Championnats d’Europe à Berlin RESULTATS | Six athlètes vaudois ont été sélectionnés pour les 24ème championnats d'Europe à Berlin où Lea Sprunger (COVA Nyon) et Sarah Atcho (Lausanne-Sports) avaient de quoi tirer leur épingle du jeu.

   

Le bel élan amorcé en 2014 à Zurich à l’occasion des championnats d’Europe à domicile a surtout payé deux ans plus tard à Amsterdam, où l’équipe suisse avait pu fêter le bilan le plus prolifique de son histoire avec cinq médailles (2-0-3 et 13 top 8). Pour les vingt-quatrièmes championnats d’Europe qui sont sur le point de s’ouvrir à Berlin, pas moins de six athlètes vaudois ont pu obtenir leur sélection: Alain-Hervé Mfomkpa (Lausanne-Sports) sur 400 m haies et sur 4 x 400 m, Loïc Gasch (US Yverdon) au saut en hauteur, Sylvain Chuard (Lausanne-Sports) sur 4 x 100 m, Sarah Atcho (Lausanne-Sports) sur 200 m et sur 4 x 100 m, Lea Sprunger (COVA Nyon) sur 400 m haies et Samantha Dagry (Lausanne-Sports) sur 4 x 100 m On le sait bien, Sylvain et Samantha n’ont que très peu de chances de faire partie de l’équipe type de leur relais respectif. Il n’empêche, ils ont fait partie intégrante de cette histoire et ils ont vécu pleinement cette fantastique aventure berlinoise.

Les championnats d’Europe de Berlin ont été lancés le lundi 6 août avec les premiers tours de qualification. Dans un stade Olympique fortement chargé d’Histoire, les Suisses ont d’entrée été performants, avec notamment Alain-Hervé Mfomkpa sur 400 m haies. Le meilleur performer suisse de la saison gère son parcours à la perfection, ce qui lui permet même de relâcher son effort dans les derniers mètres. Il termine sa série en 50″34 et il se qualifie aisément pour les demi-finales. Le lendemain, Alain-Hervé est très confiant car les sensations ressenties la veille étaient excellentes et bien évidemment prometteuses pour cette demi-finale. Le début de son parcours est bon, les haies passent facilement et il semble être dans le bon wagon. Il doit pourtant déchanter aux 300 m. avec une faute sur la huitième haie qui le fait verser dans un mauvais rythme. En même temps les forces l’abandonnent au moment d’aborder les deux dernières haies et cette fin de course pénible n’a pas débouché sur mieux qu’une huitième place en 50″71, engendrant un vingt-deuxième rang final dans ces championnats d’Europe. Bien qu’on eût espéré mieux pour lui, ou en tous cas une course plus aboutie, ce fut malgré tout une bonne et très importante expérience pour lui. Il pourra à l’avenir se baser avec certitude sur ces acquis de Berlin.

La soirée de mercredi s’annonce très importante pour les six suisses engagés dans les demi-finales de trois disciplines, dont Lea Sprunger (COVA Nyon) au 400 m haies. Dans le doute jusqu’à quinze jours avant cette compétition quant au choix de l’épreuve à courir, Lea a finalement opté pour sa discipline de prédilection. Un choix logique même si on comprend qu’elle ait été tenté également par le 400 m plat suite à son magnifique record suisse le 1er juillet à La Chaux-de-Fonds en 50″52, synonymes, tout comme pour le 400 m haies, de meilleure performance européenne de la saison. Cette décision bien réfléchie a été prise de concert avec son coach Laurent Meuwly au terme de son camp de préparation à Davos. «J’espère ramener la plus belle des médailles à la Suisse. Je me sens bien, je suis vraiment impatiente d’en découdre», a expliqué la Vaudoise de 28 ans, qui a régalé ses supporters en réalisant une demi-finale très intelligente, sans accroc et avec une belle décontraction en fin de parcours. Vainqueur en 55″09, Lea semble étonnée d’avoir posé un tel chrono. Elle est surtout heure que tout se soit bien passé, même si elle n’a pas obtenu le meilleur temps de ces demi-finales. La revenante Ukrainienne Anna Ryzhykova, qui sort deux saisons blanches, a signé un joli 54″82 qui n’émeut pas plus que ça Laurent Meuwly : «Lea sait ce qu’elle à faire et si elle ne commet pas d’erreur, je vois mal qui pourrait l’empêcher de gagner. En demi-finale, elle a nettement relâché son effort après le passage de la huitième haie. Elle a de la marge». Vivement vendredi pour vérifier ces dires.

Jeudi, quatrième jour de compétition, est une nouvelle fois dense pour la délégation helvétique. Néophyte à ce niveau de compétition, Loïc Gasch a su créer une très belle surprise en qualifications du saut en hauteur. Il a franchi successivement 2,11 m, 2,16 m et 2,21 m, à chaque fois lors de sa première tentative. Ce n’est qu’à 2,25 m que ses sauts furent moins bons et il a échoué par trois fois. Bien qu’il n’ait pas franchi la hauteur de qualification, son classement dans les douze meilleurs l’a propulsé en finale. Ce joli coup d’éclat de Loïc Gasch est fort réjouissant pour une discipline qui n’avait plus vraiment brillé depuis les exploits de Roland Dalhäuser dans les années ’80 et la belle passe de Matin Stauffer au début des années 2000. Seule ombre au tableau, une douleur au dos a été ressentie qu’il va falloir soigner d’ici la finale de samedi.

Après l’euphorie de la médaille de bronze d’Alex Wilson jeudi soir sur 200 m, le camp suisse s’apprête à vivre la cinquième journée où pas moins de vingt et un suisses doivent fouler les installations exceptionnelles du stade Olympique de Berlin. En fin de session matinale ont lieu les relais 4 x 400 m avec chez les hommes, un changement de dernière minute qui doit être opéré suite à la blessure au genou d’Alain-Hervé Mfomkpa. L’équipe a finalement couru dans la composition suivante : Jonas Gehrig, Ricky Petrucciani, Joel Burgunder (tous trois du LC Zürich) et Charles Devantay (SA Bulle), le remplaçant du Lausannois. L’espoir d’une qualification habitait les esprits de ce quatuor, mais ils ont rapidement perdu le contact et ils ont même été disqualifiés à l’arrivée pour avoir mordu une ligne. Le chrono de 3’11 et quelques n’a à l’évidence pas satisfait leurs auteurs. Le soir voit enfin l’entrée en lice de Sarah Atcho sur 200 m. Exemptée des séries du matin, la sprinteuse lausannoise est donc entrée directement en demi-finale où il fallait terminer dans les deux premières pour se qualifier pour la finale. Placée dans le sillage de la Hollandaise Dafne Schippers, Sarah calque sa course sur elle. Hélas la championne olympique n’est de loin pas à fond et ce faux rythme, induit en erreur Sarah, qui de surcroît coince légèrement en fin de course. Derrière Schippers, créditée de 22″69, l’Anglaise Beth Dobbin a pu s’assurer la deuxième place en 22″84. Sarah Atcho termine troisième en 22″84 et elle sent tout de suite que sa qualification lui est passée sous le nez car l’Anglaise Bianca Williams en 22″83 et l’Allemande Laura Müller en 22″87 se sont adjugés les deux places qualificatives lors de la première demi-finale. La déception est évidemment vive : «J’avais l’impression d’être rapide derrière Dafne Schippers. J’avais les jambes et dans le virage j’étais bien, je me sentais relâchée. Travailler si dur et manquer la finale pour un centième, ça fait chier; ça va être dur de se remotiver», s’est désolé la Vaudoise, en pleurs après la course. Elle termine donc à une cruelle neuvième place dans ce 200 m.

Le vendredi 10 août 2018 serait-il en passe devenir un jour historique pour l’athlétisme suisse ? Il avait en tous cas été annoncé dès le début de la saison par Lea Sprunger : «Je veux l’or à Berlin sur 400 m haies». L’objectif était clair, net et précis. Il caractérise surtout l’abnégation d’une athlète qui sait où elle veut aller et qui s’en donne les moyens. En ce 10 août 2018 donc, toute la Suisse a les yeux rivés sur elle. Il y a aussi le spectre de quelques ratés par le passé en grands champion-nats, mais cette époque semble désormais révolue. Car Lea sait que si elle réalise une course propre, rien ne pourra lui arriver. Le départ est rondement mené, le rythme est calé, implacable, sauf sur la deuxième haie où un déséquilibre bien visible donne des sueurs froides à ses supporters. Mais la Vaudoise n’a pas sourcillé; elle est à fond dans son truc et les obstacles passent ensuite sans coup férir. La dixième haie est franchie en tête et les quarante derniers mètres ne sont qu’une formalité, même s’il faut résister au retour énergique de l’Ukrainienne Anna Ryzhykova jusque dans les derniers mètres. Lea s’impose en patronne avec dix-huit centièmes d’avance en 54″33, soit son meilleur chrono de la saison et à quatre centièmes de son record personnel. Le record suisse d’Anita Protti (Lausanne-Sports / 54″25) a de nouveau eu très chaud, mais il a une nouvelle fois tenu bon; pour combien de temps encore ? Lea Sprunger devient ainsi la toute première suissesse championne d’Europe et elle se place au niveau des plus grandes figures de l’histoire de l’athlétisme suisse lors de cette compétition, les Philippe Clerc, Werner Günthör ou plus près de nous Viktor Röthlin, Kariem Hussein et Tadesse Abraham. Après une courte nuit, la remise des médailles a lieu non pas à l’Olympiastadion mais à la Berliner Breitscheidplatz, où tous les supporters suisses se sont donné rendez-vous. La cérémonie protocolaire est très touchante, surtout lors de l’hymne national, parfait en la circonstance. Lea Sprunger ne cesse de rayonner de bonheur : «Je suis heureuse de ce que j’ai fait. Les nombreux supporters suisses dans le stade m’ont boosté et motivé tout au long de la course. Ce titre de championne d’Europe est le fruit de toute mon intéressante carrière, avec les belles et moins belles choses. J’ai très bien travaillé toute la saison, c’est incroyable». En revenant sur sa course, Lea précise encore qu’elle était étonnamment calme avant le départ. Malgré des premiers passages de haies approximatifs, elle s’est focalisée sur elle-même, sans trop regarder ses adversaires. Sur la dixième haie, ses jambes ont commencé à faire mal alors que le retour de l’Ukrainienne se faisait de plus en plus pressant. Au final la Nyonnaise a relevé son défi avec une belle maestria et la consécration est mille fois méritée. Oui ce 10 août 2018 restera bien une date historique : celle qui a vu Lea Sprunger devenir à jamais la toute première championne d’Europe de l’athlétisme suisse.

Samedi pour l’avant-dernière journée de ces championnats, quatre suisses sont en lice pour leur finale respective, dont Loïc Gasch au saut en hauteur. Fort brillant jeudi soir avec un saut à 2,21 m, Loïc a dû jouer contre la montre pour soigner quelques douleurs au dos et au talon. Le temps de récupération a pourtant été trop court et ces petites blessures ont perturbé sa préparation pour cette finale. Loïc a fait de son mieux en franchissant au troisième essai 2,19 m, mais ça n’a pas passé pas à 2,24 m, malgré un troisième essai très convaincant. Il termine ce concours en dixième position.

Dimanche pour la septième et dernière soirée de ces championnats d’Europe, le clan helvétique rêve de deux médailles supplémentaires au 3000 m steeple et au relais 4 x 100 m des femmes. C’est justement cette équipe qui ouvre les feux, dans sa composition type : Ajla Del Ponte (US Ascona), Sarah Atcho (Lausanne-Sports), Mujinga Kambundji (ST Bern) et Salomé Kora (LC Brühl). Suite au revers de Zurich en 2014 (témoin tombé dès le départ) et une cinquième place en 2016 à Amsterdam, les signaux envoyés un mois plus tôt lors d’un fabuleux record suisse en 42″29 à Lausanne sont clairs : il est temps de concrétiser ce projet né en 2011 sous la houlette de Laurent Meuwly en grimpant sur le podium. Pour passer en finale, elles doivent finir dans les trois premières ou réaliser un des deux meilleurs temps. C’est chose faite avec une deuxième place derrière l’Allemagne en 42″62, mais ces séries ont montré que ce serait impossible pour le titre, tant les Anglaises sont supérieures et n’ont de surcroît pas couru ces séries avec la double championne d’Europe Dina Asher-Smith. La médaille semble par contre à portée de témoin pour les fusées helvétiques. Non pas face à l’Allemagne qui paraît elle aussi quasi intouchable, mais face à la Hollande de Dafne Schippers qui a couru dans le même chrono que les Suissesses. Les passages n’ayant pas été tous parfaits, c’est à ce niveau qu’il faudra trouver une amélioration afin de concrétiser le rêve qui tend les bras à ce quatuor. Moins de deux heures après les séries, la finale est sur le point de lâcher son verdict. Le quatuor helvétique sait qu’il faut tout lâcher et prendre des risques. Ajla Del Ponte fait le départ de sa vie en faisant quasi jeu égal avec Dafne Schippers. Son passage de témoin avec Sarah Atcho est bon. Sarah est lancée à pleine vitesse et maintient le cap. La transmission avec Mujinga Kambundji est l’inverse de la série. Alors que Sarah avait dû tendre le bras bien en avant, cette fois-ci elle butte presque sur les talons de la Bernoise. C’est tout de même passé assez vite et Mujinga se jette dans une bagarre à quatre. Comme lors du second passage, la charnière entre elle et Salomé Kora n’est pas assez tendue. La Saint-Galloise est pourtant dans le coup, mais sur la ligne d’arrivée c’est la quatrième place en 42″30 derrière la Grande-Bretagne en 41″88, la Hollande en 42″15 et l’Allemagne en 43″23. Accroupies un peu plus loin de la ligne d’arrivée, on sent la grosse déception pour les suissesses qui échouent à sept centièmes de la médaille et à un centième du record suisse d’Athletissima. Pour Kambundji, c’est la catastrophe puisqu’elle récolte sa troisième breloque en chocolat de la semaine. Pour les trois autres, c’est l’incompréhension au moment des interviews en zone mixte. D’habitude si volubiles, on les a vues sans mots ou presque.

Au terme de cette compétition, le Président d’European Athletics Svein Arne Hansen a déclaré que ces Championnats d’Europe 2018 à Berlin ont été les meilleurs de tous. Avec Stuttgart 1986 serait-on tenté d’ajouter. Mais il est vrai que l’ambiance créée samedi soir par les 60’500 spectateurs de l’Olympiastadion représente un pas en avant significatif pour la présentation de l’athlétisme. Du côté suisse, même si le bilan des médailles d’Amsterdam 2016 peut prouver le contraire, ces championnats d’Europe ont été assurément les meilleurs réalisés par une délégation suisse. Voilà de quoi travailler sur de très bonnes bases, au moment où Peter Haas, le chef de sport de performance de Swiss Athletics, est sur le point de passer le témoin à Philipp Bandi.

PAB

Les résultats

Championnats d’Europe | Berlin | 06-12.08.2018

1. Lea Sprunger (COVA Nyon) 54″33 sur 400 m haies
4. Suisse : Ajla Del Ponte (US Ascona) / Sarah Atcho (Lausanne-Sports) / Mujinga Kambundji (ST Bern) / Salomé Kora (LC Brühl) 42″30 sur 4 x 100 m
9. Sarah Atcho (Lausanne-Sports) 22″88 sur 200 m
10. Loïc Gasch (US Yverdon) 2,19 m en hauteur (2,21 m en qualifications)
22. Alain-Hervé Mfomkpa (Lausanne-Sports) 50″71 sur 400 m haies (50″34 en demi-finales)

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Meilleures performances vaudoises 2018

Photo : RTS Sports

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