La folie de Ryan Hall : le meilleur marathonien blanc de tous les temps prend sa retraite FIN DE CARRIÈRE | Connu pour les charges d’entraînement astronomiques qu’il avalait depuis l’adolescence, Ryan Hall (USA) a couru le marathon en 2h04’58 à Boston en 2011, deux ans après avoir affirmé « remettre son entrainement entre les mains de Dieu ». Aussi talentueux qu’acharné, Hall (33 ans) explique souffrir d’un taux de testostérone chroniquement bas et être épuisé au point de difficilement pouvoir encaisser 20 kilomètres par semaine. Le texte si dessous est la traduction de l’article du New York Times, auquel il a communiqué sa fin de carrière en exclusivité.

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Photo : copie d’écran du film consacré par Flotrack.org à Ryan Hall.

Descendre à fond pendant 11 kilomètres en bas d’une montagne de 2700 m, remonter en courant et recommencer, voilà qui peut repousser même les athlètes les plus adeptes de l’autopunition, mais Ryan Hall pense que c’est ce type « d’entraînements expérimentaux » qui ont fait de lui le meilleur coureur américain de longues distances de l’histoire.

C’est aussi le genre d’entraînements extrêmes qui est aujourd’hui la cause de sa fin de carrière abrupte, après deux décennies d’une carrière qui a produit des marques de référence – son chrono de 2h04’58 au marathon de Boston en 2011 est de loin le plus rapide jamais couru par un Américain – mais aucun succès lors d’événements majeurs.

A 33 ans, Hall était un des meilleurs espoirs pour les Etats-Unis de s’illustrer sur le marathon olympique de Rio. Il rend les armes en raison « d’un taux de testostérone chroniquement bas et d’une fatigue si extrême qu’elle lui permet difficilement d’enchaîner 20 km par semaine ».

« Jusqu’à maintenant, j’ai toujours pensé que mes meilleurs courses étaient devant moi », explique Hall qui a dû faire face à plusieurs blessures depuis les Jeux de Londres en 2012. « J’ai tout essayé pour revenir à mon niveau, mais mon corps ne répond pas. J’ai réalisé qu’il était temps d’arrêter de s’acharner pour enfin être satisfait et décider ‘mission accomplie’ ».

Hall 1Hall au marathon de Boston en 2011. Photo : Steven Senne/Associated Press

La testostérone est essentielle pour les performances athlétiques, mais le niveau de l’hormone peut chuter avec le temps et l’entraînement extrême, a l’image des athlètes ou gymnastes féminines, qui voient leur taux d’œstrogènes diminuer. Hall, 1,78 m pour moins de 60 kg durant sa carrière, dit avoir expérimenté des taux de testostérone bas pour la première fois lorsque il est devenu professionnel au sortir de l’Université, mais qu’il parvenait alors malgré tout à courir d’excellents chronos.

La supplémentation en testostérone est interdite, mais Hall aurait pu obtenir une autorisation à usage thérapeutique (AUT) s’il avait voulu booster son taux. Il affirme cependant avoir décidé de ne pas le faire en raison des potentiels effets secondaires (notamment la dépendance et l’infertilité) et les problèmes éthiques. Il raconte avoir essayé en vain des remèdes naturels, tels la modification de son alimentation et la musculation.

« En tant qu’athlète élite, quand tu reçois un mauvais diagnostique à propos de tes limites physiques, tu as deux options », explique sa partenaire d’entraînement à l’Université de Stanford Lauren Fleshman. « Tu peux adapter ton approche ou continuer comme si de rien était en espérant que ça passe ».

De manière générale, Hall a toujours continué à foncer, agressivement, alignant plus de 160 km par semaine avec une impressionnante consistance et repoussant les limites du supportable.

Par sa retraite, il laisse derrière lui un athlétisme américain, en proie aux allégations de dopage chronique et au milieu de crises politiques, avec un manque de talents émergents. Le marathonien le plus susceptible de réussir un bon résultat à Rio est Meb Keflezighi du haut de ses 40 ans.

Hall 2La famille Hall à la maison. Ryan affirme que la paternité sera désormais sa priorité. Il coachera également Sara qui cherchera à obtenir sa première place dans l’équipe olympique de marathon des Jeux de Rio, lors des Trials dans un mois. Photo : Elizabeth D. Herman for The New York Times

En 2001, Hall faisait partie d’un groupe d’écoliers prometteurs, au sein duquel se trouvait également Alan Webb, dont le record de moins de 4 minutes pour le mile en « High School » tient toujours, mais aussi Dathan Ritzenheim.

« Ces trois ont changé les attentes des Américains vis-à-vis de notre capacité à être compétitif au meilleur niveau », explique Mary Witenberg, Directrice exécutive de Virgin Sport et ancienne Directrice du New York Marathon. « Leur émergence a coïncidé avec le regain d’intérêt pour le cross et la piste, liée également à l’explosion d’internet. C’est la première génération d’écoliers qui pouvaient vraiment se suivre online. Les enfants parlaient de ces gars à travers tout le pays, ils voulaient être à leur place ».

Hall a géré sa carrière différemment de bon nombre d’autres coureurs professionnels, évitant de trop fréquenter les forums et se protégeant des rumeurs et des critiques qu’il considéraient comme des distractions l’empêchant de s’entraîner pour exceller dans son sport.

Sa femme Sara, elle aussi coureuse professionnelle et coéquipière de Hall a Stanford, s’occupe de ses comptes sur les réseaux sociaux et lui sert de filtre avec le monde extérieur.

« Certains courent peut-être parce qu’ils veulent les acclamations des fans, mais son approche est naturelle, comme il y a plusieurs années dans ce pays, quand les meilleurs coureurs s’entraînaient dur et en isolation – ils couraient pour la passion et pas pour la reconnaissance. Et ils étaient excellents. »

Hall a commencé à courir à 13 ans et s’est immédiatement illustré. Il a gagné les Championnats nationaux universitaires sur 5000 m à Stanford, avant de renoncer à une progression de carrière traditionnelle pour bifurquer directement sur le marathon et enchaîner immédiatement de très grosses charges d’entraînement. Dans une attitude de bravade caractéristique.

« Quand j’ai décidé de me lancer sur marathon, les gens m’ont dit d’attendre, de me retenir, que je devais construire les choses progressivement », raconte-t-il « j’ai dit : ‘Ce n’est pas vrai. Je cours 160 km par semaine depuis que j’ai 17 ans et je suis prêt.’ Mais s’entraîner si longtemps à une telle intensité ça vide ton corps, ça c’est sûr ».

Il a rapidement connu le succès,  pour son premier marathon à Londres en 2007, il court en 2h08’24, les débuts les plus rapides pour un Américain sur la distance. Il attribue sa fatigue actuelle aux charges d’entraînement qu’il s’est infligées dans sa jeunesse et à ses stratégies d’entraînement non conventionnelles. Avant les Jeux de Londres en 2012, il effectuait trois entraînements par semaine au rythme du record du monde – 2’56 par kilomètre – essayant à chaque fois d’aller aussi loin que possible.

Impossible de savoir à coup sûr si cette approche a aidé ou affecté ses performances. Mais quoi qu’il en soit, il est l’un des rares américains à avoir challengé la domination des athlètes de l’Afrique de l’est.

Hall 3Hall affirme que sa forte croyance religieuse l’a aidé dans sa décision de mettre un terme à sa carrière. Photo : Elizabeth D. Herman for The New York Times

Durant les cinq dernières années, Hall a vécu en ermite dans une vallée montagneuse de Caroline du nord avec sa famille, proche d’une église et de leur communauté chrétienne. Toujours soutenu par Asics, il s’était retiré de tout système d’entraînement pour s’entraîner sur un modèle « basé sur la foi ». « Tous les athlètes d’élite son hypothétiquement destinés à une poursuite bornée de leur potentiel ; son approche de la fois lui donne les conditions idéales pour le faire », explique Fleshman. « Et ça le détruit également ».

En octobre, les Hall ont adopté quatre sœurs âgées de 5 à 15 ans dans un orphelinat en Ethiopie, où ils passent plusieurs mois par année à s’entraîner. Les filles ne parlaient pas anglais et les Hall ont donc pris des cours d’Amharic, qu’ils ont ensuite pratiqué avec leurs partenaires d’entraînement éthiopiens.

Hall affirme que la paternité sera désormais sa priorité. Il coachera également Sara qui cherchera à obtenir sa première place dans l’équipe olympique de marathon des Jeux de Rio, lors de Trials dans un mois. Il espère également permettre à son corps de récupérer d’une « vie d’effort ». Il a déjà pris près de 10 kg. « J’ai commencé à courir à 13 ans, je ne sais pas ce qu’est l’état normal de mon corps ».

En racontant son histoire, Hall a sorti ses maillots de compétition, conservés non-lavés sur des cintres avec les dossards encore attachés. Il semblait triomphant en les accrochant, mais son visage a ensuite semblé changer d’expression. « C’est la première fois que je suis un peu triste. Mais ce n’est pas triste comme si je faisais une erreur. C’est comme si je voulais revivre une grande course, le genre de course que tu veux revivre, mais que tu ne peux pas ».

Hall 4Photo : Elizabeth D. Herman for The New York Times

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