Euro indoor | Commentaire | « C’est tout autre chose ! » CRUEL | Les premières épreuves des Championnats d’Europe indoor à Torun ont rappelé la beauté de l’athlétisme, comme lutte terrible… contre les autres. Pas avec soi-même et les autres, comme durant la saison, pour une perf, un record, mais contre les autres, pour la survie. Une épreuve cruelle, dans laquelle on s’engage forcément les dents serrées.

Durant la saison, la plupart des athlètes cherchent à faire des performances. Leur plus grand but, leur plus grand plaisir est de battre leur record, à tout prix. Ils préfèrent finir dernier avec un nouveau « PB » plutôt que de gagner avec une perf moyenne. En championnats, il en va tout autrement. L’enjeu est de battre ses adversaires, de finir devant, de passer des tours, finalement de grimper sur le podium. Forcément, la sélection est terrible, l’apprentissage cruel. D’autant plus à Torun, où la Fédération continentale European Athletics a choisi de durcir encore les règles du jeu en supprimant partout où c’est possible les repêchages au temps.

« Le calcul, la tactique ne sert pas à grand-chose »
« Soit t’es fort, soit t’es mort », expliquait jeudi soir, en zone mixte, un jeune coureur de 1500 m les yeux pétillant suite à son élimination pour quelques dixièmes au premier tour. Ils étaient 12 au départ, dans sa série, comme dans les autres – et les deux premiers seulement ont passé en finale. Deux sur douze. La grande majorité éliminée. Chacun fait son possible, voire impossible. Seuls les plus forts passent. Les autres sont out. La loi du plus fort. Pas du plus riche, du plus intelligent, du plus opportuniste ou complaisant, mais du plus fort. « Le calcul, la tactique ne sert pas à grand-chose : il faut être fort, c’est tout », répond le jeune homme à la question s’il a fait une erreur. « Bien sûr, avec mon coach, on a analysé mes adversaires, on a réfléchi aux scénarios, élaboré des stratégies. Je crois avoir fait tout juste, mais… pas assez fort. A la fin, les autres allaient plus vite ».

Impressionnant comme ça joue des coudes
Le Fribourgeois Charles Devantay (SA Bulle) était lucide lui aussi après son échec sur 400 m : « Un championnat comme ça, ce n’est pas du tout ce qu’on a l’habitude de faire ». Aux Suisses, à Macolin, il a été emmené, impérial, par son copain d’adversaire Ricky Petrucciani, qu’il a mangé sur la fin. Titre, record (46″66), 5e meilleur performance suisse de tous les temps.

A Torun, c’était une autre paire de manche : « On avait décidé de partir fort pour être deuxième à la cloche, mais les autres sont partis plus fort encore ». Le Fribourgeois s’attendait à ce que ce soit la bagarre, mais pas à ce point : « C’est impressionnant comme ça joue des coudes ». Dans l’avant-dernière ligne droite, à 100 m de la fin, il a voulu reprendre Mihai Cristian Pislaru, mais impossible. Le Roumain en a remis une couche, a poussé Devantay à l’extérieur. Le champion suisse n’a pas pu passer, a dû se résoudre à se remettre derrière, avant de finalement passer dans la dernière ligne droite. Mais loin des autres. Et de la qualif. Championnat terminé, dès les séries. Notre sport dans sa version pure et dure.

Mise en perspective : l’athlétisme est à l’image de la cruelle beauté de la vie, aux antipodes de notre vision du monde qui pousse à protéger jusqu’à l’absurde les plus fragiles.

Lien vers l’Euro indoor 2021 à Torun (horaires, listes de départ et de résultats)

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