ATHLE.ch VINTAGE | BIOGRAPHIE META ANTENEN / EPISODE 4 | Apparue au niveau national en 1964 à l'âge de 15 ans, Meta Antenen va rapidement atteindre le niveau européen en 1966, puis mondial dès 1968. ATHLE.ch VINTAGE propose de revivre la carrière exceptionnelle de Meta Antenen, la première icône féminine de l'athlétisme suisse. Le quatrième des vingt épisodes de cette biographie est consacré à la saison 1966 qui voit Meta Antenen prendre part aux championnats d'Europe à Budapest.

Une première expérience avec des compétitions en salle
La saison 1966, qui doit clairement permettre à Meta Antenen de s’illustrer au niveau européen, débute le 5 mars à l’occasion d’un meeting en salle à Ravensbourg où elle établit le record suisse du 60 m en 7″9. Cette mise en bouche permet à Meta de retrouver le rythme de la compétition et il le faut bien puisqu’elle est invitée aux Jeux européens en salle qui se déroulent les 27 et 28 mars à Dortmund. Sans préparation spéciale pour cette compétition, l’athlète de dix-sept ans s’est fort bien comportée lors du concours de qualification du saut en longueur. En sautant 5,92 m le samedi matin, elle parvient à égaler son record national en plein air et elle se qualifie ainsi pour la finale en prenant la cinquième place. L’après-midi, devant dix mille spectateurs, elle est presque aussi bonne avec ses 5,83 m qui lui rapportent la sixième place finale. Vainqueur de ce concours, la Soviétique Tatiana Chelkanova a quant à elle battu à trois reprises le record du monde en salle : 6,60 m le matin, puis 6,71 m au deuxième essai et 6,73 m lors de son ultime tentative. On reparlera de cette performance un peu plus loin dans cette biographie. Lors de cette compétition, Meta Antenen a également pu courir sur 60 m haies et elle en a profité pour établir le record suisse en salle en 8″6. Cette belle expérience en salle a bien plu à Meta car elle a pu constater qu’elle devient de plus en plus compétitive au haut niveau européen. Elle a pu se remettre au travail avec une grande motivation, afin de préparer la saison estivale 1966.

Limite pour les championnats d’Europe en longueur avec plus de 6 m
Dès le mois de mai, les performances s’enchaînent et impressionnent de plus en plus. Le 14 mai à Schaffhouse elle doit lutter contre le vent contraire, mais elle franchit allègement 5,90 m, soit à deux centimètres de son record suisse. Il ne faut pas longtemps pour qu’il ne tombe puisque le 19 mai à Lindau, Meta saute 5,96 m et inscrit son nom sur les tablettes nationales du saut en longueur pour la sixième fois. La barre magique des six mètres n’est plus très loin et c’est en Allemagne que Meta va réussir le bon coup, le 9 juin à Balingen à l’occasion du Sportfest International. Sentant le bon coup, par précaution, Jack Müller a emmené avec lui un anémomètre. Il a bien fait car dès la première tentative, avec un vent contraire de 0,5 m/s, Meta a réussi à se transcender. Elle l’a bien senti car dès son atterrissage dans le sable elle se précipite vers la planche pour voir le ruban métrique se dérouler. A entendre les applaudissements du public, il est clair que quelque chose vient de se produire : oui, la limite des six mètres a clairement été dépassée : le saut est mesuré à 6,11 m et il permet à Meta non seulement de pulvériser le record suisse de quinze centimètres, mais surtout d’atteindre la limite pour les championnats d’Europe de Budapest, une limite qui était fixée à 6,10 m. Ce premier saut à plus de six mètres réalisé par une athlète helvétique a été accueilli comme un grand événement par toute la presse du pays. Les journalistes, sous le charme de la gracieuse blondinette de Schaffhouse, n’hésitent pas à se lâcher, comme par exemple le 30 juin lors du meeting international de Zurich où Meta a terminé deuxième du 100 m en 12″0 et remporté le 80 m haies en 11″2. Le correspondant de la Tribune de Lausanne a alors écrit : «Meta Antenen a impressionné par la pureté de son style sur les haies et elle prouve de façon éloquente que l’athlétisme est un sport qui n’ôte nullement leur charme aux filles le pratiquant». Les mentalités seraient-elles en train de changer ? Assurément si on en croit le public saint-gallois qui a accouru au stade du Neudorf la semaine suivante pour le match international féminin Suisse-Belgique-France B. En véritable moteur pour son équipe, Meta Antenen affiche la grande forme devant les mille spectateurs présents. Elle entame son après-midi par un nouveau record suisse du saut en longueur avec 6,12 m, puis elle enchaîne sur un record suisse égalé au 80 m haies en 11″1 et elle termine cette belle journée avec ses camarades du 4 x 100 m Marianne Kern (LC Zürich), Arlette Küng et Nanette Furginé (LC Zürich) par un record suisse en 47″7. Au final, et contrairement à l’an dernier sans Meta, la Suisse a facilement battu la Belgique, mais elle a dû logiquement s’incliner face aux Françaises.

Limite pour Budapest également au pentathlon
La jeune Schaffhousoise prend un peu de temps pour souffler et elle réapparaît le 24 juillet à Bâle où ont lieu les championnats suisses de pentathlon. Cette compétition demeure la seule opportunité pour Meta d’atteindre la limite de 4’500 points qui lui permettrait d’aller à Budapest. Les organisateurs se sont dressés contre elle car ils ont organisé ce pentathlon sur une seule journée alors que le règlement international prévoit le concours multiples féminin sur deux jours. Ce changement, inconnu de tous, a insisté Jack Müller à freiner sa protégée en lui demandant de gérer ses forces de manière très économique. Elle a bien commencé en réussissant successivement 11″2 au 80 m haies et 10,13 m au poids. Vient alors le saut en hauteur, avec une barre initiale relativement haute qui a coûté des forces au niveau de la tension nerveuse. En effet, Meta a très clairement manqué ses deux premières tentatives. Heureusement, l’élève a de bien meilleurs nerfs que son entraîneur (Jack Müller dixit) et avec une concentration sans pareille, elle a maîtrisé la barre sur sa dernière tentative. 1,55 m a été sa destination finale, mais elle avait eu très chaud plus bas. Elle se rattrape bien au saut en longueur avec 6,01 m (elle a mordu un essai mesuré à 6,23 m) et au 200 m qu’elle court en 25″5. Au final, elle est parvenue à décrocher pour trois petits points la limite pour les championnats d’Europe avec 4’503 points. Ce nouveau record suisse du pentathlon, battu de 146 points, est fort prometteur car tout n’est pas encore en place, loin de là.

Record suisse du 100 m égalé, puis 6,16 m en longueur
Les visas pour la Hongrie en poche, Meta Antenen peut se préparer de manière sereine. Elle ne rechigne pourtant pas à la tâche lors des compétitions suivantes, à commencer par les championnats suisses simples qui se disputent les 6 et 7 août à Lugano. Elle a été couronnée reine du Cornaredo suite à ses quatre nouveaux titres nationaux conquis en deux temps : le samedi avec une victoire au 100 m en 11″9, ce qui lui permet d’égaler le record suisse qui était détenu depuis 1964 par Alice Fischer (LC Zürich), ainsi qu’au saut en hauteur avec 1,60 m. Et le dimanche elle s’est imposée sur 80 m haies en 11″2 et au saut en longueur où ses 5,88 m ont laissé le public sur sa faim. La semaine suivante a lieu le 14 août à Schaffhouse la finale des championnats suisses interclubs, catégorie B. Sur son sautoir d’entraînement, Meta Antenen améliore son record suisse du saut en longueur de quatre centimètres avec un joli 6,16 m réalisé face à 1,3 m/s de vent contraire. Jack Müller est certes heureux de ce nouveau succès, mais il déclare qu’il n’aime pas qu’un record suisse soit battu à la maison car performé avec ses propres juges. Pour lui, plus la compétition est importante dans un autre pays, plus Meta a peur et plus elle arrive à se surpasser. Avec les résultats obtenus en 1966, la championne de Schaffhouse est donc bien préparée pour les deux grands événements internationaux à venir que sont les championnats d’Europe à Budapest et les championnats d’Europe juniors en Russie. Avant la première de ces compétitions continentales, Meta doit encore passer par la case de l’équipe suisse les 21 et 22 août à Klagenfurt pour y rencontrer l’Autriche. Meta Antenen, avec une certaine retenue, remporte les deux seules victoires helvétiques au 80 m haies et au saut en hauteur. Ce qui compte maintenant vraiment pour elle, c’est de rejoindre Budapest avec le plein de confiance.

Le pentathlon pour débuter les championnats d’Europe
Les VIIIe championnats d’Europe se déroulent du 30 août au 4 septembre à Budapest. Le comité de sélection de l’Association a décidé d’envoyer en Hongrie quatorze hommes et une femme. Bien sûr, la presse s’en prend de plus en plus à la seule et unique femmes de l’équipe. Les superlatifs et les comparaisons ont pris de l’ampleur, comme on peut le lire dans un journal suisse non spécialisé : « Dix-sept ans, cheveux blonds et bouclés. La fille est fraîche comme une pomme, paresseuse comme un cow-boy, douée comme un cheval de course et aussi désireuse comme une petite locomotive de manœuvre. Une jolie fille, blonde, haute de cent soixante-huit centimètres, mince, jambes longues et élancée et cinquante-sept kilos de lumière. Meta Antenen n’a que dix-sept ans et elle a déjà remporté onze fois le titre de championne suisse d’athlétisme. Combien de fois elle a sauté et couru un record ? Meta ne remportera pas de médailles à Budapest, mais elle peut bien faire. Elle est devenue sûre d’elle-même. Elle aime entendre les battements de son cœur, son travail la rend amusante, le sport l’amène un peu autour du monde et elle a un petit ami ». Avant cette première grande mission, Meta est terrifiée. En hiver, Dortmund avait certes été une intéressante répétition générale; mais Budapest n’a finalement rien avoir avec ces jeux du cirque en salle. Jack Müller a dû promettre à sa jeune athlète qu’il allait l’accompagner en Hongrie. C’est compréhensible, car elle est l’une des participantes les plus jeunes en termes d’âge. Elle ne s’était jamais battue lors des précédentes compétitions pour le tout haut niveau européen et, surtout, elle est inquiète et a très peur de pouvoir échouer. Meta a fait son entrée au Nepstadion au deuxième jour de compétition, le 31 août, pour le pentathlon. La Schaffhousoise est plus que jamais nerveuse avant d’aborder le 80 m haies. Est-ce que ses nerfs vont lui jouer un sale tour ? Comme un animal dans une cage, elle va et vient; elle tourne et dessine des cercles toujours plus proches. Maintenant, elle lève la tête et prend une profonde respiration. Elle est maintenant dans sa bulle et elle attend, extrêmement silencieuse. La concentration, c’est la plus grande arme de Meta. Quand elle est dans cette phase, tout ce qui est autour d’elle est fermé. Même son entraîneur ne peut plus l’influencer en ce moment. Place à la course : malgré sur une piste humide, son départ est un rêve. Elle signe une sensationnelle victoire en 11″1, signifiant un record suisse égalé, ceci avec la mesure du temps électronique. Une Suissesse inconnue mène le pentathlon des championnats d’Europe ! Même le speaker du stade est perdu en mentionnant à quelques reprises dans le haut-parleur « la Soviétique Meta Antenen »… La fête ne dure pourtant pas car il faut prendre part maintenant à la grande faiblesse de Meta : le lancer du poids. Cette discipline apporte un énorme revers avec 9,75 m seulement. Elle termine la première journée avec un bon saut en hauteur à 1,59 m, ce qui signifie une place de huitième au classement intermédiaire. Malgré une grande fatigue, elle a donné des interviews, mais sans enthousiasme. Cependant, on se demandait si la Suisse blonde pourrait tenir sa place le deuxième jour ou au moins si elle pourrait à rester dans le top 10 ? Apparemment fatiguée, elle a commencé le saut en longueur à dix heures du matin. Avec une solide 6,02 m, elle gagne un rang au classement provisoire. Il ne reste plus que le 200 m, une course qui n’a lieu qu’à 19:45, ce qui représente une bien longue et inhabituelle attente. Meta a essayé entre-temps de récupérer. Mais elle était terrifiée par ce 200 m car elle a peur de mourir dans les cinquante derniers mètres. Mais comme la plupart des autres concurrentes ont également peur de cette course, ça devrait bien se passer. Il y a eu du retard dans l’horaire, mais cette dernière épreuve a bien fini par se dérouler. Meta a tout donné et le chrono de 25″5, record personnel, a été suffisant pour conserver sa septième place au classement général avec 4’535 points synonymes d’un nouveau record suisse. La gagnante, Valentina Tikhomirova (Union Soviétique) a obtenu 4’787 points, devant Heide Rosendahl (Allemagne de l’Ouest) avec 4’765 points et Ingeborg Exner (Allemagne de l’Est) avec 4’713 points, alors que de nombreuses athlètes renommées de l’Est et de l’Ouest sont restées derrière la Suissesse. Meta Antenen, du haut de ses 17 ans, appartient de plus en plus à la classe européenne.

Un superbe record suisse au saut en longueur
Au lendemain de ce pentathlon, le 2 septembre, la Schaffhousoise se qualifie pour la finale du saut en longueur avec 6,12 m et pour les demi-finales du 80 m haies en 11″2. Afin de se concentrer pleinement sur le saut en longueur, Meta a sagement renoncé aux obstacles. Jack Müller, pensant que les forces de son athlète soient au bout, a déterminé qu’elle devrait mettre toute son énergie au cours de son premier essai. Hélas au cours de ses deux premières tentatives, elle n’a pas atteint la poutre. Avec le langage des signes, Jack convient d’une correction de démarrage de la course d’élan. Encore une fois, Meta court avec toute sa force et frappe la poutre avec une précision millimétrique, vole haut dans les airs et réussi encore à ramener les jambes loin en avant pour l’atterrissage. Lorsque les chiffres « 623 » ont scintillé sur le panneau lumineux, un gros bonheur a envahi la sauteuse. En signant un nouveau et magnifique record national, elle décroche une très méritoire huitième place. C’est la Polonaise Irina Kirzenstein qui a remporté ce concours avec 6,55 m. Quant à la championne olympique Mary Rand (Grande-Bretagne), elle a clairement été battue avec 6,16 m seulement. Le journal zurichois « Sport » a relaté dans son édition du 4 septembre : «L’étonnante Meta Antenen. Jeune, inexpérimentée, jamais vue à l’étranger, elle a disputé sa première compétition internationale majeure avec une fraîcheur décontractée et insouciante, des résultats qui l’ont presque fait entrer immédiatement dans la classe européenne. La jeune fille a survécu aux épreuves, aux bouleversements, à l’excitation, à la tension nerveuse; elle a été physiquement et psychologiquement fort brillante. Les exploits de Meta Antenen sont les tous premiers d’une athlète suisse à ce niveau de compétition et cela compte vraiment pour le public helvétique». Pour la première fois de sa carrière, une réception a été organisée à son retour chez elle.

PAB

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