Portrait de Pierre Scheidegger REVUE DE PRESSE | Portrait de Pierre Scheidegger (Stade Lausanne), détenteur du plus vieux record vaudois (7,54 m au saut en longueur en 1962). Le sport a été sa première famille.

  

Pierre-Alain Schlosser / 24 Heures

La vie s’apparente parfois à une épreuve de sprint. Lorsque le pistolet retentit pour libérer les athlètes, nos pieds peuvent rester figés dans les starting-blocks, pendant que nos adversaires négocient parfaitement leurs premières foulées. Dans l’esprit de 99% des mortels, la course serait définitivement perdue, après un tel départ. Pas pour Pierre Scheidegger. Placé en internat jusqu’à l’âge de 12 ans par sa mère, le jeune Pierre a su prendre la vie comme une chance. Ce qu’il n’a pas reçu à la naissance, il est allé le chercher tout seul. Ainsi, il s’est construit sa propre famille. Celle du sport. Tout commence à Payerne, où il vit sous le regard bienveillant de sa grand-maman. Pierre Scheidegger a 15 ans, lorsque naît son amour pour l’athlétisme. «Avec des copains, nous avions tiré un élastique entre deux poteaux, pour faire du saut en hauteur. Nous franchissions environ 1,70 m». En voyant les gosses s’amuser avec leur élastique, Lucien Graf, alors champion suisse à la longueur, s’approche de Pierre Scheidegger et lui propose de rejoindre le Club Athlétique de Payerne. Le virus est inoculé. Après avoir passé son adolescence à Schiers, dans les Grisons, il rejoint le Stade Lausanne. Avec ses complices du 4 x 100 m. (NDLR : Jean-Pierre Strebel, Jean-Louis Descloux et Dave James), il bat le record national en 41″3 et obtient le titre de champion de Suisse. Au saut en longueur, il remporte deux titres nationaux et fixe la meilleure marque helvétique à 7,54 m. «Le sport est pour moi une école de vie», souffle cet ancien dessinateur-technicien géomètre. Ma devise a toujours été : «Gagner comme une habitude, perdre avec le sourire. Il faut saisir l’aspect éphémère du sport. Un jour, tu es le meilleur, le plus beau, tu gagnes de l’argent. Et le lendemain, un autre arrive et te bat pour un centième de seconde et te relègue au néant».
Le néant, Pierre Scheidegger l’a justement côtoyé sur la route, du côté de Vuarrens. En 1967, en revenant de Neuchâtel avec un ami architecte, un véhicule entreprend un dépassement hasardeux en face de leur voiture. «J’étais passager. Mon collègue est parti sur la gauche pour éviter la collision et on s’est littéralement envolé. Je me suis réveillé dans un champ de pommes de terre, en petits morceaux. Dans l’ambulance qui nous a conduits à l’hôpital, une voix me disait : «Ne t’endors pas, ne t’endors pas». J’ai perdu conscience. J’ai retrouvé mes esprits trois semaines plus tard. Au réveil, je n’ai pas reconnu ma femme. Je lui ai dit : «Bonjour Mademoiselle, vous avez une bien jolie robe». Le choc a laissé de nombreuses traces : dislocation de la symphyse pubienne, plusieurs fractures du bassin, vertèbres fissurées, jambe et épaule droites touchées, vessie éclatée et rein traumatisé. Pierre Scheidegger reste deux mois et demi sur une chaise roulante. Dans son lit d’infortune, il demande s’il pourra à nouveau marcher et… faire plaisir à sa femme. Le médecin se retourne vers ses collègues en disant : «Vous voyez ce petit gars ? Il vivra !». Le petit gars en question a repris goût à la vie, grâce à l’amour inconditionnel de son épouse, enceinte au moment de l’accident et véritable pilier du clan Scheidegger. «Jo est une femme étonnante. Elle a toujours été belle et c’est une mère très protectrice. Elle a du caractère et elle a été impressionnante, lors des moments difficiles de notre vie. J’ai eu beaucoup de chance de la rencontrer. C’est une femme qu’on ne peut qu’aimer». Depuis près de cinquante ans, Pierre Scheidegger tente de rendre au sport ce que celui-ci lui a donné. Membre du Panathlon Club Lausanne et du Kiwanis de Chailly-Lausanne, il combat l’hypocrisie sous toutes ses formes, promeut le sport pour les jeunes et une activité saine, sans dopage. «J’aime offrir, partager et rire, dit cet idéaliste. En revanche, j’exècre l’égoïsme. Je pourrais presque me montrer agressif avec les tricheurs». Une belle fidélité à ses principes de vie et aux valeurs fondamentales du sport.

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One Comment;

  1. Werner Stern said:

    Cher Pierre,
    Cela fait belle lurette que l’on ne s’est plus revu. Mais, comme je reçois Le Courrier, je lis tes éditoriaux avec un vif intérêt et grand plaisir. Donc, j’ai un contact virtuel régulier avec toi. C’est sympa, mais ce serait encore à l’occasion en « présentiel » selon la formule.
    Entretemps, le te dis toute mon estime et je t’envoie mes meilleures amitiés.

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