Photo : ATHLE.ch (c)
Immense exploit de Tadesse Abraham à Zurich après deux bons mois d’entraînement dans la « Team Colorado » de Julien Wanders à Iten, au Kenya. « Tade » a sans doute frappé en ce dimanche le plus grand coup de sa carrière. En 2h06’38, il a amélioré de deux secondes son record suisse établi en 2016 à Séoul. « Je n’ai pas de mots. J’étais super prêt. J’avais de très bonnes jambes. Le plan a fonctionné à merveille. Je ne suis pas parti trop vite et ai pu accélérer au fil des kilomètres », raconte « avec la banane » l’Erythréen d’origine. « Merci à la Team Colorado et à Julien », ajoute-t-il sans délai. Il y a une semaine, alors que Wanders s’attaquait à son premier marathon, son coach italien Renato Canova nous avait averti : « Tadesse est très fort : il a fait quasi tous les entraînements avec le groupe. Sur certains, c’était lui le plus costaud ».
« J’ai pu accélérer progressivement »
Dimanche, le champion d’Europe de semi-marathon et 9e du marathon olympique en 2016, vice-champion d’Europe en 2018, 9e des Mondiaux 2019 s’est annoncé de retour au affaires sportives. D’aucuns voyait déjà le Genevois en bout de carrière : « Tade ? Il va faire encore quelques années des tours d’honneur, mais le haut niveau, c’est fini pour lui », chuchotait un spécialiste que nous ne nommerons pas ici. Au bénéfice de conditions météo parfaites – température fraiches (4°), soleil doux, oxygène dans l’air après les jours de pluie –, Tade a mis tout le monde d’accord à Zurich en se montrant plus fort que jamais. Son chrono de 2h06’38 n’est pas seulement un record suisse, mais tout près du record du monde M40 détenu depuis le Marathon de Séville cette année par l’Espagnol Ayad Lamdassem (2h06’25).
Pour réussir son exploit, Tade avait engagé l’excellent Genevois Morgan Le Guen sur les premiers kilomètres : « C’était dur. J’étais malade il y a dix jours. J’étais censé aller jusqu’au 30e, d’abord en 3’04, puis en direction des 3’00 au kilomètres, mais c’était impossible ». C’est finalement Workneh Fikire Serbassa, le deuxième lièvre personnel de Tade qui s’est occupé du rythme sur les 10 km suivants. Avant de laisser faire le patron, qui en avait gardé sous le pied : « C’était super, les jambes étaient parfaites. J’ai pu accélérer progressivement sur tout le retour depuis Meilen (au 25e km, ndlr) ». Après l’arrivée, euphorique, le héros a bondi de joie et est revenu en trottant vers le public. Avant de le retour du boomerang et… de rendre longuement ses derniers ravitaillements. Puis revenir avec la banane vers les journalistes et photographes.
Emotion et jubilation à l’arrivée
Descendu de sa moto, son coach et ami Olivier Baldaccino était ému aux larmes : « C’est fou, ce qu’il nous a fait là. Sur la fin, il tournait en 2’55-2’56 au kilomètre ! Sans la crampe qui menaçait sur la fin, il aurait fini encore plus vite… ». Il y a deux semaines, le Français s’étonnait déjà : « Tade est en grande forme : c’est impressionnant comme il progresse, de semaine en semaine, au Kenya. Surtout qu’il a fait une longue pause après la Course de l’Escalade, à la suite d’une chute à l’entraînement ». A l’arrivée, Flavio Calligaris, le conseiller et collègue de Tade chez « ON », jubilait : « Il y a un mois, il m’a appelé pour me dire qu’il était prêt pour quelque chose de spécial à Zurich », avant de parler des chaussures « hyper légères » portées « pour la première fois aujourd’hui par Tade », la Cloudboom Echo3.0. Senait et Elod, l’épouse et le fiston de Tade, étaient ravis aussi, mais avec un temps de retard : « On a pris le train jusqu’à Meilen pour le voir et l’encourager, mais il avait déjà passé… On a repris le train dans l’autre sens et on a aussi loupé l’arrivée… »
Premier titre hors montagne et frustration pour Maude Mathys
L’objectif de la triple championne d’Europe de course de montagne Maude Mathys était de battre son record établi à 2h30’41 en 2020 à Séville. Pourquoi pas en même temps descendre sous les 2h30 et décrocher les minima pour les Mondiaux de cet été à Eugene (2h29’30), ou au moins ceux pour l’Euro de Munich (2h32’30). Mais les choses ne se sont pas passées comme prévu, comme elle nous l’a raconté à l’interview ci-dessous, enregistré à la va-vite (son très moyen) après la cérémonie protocolaire. Elle termine deuxième en 2h33’35, derrière l’Ethiopienne Hawas Lenjiso Demitu (2h33’08).
Beau retour pour Julien Lyon à haut niveau
En 2h16’40, Julien Lyon se classe 6e de la course et réussit un retour marquant sur marathon après des années difficiles : une opération de ses deux tendons d’Achille et des années pénibles avant de pouvoir recourir normalement. « Le chrono est bien, je suis content, mais aurais pu faire mieux. J’avais des crampes et ai dû m’arrêter un moment au 28e kilomètre pour m’étirer », raconte le champion d’Europe 2016 de semi-marathon par équipe aux côtés de Tade. « La fin était très dure. Je dois avouer que j’ai failli abandonner. J’ai fini parce que ma famille était là… » En 2016, Lyon avait terminé son premier marathon en 2h16’17 au même endroit, dans des conditions tempêtueuses. La course du jour était son deuxième. Pour sûr pas le dernier…
Première médaille nationale pour François Leboeuf
Derrière Tade et Lyon, un troisième Romand grimpe sur le podium des Championnats suisses : l’Aiglon François Leboeuf, 7e du général en 2h20’52, près de trois minutes sous son record établi en 2019 au même endroit (2h23’40). En forme, le Canadien d’origine rêvait de finir sous les 2h20, mais les circonstances n’étaient pas en sa faveur. Devant, il y avait Tade et ses lièvres, ensuite Armin Flückiger (TV Oerlilkon) et Marcel Berni (Längasse Bern) avec le leur (Eric Rüttimann), en quête de minima pour l’Euro (2h14’30). « Je ne sais pas trop quoi faire : je peux tenir en 3’20 au kilomètre, mais ils veulent partir en 3’15… », gémissait Leboeuf avant le départ. Soit il courait tout seul, soit il partait trop vite. Il a choisi la deuxième option. Et a fini devant Flückiger et Berni, tous deux pas dans un bon jour. Son retour de course est dans l’interview ci-dessous :
Lien vers les résultats complets
Lien vers le marathon de Zurich
