ATHLE.ch VINTAGE | BIOGRAPHIE META ANTENEN / EPISODE 5 | Apparue au niveau national en 1964 à l'âge de 15 ans, Meta Antenen va rapidement atteindre le niveau européen en 1966, puis mondial dès 1968. ATHLE.ch VINTAGE propose de revivre la carrière exceptionnelle de Meta Antenen, la première icône féminine de l'athlétisme suisse. Le cinquième des vingt épisodes de cette biographie est consacré à la saison 1966 qui voit Meta Antenen se transformer en chercheuse d'or à l'occasion des championnats d'Europe juniors à Odessa.

Odessa 1966 : une aventure tout à fait incroyable
«Pour moi, les Jeux européens de la jeunesse à Odessa sont les plus mouvementés et l’une des plus belles expériences de ma carrière jusqu’à présent», a déclaré Meta Antenen. Pour bien comprendre son point de vue, il faut savoir qu’Odessa ne s’est pas seulement résumé à la visite d’une ville et à la participation à une compétition internationale majeure. Odessa a été une grande aventure, tout à fait incroyable. L’instigateur de ce projet n’est autre, évidemment, que Jack Müller : «Je veux vraiment voir où se situe Meta quand elle peut rivaliser avec ses pairs».

Les championnats d’Europe juniors à Odessa devraient permettre à Meta de se situer face à ses pairs

C’est la raison pour laquelle il avait déjà arrêté, à l’automne 1965, une planification complète allant jusqu’aux 23-25 septembre 1966. Rien n’a été laissé au hasard tout au long de l’année 1966. En février verbalement et le 25 avril par écrit, Jack Müller a demandé à l’Association Suisse d’Athlétisme si des athlètes seraient envoyés pour cette compétition ? Le 6 mai, il a ensuite visité le pavillon russe de la foire de Hanovre pour obtenir des documents sur Lviv, où les Jeux étaient initialement programmés. Avec de belles images, il a pu inspirer davantage Meta. Le 16 mai, le secrétariat de l’Association Suisse a téléphoné pour indiquer que la Suisse n’assisterait pas aux Jeux européens de la jeunesse, ceci pour des raisons financières. Mais le 24 mai, une nouvelle lettre a été envoyée avec la phrase suivante : «L’Association veut lancer une action d’aide à grande échelle dans la presse». Pourtant en juillet, la désillusion est amère car on peut lire dans la presse que les Jeux européens de la jeunesse à Lviv sont annulés, faute de moyens financiers. Quelques jours plus tard, on apprend pourtant que ces Jeux ont été déplacés de Lviv à Odessa. Du coup une nouvelle intervention de Jack Müller est faite le 7 août à l’occasion des championnats suisses multiples à Lugano. Le président de l’Association lui indique que Meta Antenen et peut-être une autre athlète seraient définitivement sélectionnés. Trois jours plus tard, Jack reçoit la confirmation que seule Meta est sélectionnée pour ces inofficiels championnats d’Europe juniors d’Odessa. Le 3 septembre à Budapest, en pleins championnats d’Europe élite, Müller apprend qu’il y a une lettre de l’Association à la maison, qui contient la confirmation officielle de Moscou. En outre, l’Association Allemande d’Athlétisme demande au secrétariat de l’Association Suisse de verser dès que possible la somme de 352 dollars à la Deutsche Bank de Kassel pour les frais de voyage en charter. La lettre se conclut sur ces mots : «J’espère que vous réussirez à rassembler cette somme. Amusez-vous !». Voici donc la situation à trois semaines de l’ouverture de ces Jeux : avec les billets d’avion Kloten-Francfort, d’où partira le vol charter pour Odessa, Jack et Meta ont besoin de trouver dans les meilleurs délais la somme de 2’500 francs ! Le nom de Meta Antenen étant désormais synonyme de succès, Jack Müller a pu trouver le financement dans les deux jours. Un journal suisse illustré leur a même envoyé le montant par télégraphe, avec un seul souhait : si possible quelques photos d’Odessa.

Un voyage chaotique
L’aspect financier étant réglé, Meta peut se concentrer sur l’affûtage de sa préparation physique. Son médecin du sport, le docteur Biener, est un bon connaisseur de la Russie et il ne se prive pas de donner des informations importantes en leur conseillant d’emporter des aliments, y compris de la viande. Le jeudi 22 septembre, jour du grand départ pour la Russie, tout semble fin prêt pour le duo qui arrive en matinée à Francfort après un vol sans histoire. Via des haut-parleurs, il leur est demandé de se rendre immédiatement au guichet de la Lufthansa où les délégations d’Allemagne, de France, d’Italie, d’Autriche et de Hollande les attendent déjà. Meta fait la rencontre d’un groupe hétéroclite de jeunes athlètes très heureux de participer à ces Jeux européens de la jeunesse à Odessa. La sérénité de chacun en a soudain pris un coup lorsque le chef de la délégation allemande, responsable du voyage de toutes les délégations, a annoncé que l’avion russe de l’Aero-Flot n’était pas encore arrivé. Des heures d’attente nourrissent les nerfs des coachs et de leurs athlètes, d’autant plus que les rapports de l’aéroport deviennent de plus en plus décourageants, voire carrément contradictoires. À dix-sept heures, le premier message concret est arrivé : l’avion est toujours à Moscou car les Russes attendent toujours le permis de débarquement pour l’Allemagne. Tout le monde doit rester à Francfort. A cette période-là, les hôtels de Francfort sont surpeuplés, la Foire internationale du livre venant juste d’ouvrir. Finalement un hébergement de fortune a été trouvé – un petit campement militaire – afin que les athlètes puissent se reposer. Les différents chefs de délégation n’ont eux pas le temps de dormir. La question qui est sur toutes les lèvres (vol de retour ou continuer à attendre ?) doit rapidement trouver une réponse. « Attendre » est heureusement le résultat de l’enquête, malgré le fait que les Jeux doivent débuter le lendemain. En même temps, la presse a découvert l’incident de l’avion et la situation prend des proportions incroyables avec une demande d’intervention politique. Vers vingt-trois heures, les Russes ont télégraphié un message important, stipulant que les Jeux ne commenceront que lorsque toutes les nations seront arrivées à Odessa. Peu après une heure du matin, il est signifié que le vol pourrait partir vers onze heures le lendemain matin. Hélas les ordres et les contre-ordres ont fait que l’avion a finalement décollé à seize heures seulement en direction de la mer Noire. «Si j’avais su auparavant que nous serions bloqués à Francfort pendant vingt-huit heures, j’aurais perdu la tête», assure Meta. A leur arrivée à Odessa, ils ont immédiatement été mis dans une voiture pour les emmener à l’hôtel. Chacun se dit ravi d’être enfin arrivé à bon port, mais ils ne pensaient pas si bien dire en constatant que leur hébergement est à bord d’un grand navire… dans le port d’Odessa. Trop fatiguée pour absorber toutes les nouvelles impressions, Meta ne jette qu’un coup d’œil sur la mer calme avant de rejoindre sa cabine, partagée avec trois Néerlandaises. La nuit a été réparatrice, mais le déjeuner qui est servi à bord donne presque la nausée : saucisse grise froide, navets cuits et bâtonnets de pomme de terre ! Meta est donc tout heureuse de pouvoir compter sur sa nourriture d’urgence et elle a fait des jaloux auprès des autres athlètes. Les conseils du docteur Biener se sont donc avérés fort judicieux. Après cela, des bus ont conduit toutes les délégations au stade où il leur est ensuite informé que les organisateurs ont décidé de réduire la compétition de trois à deux jours ! Cela signifie que Meta va devoir aligner ses sept épreuves (le pentathlon, ainsi que les séries et la finale du 80 m haies) en deux journées seulement.

La première journée du pentathlon se déroule parfaitement
Le 24 septembre, le début du pentathlon de Meta Antenen est absolument royal. Face au vent et sur piste lourde, elle court le 80 m haies en 11″1 en reléguant sa dauphine à six dixièmes. La deuxième épreuve, le lancer du poids est la discipline faible de Meta. Avec 10,13 m, elle rétrograde à la quatrième place après deux disciplines. Le saut en hauteur permet à Meta de se surpasser; elle remporte cette discipline avec 1,63 m et reprend la tête du classement intermédiaire. Avec un peu plus de concentration, elle aurait même pu égaler le vieux record suisse d’Ilsebill Pfenning (SA Lugano), les 1,66 m datant de 1941 qui lui avaient valu à l’époque d’égaler le record du monde ! En effet lors de sa troisième tentative, elle a franchi la barre, mais par joie, le saut n’est pas tout à fait terminé et au dernier moment la cheville a touché légèrement la barre, qui est hélas tombée de ses taquets. En fin d’après-midi, la cérémonie d’ouverture officielle doit avoir lieu. La délégation suisse, forte d’une seule athlète créée un nouveau problème. Les organisateurs ont exigé que Jack défile devant Meta en tant que porte-drapeau. L’entraîneur est gêné en disant qu’il s’agit de jeux pour la jeunesse… ! Les rires et les applaudissements étaient super. Les Russes ont remis à toutes les délégations un immense panier rempli des plus beaux fruits d’Ukraine. Le panier est si grand et lourd que Meta ne pouvait pas le porter en quittant le stade. Mais un athlète russe s’est dépêché de l’aider, alors que les Polonais ont très vite fait de manger l’ensemble de leur panier. En soirée, les organisateurs n’ont pas renoncé à la fête, qui a été reportée d’un jour. Le feu d’artifice est impressionnant, mais également très dangereux. En admirant le show, Meta voit soudain une boule de feu arriver droit sur elle. Au tout dernier moment, l’athlète parvient à esquiver cette sphère de lumière et, choquée, constate qu’un trou de la taille d’un poing a brûlé la terre à côté de ses pieds. Elle aurait pu être gravement blessée !

Le pentathlon est conclu de la meilleure des manières
La deuxième et dernière journée de compétition a commencé sous les meilleurs auspices pour la Suissesse, malgré sa grande fatigue. Au saut en longueur, aucune de ses adversaires ne peut mettre Meta en danger. Les 6,11 m réussis ont rapporté 1’014 points, ce qui a engendré une extension du leadership. Fait intéressant, les Russes se sont adressés à Meta avec la question de savoir si elle ne voulait pas également prendre part au saut en longueur en individuel. À juste titre, elle y a renoncé. Logique car la course du 200 m du pentathlon et la finale du 80 m haies sont imminentes. En outre, cela aurait été incorrect par rapport aux autres concurrents, bien qu’une médaille aurait été facilement obtenue si l’on sait que c’est la Russe Tamara Kapisheva qui a gagné avec 5,98 m. Meta gagnera-t-elle l’or au pentathlon ? C’est la question qui a rendu le duo nerveux. Bien que l’avantage en points soit considérable, le scepticisme est de mise car personne ne connaît vraiment les performances des jeunes participantes au 200 m. Mais pas de soucis, Meta a remporté cette course en 25″7, sous les applaudissements des nombreux spectateurs, en particulier de la délégation polonaise. Ce résultat donne la victoire finale avec 4’609 points et, surtout, Meta est championne d’Europe juniores du pentathlon.

Une victoire au 80 m haies tout en puissance
Immédiatement après la cérémonie protocolaire, Meta doit maintenant se préparer à disputer la finale du 80 m haies. La Polonaise Sukniewiez et la Russe Betzka sont les grandes favorites, les deux ayant déjà couru en 10″9. À 18:30, avec du vent contraire et seulement quinze degrés, Meta est prête dans ses starting-blocks. Son départ est bon, mais si la fluidité n’est pas aussi facile que d’habitude, elle est cependant très puissante. Presque centimètre par centimètre, elle repousse ses adversaires. Et une fois encore les acclamations se sont multipliées en direction de Meta, qui vient de remporter cette finale du 80 haies en 11″1 devant Sukniewiez et Betzka, qui sont créditées chacune de 11″3. La deuxième médaille d’or reçue sur le podium a été émouvante pour la jeune athlète. Ses genoux ont tremblé sur le podium et elle n’avait pas remarqué que les musiciens russes jouaient notre vieil hymne national !

Meta Antenen exemplaire selon la presse russe !
Le battage publicitaire qui a commencé à Odessa auprès des deux Suisses est indescriptible. «Nous savions qu’il y avait la Suisse, mais nous le savons seulement aujourd’hui que c’est aussi beau et bon !», a commenté la télévision russe. Le journal « Le Sport Soviétique » a expliqué dans un rapport plus large le plan d’entraînement de Meta Antenen et a écrit que les Russes devraient prendre exemple sur les méthodes d’entraînement de la Suissesse ! Le lendemain matin, jour du départ, Meta et Jack tentent d’organiser avec un chauffeur de taxi, au moyen de signes, de gestes, de nombreux roubles et des éclats de rire, une visite touristique de la ville et de la plage. Enfin dans l’avion, ils ont renouvelé leur coopération pour deux années supplémentaires : Destination Mexico 1968 !

La sportive la plus méritante de l’année 1966
Chaque année, l’Association des journalistes sportifs suisses tient un vote pour honorer le mérite sportif. Il prend en compte les réalisations individuelles exceptionnelles ainsi que des performances régulières et satisfaisantes au cours d’une carrière plus longue. Il n’y a pas de différence entre les athlètes amateurs et professionnels. Tout à fait étonnamment, l’élection pour l’année 1966 est revenue à Meta Antenen. Elle a reçu 2’066 points, le skieur de fond Aloïs Kälin 1’643 points et le pilote de moto Luigi Taveri, pourtant champion du monde en 125 cm3, 1’577 points. L’éloge dit : «Le principal mérite de Meta Antenen est d’avoir donné un élan sans précédent au sport féminin suisse. Sa jeunesse, sa manière modeste, son entraînement sérieux et ses efforts de performance insouciants ont fonctionné de manière aussi impressionnante que sa chaîne de succès inhabituelle». Le choix de Meta Antenen a également suscité des discussions. Malgré le choix évident, certains journalistes professionnels sont en total désaccord. Jack Müller pense quant à lui que cet honneur est arrivé un peu tôt, mais sans aucune injustice. Meta elle-même est dubitative, même si elle avait reçu le message qu’elle avait remporté cette élection. Elle a écrit à l’Association des journalistes sportifs suisses pour lui demander si d’autres sportifs auraient pu se sentir ignorés. Mais sa lettre n’a pas changé le résultat des élections; elle a été élue sans le vouloir.

PAB

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