L’athlétisme suisse au début du XXe siècle | Épisode 8 : Julius Wagner Au début du XXe siècle, le niveau de nos compatriotes ne leur permet pas encore de s'illustrer sur le plan international. On peut pourtant mettre en exergue quatre athlètes qui ont réussi, grâce à leur trajectoire athlétique respective, à faire avancer l'athlétisme suisse dans le bon sens durant la Belle Époque et juste après la Grande Guerre. En fouillant activement dans les archives, ATHLE.ch «VINTAGE a pu retrouver quelques documents qui permettent d'évoquer les meilleurs moments de leur carrière. Le huitième des douze épisodes de cette saga est consacré à Julius Wagner.

Julius Wagner, né le 12 octobre 1882 à Reutlingen dans le Baden-Württemberg, est un sportif polyvalent Allemand qu’on retrouve pour la première fois sur le plan international en 1906 à l’occasion des «Jeux de la décennie» à Athènes. Cette compétition multisports – qui se tient en présence et avec l’accord de tout le mouvement olympique – célèbre le dixième anniversaire de la rénovation des Jeux Olympiques. Au stade panathénaïque d’Athènes, du 22 avril au 2 mai, Julius Wagner remporte avec l’Allemagne la médaille d’or par équipe au tir à la corde et il participe également à sept épreuves d’athlétisme et à trois épreuves de gymnastique.
Quelques semaines plus tard, il épouse une Suissesse et obtient ainsi le passeport rouge à croix blanche. Sociétaire du FC Bern, il accepte également de concourir pour la Suisse. Ce solide athlète de 1,85 m pour 82 kg est en passe de devenir l’un des pionniers les plus importants de l’athlétisme helvétique. Son premier haut fait helvétique est réalisé le 25 mai 1906 à Milan où il établit le tout premier record suisse de l’Histoire de l’athlétisme suisse avec 6,10 m au saut en longueur.
L’année suivante lors des championnats suisses qui se disputent le 28 juillet 1907 pour la seconde fois à Genève, Julius Wagner défraie la chronique en remportant les cinq titres dévolus aux disciplines techniques, dont quatre records suisses (1,56 m en hauteur, 2,65 m à la perche, 11,25 m au poids et 31,32 m au disque). Il se rend ensuite le 21 août à Francfort pour battre le record suisse du saut en hauteur avec 1,60 m, tandis que le 6 octobre, il égale à Berne son record suisse du saut en longueur avec 6,10 m.
En 1908, Julius Wagner est le grand absent des championnats suisses, mais il y a une bonne raison à cela : il est en lice aux Jeux Olympiques de Londres. Au White City Stadium, le Bernois prend part le 14 juillet aux qualifications du lancer du marteau. Les juges de concours le voient à l’œuvre à trois reprises, mais vu qu’il n’atteint pas la finale, sa performance n’est hélas pas communiquée. On sait seulement qu’il fait partie des vingt lanceurs qui ont été éliminés. Inscrit dans cinq autres disciplines, il est à chaque fois indiqué « DNS » (did not start). La qualité de l’organisation et des médias n’est bien sûr absolument pas d’un top niveau en 1908 et on ne retrouve malheureusement pas la raison pour laquelle il a dû renoncer à ces épreuves.
Julius Wagner va passer sous les radars durant les trois saisons suivantes. Il faut donc attendre 1912 et les Jeux Olympiques de Stockholm pour entendre à nouveau parler de lui. Mais une fois encore, la Suisse renonce officiellement à cette compétition, ceci par manque d’argent pour l’envoi d’une équipe complète en Suède. Julius Wagner, fraîchement élu président de la Commission Athlétique de l’A.S.F., se rend en Suède pour son propre compte afin de disputer le pentathlon (disputé pour la première fois aux JO). Il débute avec 6,22 m au saut en longueur, soit le seizième rang des vingt-six participants. La deuxième épreuve lui permet de lancer son javelot à 41,31 m, ce qui le place au quinzième rang avec 29 points. Le format de compétition est tel que seuls les douze premiers à l’issue de la troisième épreuve ont le droit de continuer leur pentathlon. Pour Wagner, c’est assez rude car le 200 m n’est de loin pas sa tasse de thé. Et effectivement, ses 25″3 ne pèsent pas bien lourd dans la balance; comme pressenti, il est éliminé de ce concours multiple olympique en étant classé au vingtième rang de ce pentathlon.
À son retour en Suisse, Julius Wagner publie une chronique illustrée sur cette belle olympiade suédoise. Éditeur de métier, il écrira des livres sur chaque Jeux Olympiques de 1912 à 1948. À son époque, il était l’un des historiens du sport les plus connus au monde. L’engouement suscité par les Jeux Olympiques de Stockholm, lui donne l’occasion de fonder, le 7 octobre 1912 à Lausanne, le Comité Olympique Suisse (C.O.S.). Le Genevois Marcel Meyer de Stadelhofen, l’un des médaillés de 1906 en tir, est élu président, alors que le Dr Lausannois Francis-Marius Messerli, confident et historiographe du baron de Coubertin, sera un fidèle secrétaire général jusqu’en 1937 ! Grâce à l’influence du baron Godefroy de Blonay, également l’un des bons amis du baron de Coubertin, le mouvement olympique prend véritablement son essor en Suisse et plus rien ne sera comme avant. Les escapades en solitaire des sportifs Suisses s’achèvent et les expéditions organisées vont pouvoir commencer en 1916, pour les Jeux Olympiques à Berlin.
En 1913, les suiveurs de l’athlétisme suisse espèrent un redressement car la situation commence à devenir à nouveau fort précaire. Les premiers pas en direction d’un changement s’effectuent en coulisses, où les structures de l’athlétisme suisse au sein de l’Association Suisse de Football semblent se consolider. Basé jusqu’alors à Genève sous la présidence du Dr Aimé Schwob, le siège de la Commission Athlétique de l’A.S.F. est transféré à Zurich. C’est tout à fait logique puisque ce comité s’organise désormais autour de Julius Wagner. Corollaire important : il en résulte en ce début de saison 1913 de nombreuses demandes de licences de la part des grands clubs de Suisse alémanique.
En parallèle est également fondée la Fédération Athlétique Suisse (F.A.S.), ceci afin de faciliter l’affiliation de la Suisse au sein de la Fédération Internationale d’Athlétisme Amateur (I.A.A.F.). Si cette intégration est rapidement entérinée par le Président de l’I.A.A.F. Sigfrid Edström, l’instance faîtière de l’athlétisme mondial demande pourtant que l’athlétisme suisse soit représenté par l’A.S.F. et non par la F.A.S. Malgré ce désaccord (ou cette incompréhension), l’année 1913 est à considérer comme étant une période charnière pour l’athlétisme en Suisse et même très importante pour son avenir; Julius Wagner en est l’instigateur. Et aux championnats suisses qui se disputent le 24 août 1913 à Genève, on constate un renouveau évident. Sur la piste en herbe du Parc des Sports, cette compétition accueille 180 athlètes venus de Genève à Zurich, en passant par Lausanne, Neuchâtel, Berne, Bienne ou Bâle. Six ans après ses exploits de 1907, le sociétaire du FC Zürich s’octroie à nouveau cinq médailles d’or : le saut en hauteur avec 1,55 m, le saut en longueur avec 6,12 m, le lancer du poids avec un nouveau record suisse à 11,74 m, le lancer du disque avec 34,90 m et le lancer du javelot. Présent à Genève, le baron Godefroy de Blonay (membre suisse du C.I.O.) clôt la journée par un discours. Il souligne le bilan très positif de cette compétition : un record de participation et sept records suisses sont tombés. Dans trois ans doivent se dérouler les Jeux Olympiques à Berlin. Au vu des forces en présence, il est délibérément admis par le trio Julius Wagner, le Dr Aimé Schwob et le Dr Francis-Marius Messerli, qu’une équipe suisse complète pourrait être envoyée à Berlin en 1916. Hélas les événements politiques de l’Histoire en 1914 vont déboucher sur une guerre mondiale pendant quatre longues années. Les trois hommes vont devoir patienter jusqu’en 1920 et les Jeux Olympiques d’Anvers pour voir leur souhait être enfin exaucé.
Justement en 1920, Julius Wagner fonde le journal « Sport », qu’il revend au bout de sept mois seulement aux éditions Jean Frey. Il sera également membre du comité d’organisation des Jeux Olympiques d’hiver de 1928 à Saint-Moritz. Ce pionnier et héros du sport helvétique – de nos jours inconnu du grand public – mérite totalement ce coup de projecteur car il a joué un rôle primordial dans la mise en route l’athlétisme en Suisse. Il décédera en 1952 à Berne, à l’âge de 70 ans.

PAB

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