ATHLE.ch VINTAGE | BIOGRAPHIE META ANTENEN / EPISODE 9 | Apparue au niveau national en 1964 à l'âge de 15 ans, Meta Antenen va rapidement atteindre le niveau européen en 1966, puis mondial dès 1968. ATHLE.ch VINTAGE propose de revivre la carrière exceptionnelle de Meta Antenen, la première icône féminine de l'athlétisme suisse. Le neuvième des vingt épisodes de cette biographie est consacré à la saison 1969, une grande année pour Meta Antenen qui réalise un exploit lors du pentathlon des championnats d'Europe à Athènes.

La première sortie de Meta Antenen en tant que recordwoman du monde du pentathlon a tout simplement lieu une semaine plus tard à Fribourg à l’occasion du match Suisse-Belgique-France B. Encore toute rayonnante de son exploit de Liestal, elle a fait honneur à son nouveau rang en remportant le 100 m haies (chrono inconnu) et le saut en longueur avec une série de grande valeur avec notamment 6,43 m, 6,38 m et 6,36 m. Deux jours plus tard, le 15 juillet, le comité européen de la Fédération Internationale a publié sa sélection pour le match Europe v USA qui aura lieu à la fin du mois à Stuttgart. Si Philippe Clerc a trouvé grâce pour disputer le 200 m, Meta n’est quant à elle que remplaçante au 100 m haies. Le soir même à Schaffhouse, elle court un joli 100 m en 11″9 malgré 0,8 m/s de vent contraire. Le week-end suivant a lieu à Madrid une toute nouvelle compétition : le Westathletic. Six pays d’Europe de l’Ouest dits « faibles » sont engagés dans un match à six. Il y a l’Autriche, le Danemark, l’Espagne, la Hollande, la Belgique et la Suisse, soit un niveau sensiblement égal entre les différentes équipes. Contrairement à Neil Armstrong et à Buzz Aldrin avec Apollo 11 ce jour-là, les Suissesses ne décrochent pas la lune, malgré les prestations de Meta Antenen. Dans le même ordre d’idée, l’équipe suisse féminine se rend ensuite à Copenhague les 26 et 27 juillet pour y affronter le Danemark, qu’elles ont au final battu de quatre points. Meta a réussi le doublé qu’on attendait d’elle sur 100 m haies en 13″9 et en longueur avec 6,05 m. Les performances se sont bien améliorées le 9 août, toujours avec l’équipe suisse à Vienne face à l’Autriche. En gagnant en 13″5 sur 100 m haies et avec 6,36 m en longueur, la Schaffhousoise montre qu’elle est capable de monter en puissance à moins d’un mois des championnats d’Europe d’Athènes. Une nouvelle en provenance de Leoben, une petite ville située à quelque deux cents kilomètres de la capitale autrichienne, va toutefois estomper les ardeurs de Meta Antenen : lors des championnats nationaux, Liese Prokop lui a ravi son record du monde du pentathlon avec 5’089 points, quarante-trois points de mieux que Meta à Liestal. Âgée de vingt-huit ans, la vice-championne olympique a réussi des meilleures performances personnelles dans trois disciplines. Le détail de son pentathlon est le suivant : 13″9 – 14,51 m – 1,72 m / 6,07 m – 24″9. Si l’on considère que l’Autrichienne n’a pas forcé notamment au saut en hauteur, ceci par crainte de se blesser à cause de la pluie, elle devrait être capable d’améliorer encore son total à Athènes. Voilà Meta Antenen prévenue du danger, qui est somme toute logique venant d’une médaillée olympique. Interrogé sur cette performance, Jack Müller a déclaré : «Ce résultat est au contraire excellent sur le plan psychologique car il pourrait inciter Meta à faire mieux encore. On préfère qu’elle soit la chasseuse plutôt que le gibier». Il n’a pas tort car Meta sera effectivement plus détendue en n’ayant plus l’étiquette de favorite sur ses épaules. Elle aura tout de même été recordwoman du monde du pentathlon pendant quarante-deux jours et ça, personne ne pourra le lui enlever.

Une étonnante défaite aux championnats suisses, puis un camp à Saint-Moritz
La dernière compétition de Meta Antenen avant Athènes passe par les championnats suisses à Saint-Gall. Malgré des limites de participation plus sévères, le LS Brühl St.Gallen, organisateur des 62e championnats nationaux, enregistre les inscriptions de 290 athlètes dont 75 femmes (chiffre record) qui luttent pour les trente titres mis en jeu. L’obtention éventuelle de limites de qualification pour les championnats d’Europe donne un intérêt supplémentaire à la compétition. Il fait relativement frais au stade du Neudorf à Saint-Gall pour la première journée, suivie par 2’000 spectateurs. La forme des athlètes a pourtant prouvé qu’il est possible de réaliser d’excellentes performances, malgré ces conditions délicates. Chez les femmes, la hiérarchie est respectée, à une exception près, et quelle exception : au terme d’un concours de toute beauté, Sieglinde Ammann bat Meta Antenen au saut en longueur ! Est-ce vraiment une surprise ? Réponse de Normand : oui et non. En effet, oui, car Meta Antenen c’est la superstar et une défaite en Suisse ne s’est que rarement produite, voire jamais. En même temps, non, car en sautant à 6,12 m seulement, elle était largement prenable et Sieglinde Ammann ne s’est pas privée pour saisir le titre avec un joli 6,24 m, probablement avec une pensée à l’attention de Jack Müller… Dimanche pour la seconde journée, il n’a plu qu’une fois à Saint-Gall. La pluie, passe encore; mais le froid a semblé tétaniser les athlètes. À commencer par Meta Antenen qui ne prend pas de risques et qui assure la victoire dans le 100 m haies en 14″3, soit le plus mauvais chrono de sa carrière sur cette nouvelle distance.
Réunie à Saint-Gall, la commission inter fédération a procédé à une première sélection en vue des championnats d’Europe d’Athènes. Meta Antenen est retenue pour le pentathlon, le 100 m haies et le saut en longueur. Elle peut désormais se concentrer sur sa préparation finale en vue des championnats d’Europe, prévus à la mi-septembre. Pour peaufiner sa forme, elle prend part comme les deux années précédentes à un camp d’entraînement en altitude à Saint-Moritz. Cette dernière ligne droite va lui permettre de recharger ses batteries et d’emmagasiner les derniers aspects techniques de ses différentes disciplines.

Les championnats d’Europe à Athènes
Les IXe championnats d’Europe d’athlétisme se déroulent du 16 au 21 septembre 1969 à Athènes en Grèce, au stade Karaïskaki. Plus de six cent septante participants venant de trente nations sont en compétition dans les trente-huit épreuves qui figurent au programme. Parmi les nouveautés, on retrouve désormais chez les femmes le 1500 m et le relais 4 × 400 m. La politique s’est mêlée au sport car ces championnats d’Europe ont servi la propagande de la dictature des colonels Grecs qui, pour redorer leur blason, les utilisent principalement avec le film documentaire « Jeux européens ». D’autre part, l’affaire Jürgen May marque au fer rouge ces championnats d’Europe d’athlétisme. Ce coureur de demi-fond qui avait commencé sa carrière en Allemagne de l’Est, avait décidé de franchir le Rideau de Fer en 1967 pour s’installer en Allemagne de l’Ouest. Les instances dirigeantes refusent pourtant qu’il dispute le 1500 m sous le maillot ouest-allemand. Par solidarité, les athlètes de la RFA boycottent les courses (hormis les relais) et les concours, dévalorisant ainsi ces épreuves.
C’est dans un stade au trois quarts plein que s’est déroulée la cérémonie d’ouverture. Après leur entrée dans le stade, les délégations prennent place sur la pelouse. Le Marquis d’Exeter, président de la Fédération Internationale d’Athlétisme Amateur, remercie ensuite les organisateurs de leur excellent travail et il demande au régent, le général Georges Zoitakis, de proclamer l’ouverture des neuvièmes championnats d’Europe. Un magnifique lâcher de 6’000 ballons multicolores et le lancement, par un canon, des drapeaux des pays participants (qui redescendent déployés au bout de parachutes) mettent un terme à la cérémonie.

Le vent irrégulier perturbe la première journée du pentathlon
La malchance, qui guette constamment n’importe quel sportif, s’est semble-t-il acharnée sur quelques athlètes suisses lors de la deuxième journée de ces championnats d’Europe et Meta Antenen fait hélas partie de cette guigne. Lorsqu’elle se met dans ses starting-blocks pour le 100 m haies, sa première épreuve du pentathlon, le vent souffle très violemment (-4,9 m/s). Dans ces conditions, la Schaffhousoise ne parvient pas à descendre au-dessous des quatorze secondes comme c’est habituellement le cas, en obtenant un tout petit 14″3. Tout cela n’aurait pris aucune allure dramatique si sa grande rivale, l’Autrichienne Liesel Prokop, n’avait pas bénéficié elle de conditions particulièrement favorables avec un vent ne soufflant en effet qu’à 0,3 m/s lorsque l’Autrichienne s’était mise en piste pour réaliser 14″0. Meta Antenen vient donc de perdre de précieux points, alors qu’elle aurait plutôt dû en gagner dans cette première épreuve.


Le vent facétieux d’Athènes est en train de contrecarrer les bons plans de Meta Antenen

Au poids, assez démoralisée, Meta Antenen ne peut se surpasser et avec ses 10,05 m, elle concède plus de cinq mètres à Prokop (15,20 m). Ce début de concours complètement raté lui fait perdre tout espoir de remporter le titre auquel elle pouvait très sérieusement prétendre après avoir battu le record du monde en juillet dernier à Liestal. Avant de prendre part au saut en hauteur, la troisième et dernière épreuve de la première journée du pentathlon, Meta ne s’en remet toujours pas : «Ah, ce vent, ce maudit vent», répète-t-elle pour commencer, à la manière d’une interminable litanie. Puis, croyant bien faire, certains évoquent, fort compatissants, ce sacré zéphyr. Elle coupe, presque maussade : «Surtout, ne me parlez plus du vent, j’en ai eu ma part ce matin». La Schaffhousoise se reprend brillamment l’après-midi lors du saut en hauteur en égalant son record personnel avec un saut à 1,71 m. À l’issue de la première journée, elle ne pointe pourtant qu’au septième rang de ce pentathlon avec 2’779 points, loin, très loin derrière Liesel Prokop qui caracole allègrement en tête avec 3’132 points, devant les Soviétiques Mariya Sizyakova avec 3’002 points et Valentina Tikhomirova avec 2’905 points. L’autre Suissesse de ce concours, Elisabeth Waldburger, pointe au neuvième rang avec 2’761 points. Tout comme Meta, elle n’a pas pu bénéficier de conditions favorables. Elle a débuté avec 14″6 sur 100 m haies, puis elle a enchaîné avec 13,07 m au poids et elle a perdu pied en hauteur avec 1,53 m seulement. Il faudra sortir le grand jeu le lendemain lors du saut en longueur et du 200 m.

Le podium semble compromis, mais…
Jeudi 18 septembre, la troisième journée des championnats d’Europe démarre à nouveau avec les concours multiples. Meta Antenen, qui avait laissé filer la veille l’Autrichienne Liesel Prokop vers la médaille d’or, se doit de jeter toutes ses forces sur les deux dernières disciplines du pentathlon, même si l’espoir de décrocher une médaille semble, apparemment, compromis. C’est avec une détermination étonnante que Meta prend part au saut en longueur. Comme pour les décathloniens la veille, le vent est très fortement favorable. Pour sa discipline de parade, elle va se lâcher complètement avec ce vent dans le dos, qui tranche radicalement avec celui subi au 100 m haies. Avec un bond de 6,42 m, elle pulvérise toutes ses adversaires et elle remonte maintenant à la quatrième place. Le podium est à nouveau une réalité car on sait que les deux Soviétiques ne sont pas vraiment des spécialistes du sprint. Le 200 m voit la blonde Meta jouer les tornades en 25″0 et elle atomise là aussi ses adversaires directes. Il est temps d’effectuer et de vérifier tous les calculs; ça prend du temps, beaucoup de temps. Le verdict tombe enfin et il permet de constater une magnifique deuxième place finale pour Meta Antenen ! Auteur d’une remontée fantastique, la Schaffhousoise décroche à 20 ans la médaille d’argent avec 4’793 points, derrière Liesel Prokop, championne d’Europe avec 5’030 points, mais devant Mariya Sizyakova avec 20 points d’avance et Valentina Tikhomirova avec un écart de 78 points. Meta Antenen a renversé tous les pronostics pessimistes qu’on faisait déjà dans le camp suisse et remporte une médaille d’argent qu’on peut accueillir avec le plus grand des enthousiasmes.


Mariya Sizyakova, médaille de bronze / Liesel Prokop, championne d’Europe / Meta Antenen, médaille d’argent

La Schaffhousoise analyse son exploit avec une lucidité qui n’enlève rien à son charme : «Je suis comblée, car je me retrouve finalement à la place que j’espérais conquérir. Dans son état de forme actuel, Liesel Prokop était imbattable. Certes, le vent qui m’a freinée mercredi dans le 100 m haies m’a fait perdre des points précieux. Sans cette contre-performance due uniquement au vent qui ne soufflait pas encore lorsque Liesel a disputé sa série, la marge de points me séparant finalement de ma rivale aurait été beaucoup plus modeste, ce d’autant plus que je n’aurais certainement pas raté le lancer de poids où, sur le coup de l’énervement, je réussis une performance que je réalisais déjà quand j’avais 16 ans. Heureusement qu’à partir du saut en hauteur, j’ai commencé à remonter la pente. Je regrette aussi d’avoir battu cet été le record du monde du pentathlon à Liestal. Sur le plan technique et moral, ce record que Liesel Prokop allait d’ailleurs me reprendre, a faussé ma préparation en vue de ces championnats d’Europe. Là il me reste encore à disputer le saut en longueur. Puis pour un bout de temps, c’en sera fini des concours et des entraînements. Je suis vraiment à bout de ressources».
Avec Philippe Clerc qui décroche à Athènes le bronze sur 100 m et l’or sur 200 m, Meta Antenen, demeure bien le porte-drapeau d’une équipe suisse qui provoque, de jour en jour, l’admiration. Comme d’habitude également, il faut associer à ce succès la très belle prestation d’Elisabeth Waldburger, qui réalise elle aussi une belle remontée et termine à une brillante sixième place avec 4’648 points. Elle réussit les belles performances de 6,01 m en longueur et de 25″4 sur 200 m.

Fatiguée, Meta ne brille pas en finale du saut en longueur
Le quatrième jour de ces championnats d’Europe, le vendredi 19 septembre, a lieu la finale du saut en longueur des femmes. Un concours où, malheureusement une double déception accompagne les sauteuses helvétiques. Dans une discipline où on attendait beaucoup de Meta Antenen et de Sieglinde Ammann, il a fallu déchanter puisqu’elle ne disputent que les trois premiers essais de la finale avant d’être éliminées. Meta, toujours fatiguée après son exténuante deuxième journée du pentathlon saute 6,13 m et ne se classe que douzième. Sieglinde franchit quant à elle 6,14 m et pointe au onzième rang, ce qui est loin de ses ambitions et de son énorme potentiel. Ce concours est remporté par la Polonaise Miroslawa Sarna avec 6,49 m, devant la Roumaine Viorica Viscopoleanu avec 6,45 m et la Norvégienne Berit Berthelsen avec 6,44 m. Les regrets sont grands car on voit qu’il y avait peut-être de la place pour l’une des deux Suissesses.

Un bilan helvétique exceptionnel
L’équipe suisse d’athlétisme, déjà victorieuse sur plusieurs fronts cette saison, sort encore une fois grandie de ces championnats d’Europe d’Athènes. Alors que, dans toute l’histoire de ces compétitions continentales qui virent le jour en 1934, notre pays n’avait eu droit qu’à une seule médaille d’or (Schwab sur 10 km marche, en 1950 à Bruxelles), voilà qu’elle quitte Athènes avec trois médailles dans ses valises, une d’argent dans celle de Meta Antenen et deux, d’or et de bronze, dans celle de Philippe Clerc. En vérité, ce bilan est encore plus impressionnant. Il suffit de se pencher sur la suite des classements pour s’en persuader. On trouve ainsi Hansjörg Wirz en quatrième position du 400 m haies, Hansueli Mumenthaler en cinquième place du 800 m, Hansruedi Widmer au sixième rang du 200 m et Elisabeth Waldburger, sixième également du pentathlon. Au classement par nation, l’Allemagne de l’Est remporte la mise avec 25 médailles (11-7-7), devant l’Union Soviétique avec 23 podiums (9-7-7) et la Grande-Bretagne avec 17 médaillés (6-4-7). La Suisse termine bonne huitième devant notamment l’Italie et l’Autriche.

Sieglinde Ammann s’envole
Alors que Meta se repose de sa fantastique mais harassante saison, d’autres athlètes suisses profitent de leur bonne forme pour tenter, pourquoi pas, un bon coup. Et celui-ci arrive le 27 septembre à Vienne pour Sieglinde Ammann. Les conditions de vent sont parfaites là-bas et Sieglinde en profite pleinement. Dès son premier essai, elle franchit 6,55 m, ce qui lui permet de battre le record suisse de Meta Antenen de six centimètres. Galvanisée par cette formidable entrée en matière, elle va claquer un deuxième saut absolument hallucinant, mesuré à 6,64 m ! Sieglinde Ammann égale ainsi la meilleure performance mondiale de l’année détenue jusqu’alors par l’Allemande Heide Rosendahl. Elle poursuit son exceptionnel concours avec deux autres sauts de même qualité : 6,50 m et 6,59 m, alors que ses deux derniers essais sont hélas mordus. Sieglinde a donc réussi à Vienne quatre bonds supérieurs à l’ancien record suisse de Meta Antenen et l’a placé à un niveau absolument incroyable. On souhaite vraiment que cet exploit, de valeur mondiale, va lui permettre d’acquérir toute la confiance nécessaire lors de ses futures grandes compétitions, ceci avec le total appui de la F.S.A. !

PAB

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Meta Antenen

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