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Nombreuses sont les grandes performances du passé qui sont suspectes. Telle est la « triste réalité » que relève en amorce le rapport publié la semaine dernière par European Athletics. Comme la promotion et commercialisation de l’athlétisme est aujourd’hui centrée sur les records, le rapport propose de nouveaux critères d’homologation, avec pour conséquence la mise entre parenthèses des anciens records.
A vrai dire, loin d’ouvrir sur une décision, le rapport présente une série de recommandations soumises à la Fédération internationale (IAAF) en vue de redorer le blason de l’athlétisme en général. Sebastian Coe, le président de l’IAAF, s’est d’emblée prononcé de manière positive : « Les propositions sont intéressantes. Elles seront méditées et mises à l’épreuve globalement d’ici peu par l’IAAF ».
De leur côté, certains des plus fameux détenteurs de records montent aux barricades, à l’instar des légendes Mike Powell (USA/longueur), Paula Radcliff (GBR/marathon), Jonathan Edwards (GBR/triple saut) et Carolina Klüft (SWE/heptathlon) : « C’est injuste, nous avons réalisé nos records en toute propreté », clament-ils en chœur.
Si les records sont effacés, l’athlétisme ne se prive-il pas de sa substance ? De ce qui le distingue des autres sports, de tous les autres sports, anciens ou neufs, de jeu, de surf ou de fun : son histoire, ses légendes, sa tradition ? Avec ses hauts et ses bas ? Dans quel but tout ça ? La bonne conscience ; pour faire croire que tout a changé, que les athlètes d’aujourd’hui sont parfaitement propres ; et pour ouvrir les portes aux plus grands sponsors, de plus en plus à cheval sur leur image éthique.
Pourtant, le niveau des performances actuelles fait penser que rien n’a changé. Tout bien considéré, les athlètes de notre temps ne sont pas moins suspects que ceux du passé. La donne semble simplement avoir changé : ceux qui gagnent aujourd’hui paraissent encore mieux entourés que jadis, par un entourage encore plus à même de se déjouer des règles sans se faire pincer.
Qu’on se le rappelle : si on demande au plus grand tricheur sportif de tous les temps, Lance Armstrong, le septuple vainqueur du Tour de France, s’il a des remords vis-à-vis de ce qu’il a fait, il répond : « Non ! Tout le monde se dope, les autres le font juste moins bien que moi. »
Est-ce là la « triste réalité » du sport d’élite, devenu sport-spectacle et promotion commerciale ? Quoi qu’il en soit, chacun continue à avoir la possibilité de pratiquer le sport comme il l’entend. Sans penser aux records, si ce n’est aux siens et à ceux de ses adversaires et amis.
Remarque : Alors même que Svein Arne Hansen (NOR), le président de European Athletics, cherche à nettoyer l’athlétisme de ses anciens démons en défendant un présent tout pur, Patrick Sjöberg (SWE), champion du monde, vice-champion olympique, co-détenteur du record d’Europe du saut en hauteur (2,42 m), l’accuse d’avoir accepté des pots de vin pour couvrir des scandales de dopage dans les années 1980… Grands bruits dans les pays nordiques. Silence par chez nous. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Lien vers un des articles présentant l’accusation de Sjöberg (en anglais)
Lien vers le rapport de European Athletics
Appel à feedbacks publié le 9 mai par European Athletics