Dopage | Le Nike Oregon Project ébranlé RÉSUMÉ | Depuis plusieurs années, le Nike Oregon Project et ses athlètes sont incontournables dans le demi-fond et fond mondial. Derrière la méga-star Mo Farah (GBR), un groupe d’une dizaine d’athlètes américains, dont un bon nombre de blancs, s’entraîne sous les ordres de l’ancien marathonien Alberto Salazar (USA). Evoluant au plus haut niveau et bénéficiant du marketing du géant Nike, les athlètes de l’ainsi nommé « NOP » défraient régulièrement la chronique par leurs exploits. Coup de tonnerre mercredi soir : la BBC a diffusé un reportage contenant de sérieuses accusations de dopage à l’encontre du coach Salazar et de l’ensemble de son projet.

o
La tête d’affiche américaine du NOP se nomme Galen Rupp. Seul coureur blanc à rivaliser avec les tous meilleurs Africains, il avait créé l’exploit de décrocher la médaille d’argent derrière… son partenaire d’entraînement Mo Farah lors du 10’000 m des JO de Londres en 2012. Il s’entraîne pour sa part sous la houlette d’Alberto Salazar depuis son adolescence. Les spécialistes américains de 1500 m Matthew Centrowitz et Shannon Rowbury sont eux aussi déjà montés sur des podiums mondiaux. Tous sont des stars, bien connues pour leur performance et leur maillot auréolé d’une couronne de laurier dessinant, en négatif, une inquiétante tête de mort.

Le site « Let’s Run » propose un résumé du documentaire. ATHLE.ch l’a traduit pour vous (lien vers l’article en version originale). Loin de se voiler la face, ATHLE.ch reviendra régulièrement sur la thématique du dopage. Aussi en donnant la parole à des acteurs du milieu.

*

Mercredi soir, la BBC a diffusé dans son émission Panorama un documentaire d’une heure, mené par son reporter Mark Daly, assisté hors-caméra par le reporter de ProPublica David Epstein, sur le dopage : « Catch Me If You Can » (Attrape-moi si tu peux).

Le documentaire présente des témoignages d’actuels et anciens athlètes d’élite accusant de dopage certaines des plus grandes stars de l’athlétisme d’aujourd’hui et de hier. Les fans de courses de fonds seront avant tout intéressé par les 27 dernières minutes du reportage, qui concentre des allégations contre Alberto Salazar, le coach du Nike Oregon Project qui aurait violé de manière régulière les lois anti-dopages et aurait notamment dopé un de ses athlètes phares, Galen Rupp, au moins depuis ses 16 ans.

Galen Rupp et Alberto Salazar

Durant l’introduction de 5 minutes, au début de l’émission, l’ancien directeur de l’Agence mondiale anti-dopage (WADA) Dick Pound rappelle que bon nombre des plus grands dopés du sport, comme Marion Jones ou Lance Armstrong, n’ont jamais été testés positifs. « Un test négatif montre seulement que vous n’avez pas été pris », dit-il.

Le reporter de la BBC Daly enchaîne avec le commentaire suivant : « Ce sont des insiders et non des tests qui ont été la clé permettant de dévoiler les secrets des tricheries dans le cyclisme ». Suivant cette logique, Daly s’est envolé pour les Etats-Unis afin de parler avec plusieurs insiders.

Stuart Eagon | Ancien partenaire d’entraînement qui parle de Prednisone

Screenshot-639-300x169La première interview enregistrée est réalisée avec un ancien coureur de longue distance américain, Stuart Eagon, qui s’est entraîné avec Salazar et Rupp dans son école en Oregon, avant d’aller concourir pour l’université de Wisconsin.

Eagon affirme que Rupp prenait de la Prednisone à l’école – interdite en compétition et autorisée en dehors à condition de posséder une Autorisation à usage thérapeutique (AUT) – alors qu’il n’avait aucune raison de le faire.

Eagon : « Galen, Alberto et moi étions en dehors d’une chambre d’hôtel en Caroline du Nord pour la finale nationale des Championnats scolaires sur 2 miles et nous nous préparions à partir pour un footing. C’est alors qu’Alberto a demandé à Galen s’il avait pris sa Prednisone ce matin-là. Galen est retourné dans l’hôtel et a pris la Prednisone – c’est du moins ce que j’imagine – et nous avons attendu 10 minutes. J’étais très surpris ».

Dans un communiqué, Salazar répond à cette affirmation en disant que « Galen a seulement pris de la Prednisone pour traiter une crise d’asthme ».

L’ancien masseur du NOP, dit avoir vu de la testostérone au camp de l’équipe

L’interviewé suivant est John Stiner, masseur pour le Nike Oregon Project lors d’un camp à Park City, dans l’Utah. Stiner dit avoir vu personnellement le gel de testostérone intedit Androgel.

Il affirme qu’en 2008, après que le NOP ait quitté son camp d’altitude dans l’Utah, Salazar l’a appelé pour lui demander de lui renvoyer quelque chose qu’il avait oublié : un tube d’Androgel. Stiner affirme que Salazar a compris que sa demande pouvait donner une drôle d’impression. « Il m’a dit : je ne veux pas que tu te fasses des idées, il y a un tube d’Androgel, il est sous des habits. C’est pour mon cœur, il est dans un sale état ».

Comme Epstein l’indique : « L’Androgel est un médicament à la testostérone prescrit aux hommes qui n’en produisent pas assez naturellement. Il est contre-indiqué pour les personnes souffrant de problème cardiaques, comme Salazar, qui venait d’avoir une attaque cardiaque ».

Comme preuve, Stiner a fourni une copie du chèque envoyé par Salazar à l’époque pour ses « frais d’envoi ».

20150527-salazar-check-redacted-6301

 

“Mike”, un ancien athlète Nike affirme qu’un docteur de l’organisation lui avait dit de prendre de la testostérone en micro-doses et que c’était ainsi qu’Alberto Salazar procédait.

Le documentaire présente ensuite un ancien athlète Nike qui a voulu rester anonyme. Appelé “Mike”, l’athlète affirme qu’un ancien médecin de Nike lui a conseillé de prendre de la testostérone, comme Alberto Salazar le prescrivait régulièrement à ses athlètes.

L’athlète explique qu’en 2007 il se sentait « vidé » et qu’il est allé aux laboratoire de Nike pour être conseillé par l’employé de la firme, le Dr. Loren Myhre (décédé en 2012). L’athlète affirme que le Dr. Myhre lui a dit d’aller voir un endocrinologue avec qui travaillait Salazar et qu’il lui procurerait de la testostérone et des médicaments pour la thyroïde.

Mike : « Il m’a dit que c’était comme ça qu’Alberto faisait. Que je me sentirais mieux et que je pourrais m’entraîner mieux. Ensuite je lui ai demandé si ce n’était pas de la triche et il m’a répondu : « Non, je veux dire Alberto le fait » »

« J’ai ensuite posé la question à propos des contrôles, si je risquais quelque chose, et il m’a dit : « Non, non non. On fera en sorte que tu restes dans la norme ». J’ai ensuite parlé à plusieurs personnes qui connaissent le sport et on m’a dit : « Ah, c’est du micro-dosage, c’est illégal. C’est une manière intelligente de tricher, ça te booste juste un peu avec des petites doses sans que tu dépasses la limite ».

L’ancien bras droit de Salazar, Steve Magness possède une image d’un rapport d’un laboratoire Nike indiquant que Galen Rupp prenait de la Testostérone à 16 ans.

20150603-bbc-nike-lab-doc-3-6301Steve Magness parle à la caméra d’une accusation qu’il soutien par une photo prise avec son téléphone et qui indique que Galen Rupp prenait de la Testostérone et de la Predisone à l’école (en bas à droite de l’image).

 

Magness : « La Testostérone est clairement interdite partout. Quand j’ai regardé plus loin dans le rapport et que j’ai vu que c’était il y a longtemps, quand Galen était encore à l’école, j’ai été choqué. C’est là que j’ai décidé de prendre la photo, pour avoir une preuve si quelque chose se passait ».

Magness raconte s’être inquiété auprès de Salazar après avoir découvert le rapport. Et que ce dernier lui avait alors dit que le Dr. Myhre (le même que celui qui avait conseillé le micro-dosage à “Mike”) était fou et qu’il s’était trompé en identifiant ce que Rupp prenait. Il affirme que Rupp ne prenait pas de la Testostérone, mais un supplément légal nommé TestoBoost.

Magness affirme que ce n’était pas juste un incident isolé : « Il y avait plein de petites choses qui s’additionnaient. Pour moi c’est l’indication d’une culture du dopage ».

Screenshot-648-300x169Magness affirme par exemple que Salazar a dopé son fils Alex, également employé chez Nike, avec un gel à la testostérone et l’a fait tester par le laboratoire de l’entreprise pour voir s’il était positif. Salazar avait alors expliqué que c’était pour être sûr que personne ne puisse saboter Rupp en faisant semblant de lui rentrer dedans, avant de rapidement lui mettre de la crème sur les jambes ».

Le « job de rêve » de Steve Magness est alors rapidement devenu très compliqué et il a rapidement quitté le projet. Il raconte aujourd’hui : « Témoigner est terrifiant. J’ai 30 ans et je n’aurais jamais pensé me retrouver dans une telle situation. Ce serait plus facile de ne rien dire et faire mon travail. J’ai un bon travail et une bonne réputation ».

Kara Goucher dit qu’Alberto Salazar lui a dit de prendre des médicaments qu’elle n’avait pas et lui a donné une ordonnance. Elle a un flacon pour le prouver.

Mark Daly a ensuite retrouvé les anciens athlètes olympiques et anciens membres du NOP Adam et Kara Goucher. Dans un témoignage émotionnel, Kara, parfois en pleurs, parle de Salazar en termes d’«homme qu’elle dit avoir aimé et qui était comme un père pour elle ».

Daly demande comment il est possible que Galen Rupp n’ait jamais été contrôlé positif alors même qu’il est l’athlète le plus contrôlé des Etats-Unis. « C’était aussi le cas de Lance Armstrong, ça ne veut rien dire ».

Les Goucher portent une accusation en particulier contre Salazar. Elle remonte à une époque où Salazar était mécontent avec le poids de Kara après qu’elle ait accouché de son fils Colt. Il lui avait alors dit de prendre un médicament pour la Tyroïde appelé Cymotel pour lequel elle n’avait pas d’ordonnance. Une violation de la loi américaine et anti-dopage.

Screenshot-656-300x169Comme preuve, Goucher montre un flacon qu’elle a conservé, avec Cytomel écrit dessus, par Salazar, prétend-t-elle.

Daly a alors montré la photo du rapport que lui avait remis Steve Magness et a demandé à Kara son avis : « Je pense que ça va briser le cœur de sa maman. Il n’y avait aucune raison pour qu’il prenne ça ».

Son mari, Adam, va plus loin : « C’est presque de l’abus d’autorité sur un enfant, je n’arrive pas à m’imaginer qu’un enfant de 16 ans puisse prendre la décision de faire ça. Comment pourrait-il seulement savoir ? »

Fin d’émission

A la fin de l’émission, Daily indique que tous ces interlocuteurs ne se sont pas seulement confiés à lui et à David Epstein, mais d’abord à la WADA.

David Epstein a pour sa part produit un reportage écrit qui peut être lu ici.

Liste des athlètes membre du Nike Oregon Project

Mo Farah (GBR)
Galen Rupp (USA)
Matthew Centrowitz (USA)
Cam Levins (CAN)
Jordan Hasay (USA)
Mary Cain (USA)
Treniere Moser (USA)
Shannon Rowbury (USA).

Commentaires

commentaires

Auteur

Autres articles en lien avec ce sujet

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Top