ATHLE.ch VINTAGE | BIOGRAPHIE META ANTENEN / EPISODE 14 | Apparue au niveau national en 1964 à l'âge de 15 ans, Meta Antenen va rapidement atteindre le niveau européen en 1966, puis mondial dès 1968. ATHLE.ch VINTAGE propose de revivre la carrière exceptionnelle de Meta Antenen, la première icône féminine de l'athlétisme suisse. Le quatorzième des vingt épisodes de cette biographie est consacré à la saison 1972 qui s'annonce prometteuse pour Meta Antenen, mais qui s'assombrit au mois de mai avec une opération au genou.

La préparation olympique se passe fort bien pour Meta Antenen. Tous les tests réalisés à l’entraînement jusqu’en janvier 1972 révèlent des performances en forte augmentation par rapport à l’année précédente. C’est pourtant sans préparation spécifique que Meta prend part aux championnats d’Europe en salle les 11 et 12 mars à Grenoble. L’expédition suisse s’est soldée par un bilan positif grâce à Meta Antenen qui, une fois encore, a été d’une régularité étonnante. Sur 50 m haies, elle assure sa qualification en séries en 7″15, un chrono qui lui permet de battre le record suisse d’un centième. Autoritaire en demi-finales avec un nouveau record national en 7″01, elle paraît par contre très nerveuse lors de la finale. Après un départ très moyen, elle jette toute son énergie dans les vingt-cinq derniers mètres et réussit à décrocher une méritoire médaille de bronze en 7″05 derrière les intouchables Annelie Ehrhardt et Teresa Sukninwicz, mais ex-aequo avec la Polonaise Grazyna Rabsztyn. Fait exceptionnel, il a été impossible de les départager, même au millième de seconde. Sans le nouvel appareil suisse de haute précision, il est quasi certain que soit la Polonaise Rabsztyn soit la Suissesse Antenen aurait été privée de la médaille de bronze de ce 50 m haies. L’évolution technologique en matière de chronométrage a vraiment du bon, même s’il reste encore beaucoup de travail à réaliser. Au saut en longueur, elle fait mieux encore puisqu’elle s’adjuge la médaille d’argent. Ce demi-succès a pourtant un petit goût amer pour la Schaffhousoise. En effet, comme à Helsinki, c’est au tout dernier essai qu’elle perd la médaille d’or. À sa sixième tentative, Meta réussit 6,42 m, ce qui lui permet de prendre la tête du concours, car son deuxième meilleur saut (6,39 m) est supérieur à celui de l’Allemande de l’Ouest Brigitte Roesen, créditée elle aussi de 6,42 m, mais qui a raté toutes ses autres tentatives. Il reste cependant encore un essai à l’Allemande. Parfaitement concentrée, elle explose sur la planche d’appel pour aller se poser très loin, à 6,58 m. Meta Antenen est ainsi battue. Le coup n’est cependant pas aussi dur qu’à Helsinki. Pour de multiples raisons. Le concours, tout d’abord, est moins important. Ensuite elle n’a mené que pendant un court moment. Enfin, même si elle a battu le record suisse en salle de six centimètres, elle sait qu’elle n’est pas encore au top de sa forme et que ses 6,42 m sont ce qu’elle peut faire de mieux actuellement. L’avertissement n’en est pas moins réel. Les Allemandes seront très fortes lors des JO en août prochain : Ingrid Mickler et Heide Rosendahl, bien sûr, mais aussi cette jeune et redoutable Brigitte Roesen.

Une opération au genou gauche !
Ces deux médailles, qui s’ajoutent aux deux remportées dans les mêmes disciplines en 1969 à Belgrade, n’émeuvent pas plus que ça le tandem Antenen-Müller car le travail en vue des Jeux Olympiques doit continuer de plus belle. Malheureusement au cours du mois d’avril, une inquiétude grossit jour après jour : l’état de plus en plus préoccupant du genou gauche de Meta. Cette blessure menace carrément de compromettre les ambitions olympiques de la Schaffhousoise ! Depuis quelques années déjà, il fallait recourir à des piqûres de cortisone pour calmer des douleurs tenaces. Lorsque ce traitement finit par ne plus faire d’effet, il a fallu trouvé d’autres moyens pour soigner ce genou meurtri par tant d’appels, de sauts en tous genres. Le docteur Guido Piderman, le célèbre chirurgien zurichois qui avait déjà traité le genou de Meta, a conseillé une intervention chirurgicale immédiate. Il a expliqué que l’opération serait sans danger et que Meta pourrait recommencer à s’entraîner au bout de trois semaines de rééducation seulement. La réflexion a duré le temps d’une nuit blanche et a tourné autour du fait que Meta ne veut pas juste faire partie du nombre d’athlètes qui vont participer aux Jeux Olympiques. Elle veut surtout confirmer sa position en tant que l’une des meilleurs sauteuses en longueur au monde. Le lendemain matin, la décision de Meta est venue calmement, mais avec détermination et sans regret : oui à l’opération ! «La confiance totale envers le docteur Piderman et le fait que je suis en avance en ce qui concerne mon plan d’entraînement facilitent grandement ma décision de vouloir faire opérer mon genou. Et si cela ne devait pas suffire pour Munich, le monde ne serait pas perdu». Meta a donc donné sa décision le 25 avril et le docteur Piderman a fixé la date de l’opération au 3 mai. Afin de créer un matelas de force et de condition physique plutôt élevé, la Schaffhousoise s’est entraînée tous les jours jusqu’à la veille de son entrée dans la clinique Hirslanden. «L’opération s’est bien déroulée puisque les fibres, de la taille d’une moitié d’une cacahuète, qui provoquaient les douleurs récurrentes dans son genou ont pu être retirées», explique le docteur Piderman. Afin de ne pas attirer l’attention inutile et de protéger la patiente contre une trop grande tempête médiatique, il avait été convenu de ne parler à personne de cette opération, ceci jusqu’à ce que l’athlète opérée soit de retour à la maison. Jusqu’au tout dernier jour, personne n’a eu vent de l’histoire. Mais cela n’aurait pas été possible si le journaliste du journal « Blick » Jos Erwin Brazerol n’avait pas agi de façon aussi juste et loyale. En effet, le hasard fait qu’il s’est également fait opérer, à la même époque et dans cette même clinique Hirslanden, par le docteur Piderman ! À la fin de son hospitalisation, Meta est allé au restaurant de la clinique, où Jos Erwin Brazerol était déjà assis à une table. La jeune patiente reconnaît immédiatement le journaliste et, d’instinct, elle pose son index droit sur sa bouche en le regardant d’un air suppliant. Brazerol aurait pu tenir le scoop de sa vie. Mais il a su analyser la situation avec un grand discernement. Il s’est présenté à Meta en tant que pilote de bobsleigh – ce qui est vrai -, donc comme un collègue sportif. Les deux ont finalement discuté pendant un long moment et le journaliste est resté silencieux; bravo à lui ! Meta Antenen peut quitter la clinique le 13 mai. Elle est déjà capable de marcher et quelques jours plus tard elle commence à faire du vélo d’intérieur. Selon un programme protocolé par le docteur Piderman, Meta peut même rapidement reprendre un léger entraînement de footing. À ce moment-là, une course contre la montre s’engage et c’est avec une volonté et un incroyable travail sur elle-même que Meta peut réaliser des progrès visibles quotidiennement. Les chances olympiques de la vice-championne d’Europe restent intactes et le duo Antenen-Müller y croit à nouveau dur comme fer. Dans ce temps de rééducation, Meta apprend que sa rivale allemande Ingrid Mickler souffre d’hernie discale. Actuellement en traitement, elle a dû renoncer à poursuivre son entraînement et ne pense pas pouvoir être rétablie à temps pour les Jeux Olympiques. Du côté de Schaffhouse, la blonde de 23 ans doit aussi faire attention, mais la guérison prend un bon chemin, malgré quelques lancées violentes mais de courte durée. Très vite le 100 m plat et le 100 m haies peuvent être entraînés sans problème. Mais pour assurer le coup, elle doit retarder sa préparation dans sa discipline préférée, le saut en longueur. Sans hâte, elle va attendre d’être prête pour le 31 août. Ce jour-là au stade Olympique de Munich, à trois heures trente de l’après-midi, douze athlètes disputeront la finale olympique du saut en longueur. Est-ce que Meta Antenen pourra faire partie de cette troupe ? «Pour moi ce serait sans doute une déception, mais le sport est le sport. Les Jeux Olympiques pourront se passer de Meta Antenen».

Retour en compétition au début du mois de juillet
Les deux premiers mois de compétition en plein air de la saison 1972 se sont déroulés sans Meta Antenen. Mais en ce début du mois de juillet, exactement trois ans après son record du monde du pentathlon à Liestal, la Schaffhousoise annonce son retour à l’occasion du Mémorial Susanne Meier le 9 juillet à Bâle. Elle est bien entendu l’attraction de ce meeting, fréquenté par 230 concurrentes venant de Suisse, de France, d’Allemagne de l’Ouest et d’Autriche. Sur 100 m, elle termine quatrième en 11″9 (un chrono qui, par exemple, lui aurait permis d’égaler son record au début de la saison 1970). C’est encore plus performant sur 100 m haies avec une probante victoire en 13″4, limite olympique atteinte pour un dixième. Le week-end suivant, elle se rend le 16 juillet à Sienne (Italie) pour participer au meeting de l’Amitié. Comme à Bâle, elle s’aligne sur 100 m plat et sur 100 m haies. Elle termine respectivement deuxième en 11″8 et troisième en 13″4. La machine semble lancée et les championnats suisses simples les 29 et 30 juillet à Genève vont confirmer cette impression.

Meta Antenen, principale attraction des championnats suisses à Genève
Pour les journalistes couvrant cette compétition – cela peut paraître bizarre mais c’est comme ça – l’attraction principale des épreuves féminines, c’est le genou de Meta Antenen. Très vite, les 2000 spectateurs comprennent que la superstar de l’athlétisme suisse n’est pas venue au bout du lac pour faire de la figuration. Le samedi lors du 100 m, en série et en demi-finales, la Schaffhousoise se permet même le luxe, pour ménager son articulation, de prendre le départ en position debout. Pour la finale, pourtant, elle prend normalement place dans ses starting-blocks car il en allait du titre, ce qui est toujours une bonne chose prendre. Après un bon départ, elle n’a aucune peine à dominer la course, terminant en 11″68, soit officiellement le tout premier record national électrique reconnu par les statisticiens de la Fédération Suisse d’Athlétisme. Le lendemain, Meta met de côté le 100 m haies pour se concentrer sur le saut en longueur, sa discipline de prédilection. Il faut pourtant bien reconnaître qu’elle prend des risques considérables en s’alignant déjà maintenant dans un concours de saut. N’y aurait-il pas de regrets si sa blessure devait se réveiller ? Alors pour sa première tentative, tout le monde retient son souffle au moment où elle s’élance. L’appel est bon et le résultat de 6,35 m dépasse les espérances puisque la protégée de Jack Müller gagne sur tous les fronts : elle décroche la limite de qualification pour les Jeux Olympiques de Munich en franchissant les 6,30 m demandés et bat sa rivale Sieglinde Ammann (6,30 m, limite olympique également atteinte). Meta est certes restée assez loin de ses 6,73 m de l’an dernier à Helsinki. On remarque bien qu’elle est encore sur la défensive. Son envol n’est ni aussi aérien ni aussi gracieux qu’il ne l’a été il y a une année. Mais l’important c’est qu’elle ait repris confiance en ses possibilités; en cela, ces championnats suisses de Genève peuvent servir de bon tremplin en direction de Munich.
Le week-end suivant ont lieu les 5 et 6 août les championnats suisses de pentathlon à Zurich. Invaincue dans cette discipline depuis 1965, Meta met chaque année un point d’honneur pour prolonger cette série, bien qu’elle ne s’entraîne plus spécifiquement pour le lancer du poids, le saut en hauteur et le 200 m depuis 1970, année où elle a décidé de se spécialiser uniquement sur le 100 m haies et le saut en longueur. Avec un début de saison perturbé par son opération au genou, il n’y avait aucune chance pour qu’elle réussisse à s’offrir un huitième titre consécutif. Pourtant elle est bien là au départ de ce pentathlon, comme si elle voulait se réhabituer à la compétition tout en se livrant à un bon test. Vu qu’elle doit encore ménager son genou, elle n’effectue pas tous les essais. Le 100 m haies est comme d’habitude rondement mené avec 13″4. Ensuite Meta est rattrapée par le manque d’entraînement spécifique avec 10,28 m au poids et 1,50 m en hauteur. Pour la première fois de sa carrière, elle ne vire pas en tête à l’issue de la première journée des championnats suisses. Pire, elle pointe même en quatrième position derrière Katrin Lardi, Beatrice Graber et Nanette Furginé. Le lendemain, elle ne prend part qu’au saut en longueur où son meilleur saut est mesuré à 6,18 m.
À deux semaines des Jeux Olympiques de Munich, l’équipe nationale affronte la redoutable équipe d’Allemagne de l’Ouest les 12 et 13 août à Zurich. Pour cette dernière compétition avant de plonger dans le grand bain bavarois, Meta Antenen parvient à hausser son niveau sur 100 m haies puisqu’elle réussit un joli 13″3, meilleure performance suisse de la saison, tout en tenant la dragée haute à Heidi Schüller jusqu’à la dernière haie. Son genou, toutefois, la fait encore souffrir après les arrivées, douleurs vite éloignées par un savant massage. Toujours sur la retenue au saut en longueur, Meta ne termine que sixième avec 6,02 m, loin derrière Heide Rosendahl (6,51 m), Brigitte Roesen (6,43 m), Heidi Schüller (6,34 m), Sieglinde Ammann (6,27 m) et Ingrid Mickler (6,24 m), qui se remet elle aussi que gentiment de son hernie discale du mois d’avril. Au classement final, la Suisse s’est bien sûr faite atomisée : 77 à 179 points.

PAB

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