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Les athlètes suisses auraient pu s’y rendre à neuf, ils ne seront que deux (Nicole Büchler et Brahian Peña). Nous parlons des Mondiaux en salle qui auront lieu du 17 au 20 mars à Portland, cette région où palpite le cœur de l’athlétisme aux Etats-Unis. Cette perspective n’a pas suffi à titiller l’ambition des Michelle Zeltner, Mujinga Kambundji, Selina Büchel, Caroline Agnou, Clélia Rard-Reuse et Noemi Zbären, qui toutes préfèrent renoncer à l’événement pour lequel elles étaient qualifiées, ou conviées. La date tardive de ces joutes et la perspective d’un été chargé autant que capital (Championnats d’Europe à Amsterdam et JO à Rio) sont évoquées pour justifier cette impasse.
Tout peut s’expliquer « scientifiquement », la volonté de ne pas brûler ses cartouches trop tôt, de prévoir une montée en puissance au fil des semaines, de privilégier des « blocs d’entraînement »… Pas question ici de mettre en cause les compétences techniques des entraîneurs concernés ni les qualités des athlètes. Du reste, chapeau, au passage, pour le magnifique retour en forme de Clélia Rard-Reuse après sa grave blessure !
Non, nos observations seraient plutôt de nature « philosophique ». Quand on renonce à quelque chose – en l’occurrence une sélection pour un événement majeur –, c’est qu’on espère obtenir ultérieurement une gratification plus grande encore. C’est l’opposé de la maxime « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». Mais quelle assurance peut-on avoir qu’une absence à Portland favorisera les desseins olympiques ?
Un athlète, de toute façon, ne maîtrise pas grand-chose. Il suffit de rappeler les récents déboires d’une Lindsey Vonn, d’un Tiger Woods, d’une Yelena Isinbayeva, d’un Stefan Küng ou d’un Dario Cologna pour voir à quel point blessures, maladie ou tracas privés peuvent survenir à tout moment et briser les rêves et les ambitions les mieux entretenus.
La planification n’a jamais préservé de rien. Au mieux, elle permet de se rassurer, de se dire qu’on « contrôle les choses », une sorte de béquille psychologique qui, revers de la médaille, peut brider les énergies et la spontanéité.
Brahian Pena, lui, n’avait rien planifié de ce qui lui est arrivé. Et ce n’est que du bonheur! Avant de claquer son très beau chrono de 7 »70 sur 60 m haies dimanche il y a une semaine à St-Gall, il sortait de quinze jours complets de pause en raison d’une blessure à l’aine. Il n’a pas effectué le moindre entraînement durant ces deux semaines et ne s’est décidé que le matin même de sa course à prendre le départ, nous a-t-il assuré. Résultat, il « explose » son record de plus d’un dixième et prend l’avion pour Portland. Et qui dit qu’il ne répondra pas aussi présent aux JO ? Le Thurgovien a su saisir sa chance. Le train est passé devant sa fenêtre, il y est monté !
Le 7 juin 1996, le Schwytzois Aldo Tonazzi courait le 200 m en 20 »72, à Zofingue. A 19 ans. Quelle ne fut pas notre surprise d’entendre de son entourage, ce jour-là, que les JO d’Atlanta – organisés deux mois plus tard – ne devaient pas être un objectif pour lui, que Tonazzi, vu son jeune âge, devait y renoncer pour se préserver pour « plus tard ». On l’a donc retrouvé non pas aux Jeux mais aux Mondiaux juniors, la même année, en Australie (7e de la finale en 21 »22). Puis Tonazzi a disparu des écrans radar. Sans jamais pouvoir participer à des Jeux.
Pourquoi bouder les opportunités que nous offre la vie, pourquoi renoncer à saisir sa chance quand elle se présente ? Que l’on dise oui ou non, demain est toujours un autre jour. Avec tout son lot d’aléas.
Olivier Petitjean
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