Le défi marathon | Chronique ÉMOTIONS | On s’y prépare longuement, on souffre et parfois on échoue ; mais si on s’accroche, on finit par y arriver : par réussir le « défi marathon ». Alors que la saison des grands marathons printaniers vient tout juste de se terminer, les inscriptions sont déjà ouvertes pour le Lausanne Marathon en octobre et le Genève Marathon en mai 2016. Le défi marathon, l’émotion en course à pied, ça vous parle ?

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Philosophe, speaker à plusieurs des plus grandes manifestations athlétiques du pays et… co-fondateur d’ATHLE.ch, Michel Herren animait le 3 mai dernier le Genève Marathon. Tant au départ de Chêne-Bourg qu’à l’arrivée sur le Pont du Mont-Blanc. Pour accueillir tout le monde : des vainqueurs kenyans en 2h et des poussières aux derniers finishers en à peine moins de 6h. Il raconte l’incroyable émotion partagée ce jour-là sur la ligne d’arrivée.

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Dimanche 3 mai, j’ai eu l’occasion d’être à l’arrivée de l’ainsi nommé « Harmony Genève Marathon For Unicef ». Et j’y ai vécu quelque chose d’étrange, d’étonnant. Alors que, jusqu’ici, l’amateur de sport que je suis a l’impression de n’avoir vibré, frissonné et été vraiment ému que par les luttes des athlètes de grand style, j’ai, dimanche, presque constamment eu des frissons et même des larmes aux yeux en partageant l’émotion des coureurs populaires à l’arrivée.

D’abord réservé à l’élite, le marathon s’est démocratisé dès les années huitante, pour devenir un véritable phénomène de société : phénomène de masse où, loin de chercher la performance – sinon la victoire, du moins un chrono –, on se lance un défi. Que ce soit lors d’une des nombreuses messes populaires que sont devenus les marathon de New York, Boston, Tokyo, Paris, Berlin, Chicago, etc., ou que ce soit dans un des 25 ( !) marathons organisés en Suisse, le but n’est pour la plupart pas de faire trembler le chronomètre, mais simplement d’arriver au bout.

On se prépare pendant des mois, des années, des fois, simplement pour pouvoir franchir la ligne d’arrivée et dire à la fin : « Je l’ai fait ! Je suis un marathonien ! Je suis un héros ! ». Ou plutôt, en anglais, puisque le phénomène est aujourd’hui mondialisé – victoire de la vision occidentale du monde où, pour être quelqu’un, il faut savoir réaliser les buts qu’on s’est fixés : « I did it ! I’m a marathon runner ! I’m a hero ! »

C’est quelque chose qu’il faut faire au moins une fois dans sa vie. Sinon, on n’appartient pas à la catégorie des gens bien, qui savent se fixer des buts élevés – et qui les atteignent.

A l’arrivée du Genève Marathon, les gens étaient heureux, juste « heu-reux ». Et pas seulement les coureurs au bout du rouleau, un large sourire aux lèvres, les bras volontiers au ciel, avec la tête qui tourne, le corps raide et suant, le visage épuisé, titubant, les jambes fracassées. Pas seulement eux, mais aussi leurs accompagnants, dans les bras desquels ils tombaient, en même temps comme des mouches, et en même temps comme des héros, rescapés d’une terrible catastrophe, des revenants. D’abord on se cherche puis on se trouve : on jubile, on saute de joie, on s’extasie, s’embrasse, se serre, plus que de raison, dans une vallée de sueur et de larmes !

Forcément, il y a là quelque chose d’étrange, d’étonnant. Et en même temps de formidablement communicatif. Voir ça, ça vous coupe le souffle. Ça vous donne des frissons partout. Impossible de ne pas être en empathie. Et voilà que ça vous tire les larmes. Comme lors d’une grande victoire sportive, d’une cérémonie protocolaire, d’un quelconque événement heureux – ou malheureux. Comme dans un film, fait exprès pour ça, exprès pour nous tirer les larmes ; film dont tout le monde sort en pleurant comme une madeleine.

Et là, contrairement à ce qui se passe dans la plupart des films, ce n’est pas juste du sentimentalisme. Non, il se passe vraiment quelque chose, quelque chose de bien plus profond. C’est vraiment de l’émotion, qu’on ressent : on est « é-mu », littéralement « mu hors de soi », placé dans une dimension qui nous dépasse ; dimension qui vient de loin, de très loin, d’on ne sait pas trop où.

Ce dimanche-là, à l’ainsi bien nommé « Harmony Genève Marathon for Unicef », tout à coup, j’ai tout compris : je me suis rendu compte qu’elle venait du fin-fond de notre… humanité. Oui, du fin-fond de notre humanité, qui existe bel et bien et qui fait qu’au lieu d’être toujours égoïstes, centrés sur nous-mêmes, sur nos performances, notre succès ; au lieu de jouer partout la puissance, les faux-semblants ; de sans cesse lutter les uns contre les autres, pour son propre avantage, on devient soudain, tous au même titre, de simples êtres humains, de simples mortels, tombés malgré nous, par hasard – délicieux et terrible hasard ! –, sur cette même terre. Sur cette même terre où nous avons pour sûr quelque chose à faire ; à faire ensemble, tous ensemble. Pour sûr quelque chose de bien plus grand encore qu’un marathon…

Michel Herren

Lien vers l’inscription au Lausanne Marathon 2015
Lien vers l’inscription au Genève Marathon 2016
Lien vers PHUSIS.ch, le site internet où vous trouvez tous les travaux de Michel Herren et de ses acolytes

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