ATHLE.ch VINTAGE | BIOGRAPHIE META ANTENEN / EPISODE 15 | Apparue au niveau national en 1964 à l'âge de 15 ans, Meta Antenen va rapidement atteindre le niveau européen en 1966, puis mondial dès 1968. ATHLE.ch VINTAGE propose de revivre la carrière exceptionnelle de Meta Antenen, la première icône féminine de l'athlétisme suisse. Le quinzième des vingt épisodes de cette biographie est consacré à la saison 1972 qui laisse Meta Antenen sur un goût d'inachevé suite aux Jeux Olympiques de Munich.

Les Jeux Olympiques de Munich
À 23 ans, Meta Antenen s’apprête à prendre part à Munich aux seconds Jeux Olympiques de sa carrière. Après sa huitième place dans le pentathlon de Mexico en 1968, il est évident que, quatre ans plus tard, les objectifs de la Schaffhousoise sont bien plus élevés. C’est désormais le saut en longueur qui est dans son viseur, étant donné qu’elle figure largement dans le top-10 mondial. La tuile, c’est cette opération au genou gauche qui a gâché une grande partie de sa saison. Une blessure à la jambe d’appel en avril, à quatre mois des Jeux Olympiques, ce n’est pas vraiment ce qui avait été imaginé par Meta et son entraîneur Jack Müller lors de l’élaboration du programme de cette saison 1972. Au lieu de se nourrir des certitudes de la saison précédente, la meilleure de sa carrière, le duo doit maintenant naviguer à vue, en fonction des douleurs qui vont et viennent continuellement. La dernière semaine de préparation de Meta se déroule à Macolin, tout comme l’an dernier avant les championnats d’Europe d’Helsinki. Elle prend ensuite ses quartiers dans le village olympique flambant neuf. Il n’est pas question de tergiverser trop longtemps dans la chambre car son entrée en compétition doit se dérouler lors de la première journée d’athlétisme. Ce fameux jeudi 31 août arrive enfin, avec les qualifications du saut en longueur à dix heures du matin. Les trente-quatre concurrentes, qui sont réparties en deux groupes de dix-sept, ont pour objectif de franchir les 6,30 m si elles veulent entrer en finale. Dans le groupe A, elles sont quatre seulement à dépasser ou atteindre pile cette limite : la Tchécoslovaque Eva Suranova avec 6,38 m au premier essais, tout comme la Bulgare Diana Yorgova avec 6,32 m et la Roumaine Elena Vintila avec 6,30 m. L’Allemande de l’Ouest Heidi Schüller doit s’y reprendre à deux fois pour réussir 6,32 m. Parmi les sauteuses qui ne parviennent pas à se qualifier figurent la Suissesse Sieglinde Ammann avec 6,26 m et un dix-septième rang final dans ces qualifications, mais surtout la championne d’Europe Allemande de l’Ouest Ingrid Mickler qui mord ses trois tentatives. Dans le groupe B, d’un meilleur niveau mais c’est un hasard, elles sont dix à se qualifier, dont sept sauteuses lors de leur premier essai : l’Allemande de l’Est Angelika Liebsch fait très fort avec ses 6,69 m, l’Allemande de l’Ouest Heide Rosendahl suit de près avec 6,62 m, alors que l’autre Allemande de l’Est Margrit Olfert se classe troisième avec 6,52 m. Classée au quatrième rang de ces qualifications, Meta Antenen tire à merveille son épingle du jeu en sortant d’entrée son meilleur saut de la saison avec 6,41 m. Suivent de près l’Américaine Willye White et la Roumaine Viorica Viscopoleanu avec 6,39 m, la Hongroise Ilona Bruzsenya avec 6,37 m, la Britannique Sheila Sherwood avec 6,33 m, la Cubaine Marcia Garbey avec 6,32 m et enfin la seconde Tchécoslovaque Jarmila Nygrynova avec 6,31 m. Ce premier round est donc relativement favorable à Meta Antenen avec cette très belle quatrième obtenue dès le premier essai. Il s’agit maintenant de récupérer de ce concours matinal, de manger intelligemment, puis de se remettre en route pour l’échauffement de la finale, qui verra quatorze sauteuses s’affronter, dès quinze heures trente, avec en tête l’obtention d’un podium olympique.

Une finale du saut en longueur très serrée, mais pour les places d’honneur seulement
En ce milieu d’après-midi, le stade Olympique est maintenant plein à craquer avec 80’000 spectateurs dont la plupart n’auront d’yeux dans cette finale que pour Heide Rosendahl. Ils vont être comblés dès le premier essai en voyant leur favorite frapper un grand coup avec un bond à 6,78 m, à six centimètres de son record du monde. Dans cette première série d’essais, Eva Suranova se place en deuxième position avec 6,51 m devant Diana Yorgova et Viorica Viscopoleanu avec 6,43 m, Margrit Olfert avec 6,42 m et Sheila Sherwood avec 6,41 m. Et Meta Antenen ? La Suissesse connaît malheureusement des problèmes de marques à cause du vent tourbillonnant et mord sa première tentative. Certainement que Müller lui aura donné les bonnes indications pour que son deuxième essai puisse passer. Le deuxième tour permet à Rosendahl de confirmer sa position de leader avec 6,76 m. Suranova reste deuxième et s’améliore même avec 6,60 m, tandis que Marcia Garbey bénéficie d’une aide bienvenue de la part du vent (+2,1 m/s) pour se hisser au troisième rang avec 6,52 m. Vient alors le tour de Meta Antenen. Elle a modifié sa marque de prise d’élan, donc on espère qu’elle va pouvoir tout donner dans ce deuxième essai. La vice-championne d’Europe prend son élan et tape de manière précise la planche. La parabole est très intéressante et le ramené relativement bon. Ce n’est pas un ruban métrique qui mesure la distance des concurrentes, mais un appareil électronique de toute dernière technologie. Le tableau lumineux indique 6,49 m pour Meta Antenen. C’est bien, elle se place en quatrième position de cette finale olympique avec son meilleur saut de la saison. Saura-t-elle trouver des ressources pour aller chercher les trois autres qui sont devant ?

Meta Antenen  donne le meilleur d’elle-même dans cette finale olympique du saut en longueur

Des éléments de réponses tombent lors de la troisième ronde puisque Meta mord une nouvelle fois son saut, tandis que Diana Yorgova sort un 6,62 m qui la classe au deuxième rang et Heidi Schüller se replace devant Meta avec 6,51 m. Au terme de la première partie de cette finale, Heide Rosendahl mène donc avec 6,78 m devant Diana Yorgova avec 6,62 m et Eva Suranova avec 6,60 m. Suivent dans un mouchoir de poche Marcia Garbey avec 6,52 m, Heidi Schüller avec 6,51 m, Meta Antenen avec 6,49 m, Viorica Viscopoleanu avec 6,48 m, Margrit Olfert étant la dernière qualifiée pour les trois derniers essais avec 6,42 m. « Exit » Sheila Sherwood avec ses 6,41 m et, surtout, « Raus » Angelika Liebsch, la gagnante des qualifications, qui se rate complètement avec 6,23 m seulement. Lors du quatrième tour, la Bulgare Yorgova fait frémir tout le stade avec ses 6,77 m. Elle n’est retombée qu’à un centimètre de Rosendahl ! La Tchécoslovaque Suranova elle aussi s’améliore avec 6,67 m. Le trio des médaillées semble s’être maintenant bien dessiné, au grand damne de Meta Antenen qui ne saute qu’à 6,16 m. La cinquième série de sauts ne change en rien le classement. Meta se ressaisit un peu avec un bond à 6,39 m. Pour la dernière tentative, chacune des finalistes joue son va-tout. Seule la leader réussit un joli saut à 6,73 m. Pour trois athlètes c’est un saut validé mais beaucoup trop court et pour quatre autres sauteuses, dont Antenen et Yorgova, c’est même un saut nul. La Bulgare a une nouvelle fois fait très peur au public allemand car son saut mordu aurait certainement valu le titre, voire même plus encore, s’il avait passé !
Le classement de cette belle finale olympique du saut en longueur féminin est le suivant :
1. Heide Rosendahl RFA 6,78 m
2. Diana Yorgova BUL 6,77 m
3. Eva Suranova TCH 6,67 m
4. Marcia Garbey CUB 6,52 m
5. Heidi Schüller RFA 6,51 m
6. Meta Antenen SUI 6,49 m
7. Viorica Viscopoleanu ROU 6,48 m
8. Margrit Olfert RDA 6,46 m
9. Sheila Sherwood GBR 6,41 m
10. Ilona Bruzsenyak HON 6,39 m
11. Willye White USA 6,27 m
12. Jarmila Nygrynova TCH 6,24 m

On le voit, les trois premières ont finalement creusé un écart important par rapport aux autres finalistes. En revanche tout est très serré pour les places 4 à 8 avec cinq athlètes en six centimètres. Meta Antenen termine donc sixième de cette finale et se pare d’un diplôme olympique. Elle fait part de ses impressions en salle de presse : «Je suis très contente de ce résultat. Au vu de ma forme actuelle, je n’en espérais pas tant. J’ai réussi là mon meilleur saut de l’année. Il n’est donc pas question d’être déçue». Il est vrai que les bruits les plus pessimistes avaient couru son sujet. Il y a quinze jours seulement, lors du match Suisse-Allemagne à Zurich, Meta Antenen n’avait pu dépasser la limite des six mètres que de très peu. «Si on m’avait dit début juillet que je serais en finale à Munich, je n’aurais pas osé croire. Si les Jeux Olympiques étaient venus plus tard dans la saison, je crois que j’aurais pu faire mieux. De toute façon, j’ai maintenant un diplôme pour cette sixième place, c’est bien. J’estime avoir atteint le but que je pouvais raisonnablement me fixer. Je n’ai pas connu de problèmes de détente ou de réception. Mais le vent tourbillonnant m’a beaucoup gênée, d’où des problèmes de marques et trois essais mordus. Mais le vent était le même pour toutes», reconnaît-elle. On retrouve bien là le souci de la championne helvétique de ne pas minimiser les exploits de ses rivales.
Depuis sa place réservée aux médias, le journaliste Serge Lang a vécu intensément le parcours de Meta Antenen. Il livre son ressenti dans la Tribune de Lausanne : « Plus belle que jamais, ses cheveux blonds et soyeux discrètement bouclés, Meta Antenen n’a pas obtenu la médaille olympique qu’elle convoitait en secret. Malgré tout ce qui lui faisait admettre, en raison pure, que dans son cas un tel exploit aurait tenu du miracle. Opérée voici quelques semaines à peine du genou gauche, elle porte encore un large bandage élastique par-dessus sa légère cicatrice. Et pourtant elle se remit à espérer hier matin, lorsqu’à son premier essai, elle obtint sa qualification. Impassible jusque-là, concentrée à l’extrême, on la vit sourire, puis saluer, rayonnante, un visage ami perdu dans le public. Puis, on la vit s’asseoir sur son petit sac, suivant d’un œil intéressé, mais nullement concerné, la suite de cette épreuve de qualification. Lorsqu’elle revint quelques heures plus tard, elle semblait un peu plus crispée. Elle rata son premier saut, réalisa 6,49 m au second qui, malgré un second nul à sa troisième tentative, lui valut de participer au tour final des huit meilleures concurrentes. Elle n’allait plus faire mieux, sautant 6,39 m au cinquième et ratant le dernier essai. Si elle espéra un moment donné faire encore mieux, elle sut cacher avec beaucoup de distinction ses regrets. Elle était sixième de la finale ».

Place aux séries du 100 m haies
Lundi 4 septembre, Meta Antenen est la seule Suissesse en lice dans le stade Olympique de Munich. Placée dans la troisième série, elle s’est logiquement qualifiée pour les demi-finales du 100 m haies en obtenant la quatrième place en 13″61. Elle devance de deux centièmes l’Australienne Maureen Caird, qui n’est autre que la championne olympique 1968 du 80 m haies. Il est vrai que l’Australienne était mal remise d’une indigestion et qu’elle n’a pu donner son maximum. Bien partie, la Schaffhousoise est un moment en deuxième position derrière l’Américaine Mamie Rallins, mais elle doit ensuite laisser passer tant la Polonaise Grazyna Rabsztyn que l’Allemande de l’Est Annerose Krumpholz. Le meilleur temps de ces séries est obtenu par la favorite Allemande de l’Est Annelie Ehrhardt en 12″70.

Courir les demi-finales du 100 m haies malgré un horrible contexte
Le 5 septembre à quatre heures trente du matin, huit membres de l’organisation terroriste palestinienne « Septembre Noir », vêtus de survêtements afin de se faire passer pour des sportifs et transportant des sacs chargés de fusils d’assaut, de pistolets et de grenades, franchissent une clôture grillagée du village olympique, puis pénètrent dans un immeuble dans lequel se trouvent les deux appartements utilisés par la délégation israélienne. Il s’en suit des assassinats, une prise d’otages et un dénouement final dans un aéroport où les échanges de tirs prennent fin vers minuit trente. Le bilan de ce « Massacre de Munich » fait état de douze personnes assassinées dans la délégation israélienne et de cinq terroristes palestiniens abattus. Le 6 septembre, alors que le drapeau olympique a été mis en berne, une cérémonie commémorative est organisée durant laquelle le président du Comité International Olympique Avery Brundage fait un discours saluant la force du mouvement olympique, sans mentionner les athlètes assassinés ! Il dénonce la politisation du sport et, refusant d’annuler les épreuves restantes, déclare : «The Games must go on» (les Jeux doivent continuer). Cette phrase est applaudie par les 80’000 spectateurs, mais si la décision de poursuivre les Jeux Olympiques restera célèbre, mais elle sera fortement critiquée par la suite.
C’est dans ce terrible contexte que Meta Antenen – mais pas qu’elle – doit concourir à nouveau le 7 septembre pour les demi-finales du 100 m haies. Bien qu’elle ne puisse espérer se qualifier pour la finale, la Schaffhousoise, ébranlée par les événements, a de la peine à rester focalisée sur sa propre course. Dans cette première demi-finale, elle a fort à faire pour rester un temps soit peu au contact. Malgré un bon début de course, elle accroche ensuite la sixième haies et elle ne peut pas redresser la situation. Elle chute et finit les quatre fers en l’air. C’est vraiment dommage pour Meta, qui méritait une sortie un peu plus heureuse, en étant simplement battue à la régulière. Ainsi se termine son aventure olympique de 1972, avec beaucoup de regrets, certes, mais avec le sentiment également d’avoir fait de son mieux. Il est fou de penser que l’unique chute Meta Antenen en compétition sur 80 ou 100 m haies soit arrivée sous les yeux de tout le monde, dans la plus grande compétition que sont les Jeux Olympiques.


La seule et unique chute de Meta Antenen sur les haies s’est produite au plus mauvais moment 

Une fois rentrée à la maison, loin de la folie de Munich, Meta Antenen prend part à une ultime compétition le 16 septembre à Küsnacht. Elle y égale pour la troisième fois le record suisse du 100 m en 11″5. Ainsi s’achève la saison 1972 de Meta, bien différente de celle qu’on avait imaginé car elle est empreinte d’un très frustrant goût d’inachevé.

PAB

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