but a d’emblée été d’atteindre le plus haut niveau mondial élite. Aussi, le soutien, la reconnaissance, l’admiration ne sont venus qu’avec les résultats. Maintenant, ils sont là.

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