Co-fondateur du Spiridon Romand, il est un des plus grands connaisseurs de notre sport préféré en Suisse romande. Il nous fait l’honneur et l’amitié de soutenir haut et fort ATHLE.ch en ouvrant le bal des chroniques. Grand merci à lui.
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Les mots qui suivent se veulent avant tout être une marque d’encouragement pour celles et ceux qui, au nom de la continuité et de l’amélioration de la pratique et de l’information de notre sport, ont décidé d’entrer en scène : tout savoir sur l’athlétisme, course hors stade y comprise… Grand défi et beau projet !
Reprendre la plume ou rouvrir son ordi pour évoquer ce qu’on croyait définitivement mis au rayon des souvenirs ? Réveiller plus de vingt ans d’athlétisme et de course à pied en stade et le double – ou presque – hors stade, le tout accompagné (ou suivi) de quarante ans d’écriture sur le sujet ? Défis !
Etonnante découverte
Cela étant, pour amuser parents et enfants d’aujourd’hui voici, raconté en bref, comment j’ai moi-même découvert l’athlétisme et la course à pied « organisée » il y a très, très longtemps. La guerre faisait rage aux frontières de mon Jura natal. Dans les écoles, dont celle de Montenol, bien à trois kilomètres de la ferme ou je suis né (j’y allais et revenais deux fois par jour, « toujours au petit pas de course » comme diraient les modernes fascinés par le Kénya et l’Ethiopie). Un jour, les enseignants du pays reçurent mission de préparer, pendant les heures dites de « sport », les écoliers (garçons seulement) à devenir de bons petits soldats. Ce programme s’appelait lP (instruction préparatoire)…
A Montenol, le régent (c’est ainsi qu’on appelait l’instituteur) qui n’avait – ou ne voulait avoir – de la chose qu’une idée approximative nous dit un jour : « Demain les gosses, rendez-vous à St-Ursanne avec les chefs de l’IP et un observateur de Macolin…» Connu pour l’avoir entendu souvent à la radio, ce dernier mot me fit frémir. Mais surtout, pour une fois, j’allais pouvoir prendre « la poste » et, pour la plus grande satisfaction de mes parents, sans débourser un sou…
Sur place, un petit terrain était aménagé pour le 60 m, le lancement du poids et le saut en longueur… Jamais je n’avais vu pareilles installations et j’étais donc très impressionné… Pan ! Effrayé, je vis partir les autres… L’inspecteur, un homme sec et froid en tenue militaire cria dans ma direction : « Jeannotat, zéro pointé !… Lancement du poids ! A vous Jeannotat ! Comment ? Pas de tenue de gym ? Drôle de lascar !… » Transi, je soulevai avec peine l’énorme boulet de fonte que je voyais pour la première fois. Le résultat ? Pitoyable ! Mais déjà, on m’appelait au saut en longueur…
« Et vos savates Jeannotat ? »
« J’en n’ai pas m’sieur… »
« Bon Dieu ! Vous ne faites pas de gym à Montenol ? »
« Si m’sieur ! La chasse au renard… »
« J’vais vous en donner du renard ; sautez Jeannotat ! »
Les larmes aux yeux, tremblant comme une feuille morte, ce n’est qu’avec un magistral coup de pied au cul que j’atteignis la fosse de réception…
Dès ce moment, je ne me rendis plus compte de rien et c’est dans une inconscience totale que je me trouvai sur la ligne de départ de la course d’endurance… « Jusque tout là-bas au fond et retour » hurla le militaire… Là, dès après la bousculade du départ, ma seconde nature repris le dessus. J’avançais comme dans un rêve. J’étais aux anges… Tout seul !… Devant !… La ligne d’arrivée passée, je m’écrasai sans le vouloir contre le manteau de cuir de l’inspecteur. Plaçant ses deux grosses mains sur mes épaules, je l’entendis marteler : Alors Jeannotat, vous voyez bien : quant on veut, on peut !… Dès ce jour-là je n’eus plus qu’une idée en tête : courir, courir, courir…
Cet exemple d’un autre monde montre à quel point tous les chemins mènent à l’athlétisme…
Vive l’athlé et la course à pied !
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Retrouvez le dernier livre d’Yves Jeannotat, Sport, où est ta victoire ? Réflexions pour le meilleur et pour le pire (Editions Baudelaire, 2009).
